L'express

Crise des hôpitaux : "Les urgences sont devenues des lieux de détresse sociale"

11 juin 2019

Selon la sociologue Fanny Vincent, les patients ne sont pas directement responsables de l'engorgement des urgences.

Après trois mois de mobilisation, le mouvement de colère des urgentistes ne faiblit pas. De nouvelles actions avaient lieu ce mardi à l'appel des fédérations des syndicats CGT, FO, SUD et CFE-CGC , alors que le Sénat doit adopter le projet de loi santé porté par la ministre Agnès Buzyn. 

Des manifestations se sont déroulées dans la matinée devant le ministère de la Santé, tandis que le collectif Inter-Urgences comptabilisait lundi soir 95 services d'urgence en grève dans toute la France. Au coeur des revendications : une hausse des salaires de 300 euros net par mois, une augmentation des effectifs et une sécurisation des locaux pour faire face à un afflux toujours plus important de patients. 

Des revendications en partie balayées dimanche sur BFMTV par Agnès Buzyn, qui a rappelé qu'"une prime de risque ainsi qu'une prime de coopération" étaient attribuées "aux paramédicaux dans les services d'urgence". "Je comprends que ce soit une reconnaissance. Mais quand la préoccupation est purement salariale alors que ça dysfonctionne, (...) sincèrement les problèmes ne vont pas se régler parce que je paie davantage", a-t-elle martelé.

Alors que le nombre de passages aux urgences a doublé en vingt ans, avec plus de 21 millions de patients enregistrés en 2016, comment expliquer cette évolution spectaculaire ? L'Express a posé la question à Fanny Vincent, sociologue au CREAPT et coauteure de La casse du siècle : À propos des réformes de l'hôpital public (avec Frédéric Pierru et Pierre-André Juven, aux éditions Raisons d'Agir). 

L'Express : Le passage injustifié de certains patients aux urgences est-il la cause de leur engorgement ? 

Fanny Vincent : Il y a effectivement un engorgement des urgences, c'est indéniable. En revanche, dire que cela est imputable au fait que certaines personnes s'y rendent alors qu'elles ne le devraient pas me semble compliqué. Il existe en effet des urgences sociales et certaines personnes se retrouvent à l'hôpital, parce qu'elles n'ont pas d'autre endroit où aller. 

Il est cependant vrai qu'un certain nombre de ces personnes pourraient être prises en charge par des professionnels en dehors de l'hôpital, dans ce que l'on appelle la médecine de ville. Mais cette dernière est insuffisamment structurée. Il n'existe pas de réelle articulation entre l'hôpital et la médecine de ville. 

En 1958, lorsque la réforme Debré a été lancée, une forme d'hospitalocentrisme a été mise en place. On a fait de l'hôpital le centre névralgique du système de santé, ce qui a créé un déséquilibre avec les autres structures de la médecine de ville. Or, dans un contexte de baisse de ses moyens, l'hôpital a aujourd'hui des difficultés à assumer correctement l'ensemble de ses missions. Le problème est donc multifactoriel. 

Contributeur.trice.s du CEET : Fanny Vincent
Source : L'Express

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