Rapports de recherche - 2012

Ressources humaines (RH) et tarification à l’activité (T2A). Entretiens avec des membres des directions des hôpitaux

#81 - décembre 2012 - Mihaï Dinu Gheorghiu, Danièle Guillemot, Frédéric Moatty

Le secteur hospitalier connaît actuellement des transformations majeures, en raison notamment des évolutions de la planification sanitaire et des modes de financement. Les conditions du passage de la dotation globale à la tarification à l’activité (T2A) ont fait débat, et la T2A, considérée comme la principale réforme des dernières années, est aussi l’une de celles qui divise le plus les professionnels de santé. De plus, sa mise en œuvre suppose l’évolution des modes de gestion des ressources humaines ainsi que des pratiques professionnelles.

Ce thème est approfondi par la post-enquête « Ressources humaines (RH) et mise en place de la tarification à l’activité (T2A) », qui fait suite à l’enquête « Changements Organisationnels et Informatisation dans les établissements de santé » (COI-H), dont les résultats ont été publiés par la Drees. La post-enquête a été réalisée à partir d’entretiens semi-directifs auprès de responsables hospitaliers et a apporté un éclairage sur les difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre de la réforme.

Les représentations de la T2A sont clivées chez les responsables hospitaliers. Elles se déclinent autour de trois pôles, le symbolique, l’instrumental et le socioprofessionnel. Il existe une asymétrie entre la dimension symbolique de la T2A, vue comme « révolution culturelle », et une dimension pragmatique qui la réduit à un « simple » outil de gestion. Mais la T2A s’est également accompagnée de transformations d’ordre organisationnel, professionnel et social. Au-delà des critiques, les entretiens font état d’effets positifs mais aussi de limites et de désenchantement. Pour certains, « le problème n’est pas la T2A », mais la fixation du budget au niveau national ainsi que l’ensemble des contraintes imposées à l’hôpital public.

Du point de vue des RH, la mise en œuvre de la T2A introduit une gestion du personnel en masse salariale qui rend cruciale les variations des effectifs en lien avec les recrutements, la mobilité ou les remplacements, ou en lien avec l’importance de l’activité. Un de ses effets serait aussi la croissance de la mobilité des personnels, notamment chez les médecins. L’introduction de la T2A semble avoir ainsi accentué la polarisation entre les secteurs (public, privé et privé non lucratif) en exacerbant des difficultés souvent anciennes des établissements, dont la T2A n’est pas la cause.

Les entretiens témoignent des transformations actuelles de l’espace social des établissements de santé et des évolutions de ses groupes professionnels. Ces derniers doivent se repositionner par rapport au discours de la réforme et élaborer de nouvelles stratégies individuelles et collectives. Dans ce cadre, le rôle des directeurs apparaît central dans la gestion de l'impact de la T2A, alors même que leur corps professionnel est déstabilisé par d’autres réformes récentes. 

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Des ruptures conventionnelles vues par des salariés. Analyse d'un échantillon de cent une ruptures conventionnelles signées fin 2010

#80 - octobre 2012 - Raphaël Dalmasso, Bernard Gomel, Dominique Méda, Évelyne Serverin. Avec la collaboration de Laetitia Sibaud

Ce rapport présente les résultats d'une enquête qualitative sur les usages de la rupture conventionnelle (RC), réalisée par le CEE dans le cadre d’une convention passée avec la CFDT. À partir d’une centaine d’entretiens en face à face conduits d’avril à juillet 2011 auprès de salariés tirés au hasard parmi les ruptures conventionnelles signées en novembre 2010 dans cinq départements, cette enquête visait à rendre compte, en s’appuyant sur le récit de ces salariés, des circonstances de la rupture et à comprendre les logiques d’usage du dispositif.

Les résultats bruts montrent que les profils des salariés et des entreprises auxquelles ils appartiennent sont variés. Les indemnités de rupture sont en grande majorité proches de l’indemnité légale. Les salariés sont très isolés avant, pendant et après la procédure. Au moment de l’enquête, six mois après la rupture conventionnelle, soixante-quinze cas sur cent sont encore inscrits à Pôle emploi. Le même nombre de salariés porte néanmoins un avis positif sur le dispositif, qui s’explique par le fait que la RC a permis à une part importante d’entre eux de quitter une situation devenue intenable.

En effet, l’exploitation raisonnée des cent un cas et la recherche de ressemblances avec d’autres modèles de rupture du contrat de travail met en évidence que moins du quart de l’échantillon présente de nombreux traits communs avec la démission, plus du tiers avec des prises d’acte ou des résiliations judiciaires et un peu moins de la moitié avec des licenciements.

Si la RC a atteint ses objectifs pour une partie des salariés (elle a sécurisé la transition professionnelle de ceux qui avaient un projet professionnel ou privé), elle a privilégié la séparation sur la possible amélioration des conditions de travail et d’emploi et recouvert un nombre de situations beaucoup plus large que celles pour lesquelles elle était prévue.

Le rapport propose des pistes susceptibles d’améliorer le dispositif et, plus largement, de redonner aux salariés un pouvoir de négociation et d’expression sur leurs conditions de travail qui leur fait défaut aujourd’hui.

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Les conditions de travail dans les accords et plans d'action "seniors". Étude pour le Conseil d'orientation des conditions de travail (Coct)

#79 - juillet 2012 - Laurent Caron, Fabienne Caser, Catherine Delgoulet, Élise Effantin, Annie Jolivet, Laurence Théry, Serge Volkoff. Sous la coordination de Serge Volkoff

Ce rapport présente la démarche et les résultats d’une étude qualitative sur les volets « conditions de travail » d’accords ou plans d’action d’entreprises françaises concernant l’emploi des seniors ; ou, à l’inverse, les volets qui concernent les seniors dans des accords ou plans d’action sur les conditions de travail.

L’étude a été menée en 2011, pour le compte du Conseil d’orientation des conditions de travail (Coct), qui l’a commanditée. Elle a été présentée, à un stade intermédiaire et vers sa fin, d’une part devant un « groupe de pilotage » (composé de membres du secrétariat général du comité permanent du Coct, de représentants d’administrations et organismes impliqués, et de deux personnalités scientifiques), d’autre part devant le groupe de réflexion « seniors » du Coct, où sont représentés les partenaires sociaux.

Les auteurs sont : Laurent Caron et Laurence Théry (Aract Picardie), Fabienne Caser (Anact), Catherine Delgoulet (Université Paris Descartes), Annie Jolivet (Ires, Créapt) et Serge Volkoff (Centre d’études de l’emploi, Créapt) qui a assuré la coordination de l’étude. Cette équipe est pluridisciplinaire (ergonomie, économie, gestion, droit) ; l’étude a été organisée de manière à favoriser ces rapprochements entre disciplines.

Les entreprises dans lesquelles l’étude a été menée sont de tailles et secteurs divers. Elles sont désignées ici sous des noms d’emprunt. Les auteurs remercient vivement les responsables de ces entreprises, et les divers acteurs rencontrés.

Même si nous avons cherché à rendre compte avec soin des éléments que nous avons recueillis, des imprécisions sont toujours possibles, et nous en prenons bien sûr la responsabilité. De même, nous assumons les choix que nous avons faits pour sélectionner les aspects qui nous semblaient les plus pertinents, et les mettre en perspective. Les analyses présentées n’engagent donc ni les entreprises concernées, ni le Coct lui-même.

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Une mesure de la santé à l'âge du travail. Approche du travail par la santé à partir de l'enquête Evénements de vie et santé (EVS, Drees, 2005-2006)

#78 - juillet 2012 - Catherine Cavalin, Sylvie Célérier

Dans ce document, nous proposons une mesure de la santé à l’âge du travail qui nous permet de décrire les états de santé des personnes concernées, qu’elles travaillent effectivement ou qu’elles ne travaillent pas. La vaste littérature disponible sur les liens entre santé et travail fournit en effet de nombreux indices montrant que la santé est moins uniformément bonne que l’on pourrait a priori le penser pour cet âge particulier. Nous souhaitons, par cette mesure, en apprécier l’ampleur en saisissant la santé dans sa globalité, c’est-à-dire sans la limiter à ce qu’y imprime le rapport au travail ou à l’emploi. Nous entrons donc dans le travail par la santé, en considérant celle-ci de la manière la plus ouverte possible. Cette ouverture suppose également de considérer, ensemble, les dimensions physique, mentale et fonctionnelle de la santé en examinant les liens possibles entre elles. Notre propos est par ailleurs résolument descriptif plutôt que causaliste. Sans remettre en cause l’intérêt de la recherche des causalités réciproques entre travail et santé, dont nous retrouvons d’ailleurs plusieurs des résultats – notamment les mécanismes liés aux inégalités sociales de santé –, nous explorons les états de santé à l’âge du travail, de la bonne santé jusqu’à la santé très dégradée, en les qualifiant le mieux possible.

La santé, on le sait, n’a d’autre définition que conventionnelle et toute mesure doit faire état de « sa fabrique ». La première partie de ce rapport présente donc le détail des instruments à partir desquels la mesure a été construite. Ces instruments sont extraits de l’enquête Événements de vie et santé (Drees, 2005-2006), représentative de la population des 18-75 ans résidant en France en ménage ordinaire, pour sa richesse en variables sur la santé et malgré des informations plus restreintes sur le travail et l’emploi. Toujours dans cette première partie, les données de l’enquête sont confortées, par la comparaison, à d’autres enquêtes nationales et internationales et l’exploitation de deux scores synthétiques sur la santé physique et mentale offre une première vue d’ensemble de la question posée. On y confirme le jeu du travail comme normalité de santé physique plutôt que mentale, on y enregistre de nombreux troubles déclarés (y compris lorsque les personnes travaillent) que nous avons traités comme des anomalies de la normalité, et on y voit enfin l’autonomie relative de la santé physique et de la santé mentale.

La seconde partie du rapport pousse plus loin l’analyse en cherchant à caractériser les différentes situations de santé possibles et en décrivant les caractéristiques des personnes concernées par une pluralité de variables. Pour ce faire, nous mobilisons une analyse des correspondances multiples (ACM) menée sur une sous-partie des enquêtés (les 18-65 ans), suivie d’un travail de typologie. Les neuf types de santé qui se dégagent de cette analyse dessinent trois grandes zones de santé : « bonne », « moyenne » et « mauvaise », qui concernent respectivement 54 %, 31 % et 14 % de l’ensemble des 18-65 ans. L’exploitation d’un large ensemble de variables permet de qualifier chacun de ces trois types et, surtout, objective les seuils qui les discriminent. La cartographie sur laquelle débouche l’analyse confirme la première exploitation des scores synthétiques et la précise. Elle montre qu’une large partie de la population en emploi doit faire avec des pathologies liées à la santé physique ou mentale, des limitations fonctionnelles, une santé qui n’est pas toujours perçue de manière favorable, etc. Plus précisément, si l’on regroupe les types de santé moyenne (pour lesquels les troubles peuvent être substantiels) et celui de la mauvaise santé (dans lequel les pathologies sont les plus graves sur tous les plans de la santé examinés et tendent à se cumuler), quelque 45 % des 18-65 ans présentent un état de santé non indemne de « troubles », dont une grande majorité est en emploi. À l’opposé, les meilleurs états de santé ne renvoient pas d’accords parfaits entre les différentes dimensions de la santé. On y décèle des dissonances : une bonne santé physique allant avec des troubles de la santé mentale ou réciproquement. Il n’y a donc pas une norme rigide de la santé au travail, mais plusieurs qui s’écartent, parfois nettement, de celle que dicterait une définition strictement biologique de la santé, limitée à la morbidité.

La conclusion de ce rapport reprend ce qui nous semble les principaux enseignements de la mesure produite, les rapportant à ceux de la littérature et les discutant, par exemple, sur les effets des variables d’âge ou de sexe que nous voyons jouer de façon atténuée. Elle amorce également une réflexion plus générale sur les normes de la santé au travail dont la variété invite à ouvrir, plus qu’on ne le fait usuellement, la compréhension de la relation santé travail aux dispositifs institutionnels et réglementaires qui contribuent à la construire.

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TIC et conditions de travail. Les enseignements de l'enquête COI

#77 - juin 2012 - Nathalie Greenan, Sylvie Hamon-Cholet, Frédéric Moatty, Jérémie Rosanvallon

Le débat social a questionné récemment le rôle des TIC (technologies de l’information et de la communication) dans la souffrance au travail. En replaçant les conditions de travail dans le contexte de l’entreprise, le dispositif d’enquêtes couplées COI (Changements organisationnels et Informatisation) permet d’aborder de manière inédite les liens entre TIC et conditions de travail. Ces technologies emblématiques de l’économie de la connaissance regroupent un ensemble vaste d’outils qui permettent de traiter des informations et/ou de communiquer. On distingue d’une part, l’équipement de l’entreprise, en identifiant l’existence de matériels ou de logiciels spécifiques : technologies de réseau (LAN ou Intranet, Extranet ou EDI), ERP, outils de modélisation des processus (workflow), de travail collaboratifs (groupware), ou de traçabilité (RFID) et centre d’appel. On examine d’autre part, l’équipement et les usages des salariés, en distinguant les usages fortement « connectés » des usages plus routiniers qui ne sont pas ou peu « connectés ». Les traitements statistiques réalisés analysent les conditions de travail des salariés selon leurs usages et le contexte d’équipement de leur entreprise. Ils incluent un ensemble de variables de contrôle pour tenir compte d’effets de structure liés aux salariés (âge, diplôme, etc.) et à leurs entreprises (taille, secteur, etc.).

Au total, l’analyse statistique révèle deux régimes principaux de mobilisation de la main-d’oeuvre en lien avec les TIC. Les technologies connectées, utilisées par un salariat de confiance, souvent cadre ou profession intermédiaire dans de grandes entreprises, sont associées à un vécu marqué par l’intensité du travail et le débordement dans la sphère privée mais aussi par de l’autonomie et un certain bonheur professionnel, c’est-à-dire un bien-être lié au sentiment que le travail est reconnu à sa juste valeur. À l’opposé, les utilisateurs de technologies pas ou peu connectées et les salariés des entreprises équipées d’outils logiciels transversaux (ERP, modélisation des processus, outils de traçabilité) ou d’un centre d’appel ont non seulement un travail intense en termes de cadences ou de demandes internes, mais aussi peu de marges de manoeuvre pour y répondre, la prescription s’étendant parfois jusqu’aux modes opératoires. De plus, leur travail est contrôlé, voire sous surveillance, alors même qu’ils peuvent devoir faire face à des injonctions peu claires ou contradictoires. Enfin, les non utilisateurs, de moins en moins nombreux, font face à la fracture numérique : ils ont un travail moins intense mais appauvri, isolé et peu satisfaisant.

Les risques générés par les TIC sont donc étroitement liés au contexte organisationnel dans lequel elles s’inscrivent et aux décisions des entreprises sur la manière dont l’informatique vient assister l’activité de management. Plutôt que d’imputer un rôle déterministe aux TIC, il faudrait donc raisonner en termes de risques associés à des configurations de contextes et d’usages. 

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Les accidents du travail et problèmes de santé liés au travail dans l'enquête SIP. (In)visibilités et inscriptions dans les trajectoires professionnelles

#76 - juin 2012 - Thomas Amossé, Véronique Daubas-Letourneux, Katia Barragan, Karine Meslin, Fabienne Le Roy

L’analyse des carrières suite à un accident du travail ou une maladie d’origine professionnelle a donné lieu à une recherche (Thomas Amossé, Katia Barragan, Véronique Daubas-Letourneux, Fabienne Le Roy, Karine Meslin) financée par la Dares et la Drees dans le cadre d’un appel à exploitation de l’enquête Santé et Itinéraire professionnel (SIP). Cette recherche pose comme centrale la question des articulations entre l'inscription institutionnelle et l'inscription biographique des accidents du travail et des maladies ou problèmes de santé liés au travail. La question des (in)visibilités sociales et institutionnelles de ces atteintes à la santé, posée sous l'angle du temps long des parcours professionnels, est au fondement de l'analyse des données statistiques fournies dans l'enquête SIP, ainsi que de la post-enquête menée en complémentarité de cette analyse.

Catégorie particulière en santé au travail, les accidents du travail sont rarement posés comme problème de santé publique. Sur la base des enseignements issus d’une enquête qualitative longitudinale antérieure menée auprès d’accidentés du travail, nous avons proposé de saisir l'opportunité apportée par l'enquête SIP pour étudier les accidents du travail sous l'angle du parcours de ceux qui les ont subis, dans une analyse quantitative conduite à grande échelle en population générale. Constatant un nombre particulièrement peu élevé de tels accidents déclarés dans l’enquête SIP, les premières explorations statistiques nous ont invités à étendre le questionnement des seuls accidents du travail aux problèmes de santé « causés ou aggravés par les conditions de travail ». Ce faisant, la problématique initiale s'est trouvée enrichie d'un questionnement sur les spécificités qui s'observent entre accidents et problèmes de santé, tant en termes d’(in)visibilité institutionnelle que de conséquences sur la carrière professionnelle et d'articulation entre ces deux aspects. Afin, d'une part, de valider le questionnement posé dans l'enquête SIP et d'autre part, de nourrir et d'alimenter l'analyse, trois sous-populations ont été ciblées pour l'analyse qualitative, parce que centrale ou en marge des questions d’(in)visibilité des accidents et problèmes de santé liés au travail : les ouvriers qualifiés de l'industrie et de l’artisanat, les travailleurs migrants et les indépendants (artisans, commerçants et agriculteurs).

Deux axes de recherche ont structuré l'analyse. Le premier vise à interroger l’invisibilité des accidents du travail et des problèmes de santé liés au travail à un double niveau : celui de leur déclaration par les individus (dans l'enquête mais aussi d'une certaine manière à eux-mêmes) et celui de leur prise en considération par les institutions en charge de les indemniser. Le second axe concerne les liens observés entre l’itinéraire professionnel et les atteintes à la santé liées au travail. Nous avons cherché à voir dans quelle mesure les données SIP, complétées et enrichies par les entretiens, permettaient d'alimenter la connaissance sur les articulations complexes existant entre travail et santé au long de l'itinéraire professionnel, en portant une attention particulière au degré de visibilité/invisibilité institutionnelle des atteintes à la santé liées au travail. Pour cela, l'exploitation des données statistiques s'est focalisée sur les écarts observables entre le reconnu et le non reconnu dans les atteintes liées au travail. Les travailleurs indépendants, difficilement observables à partir des données SIP, ont fait l'objet d'une analyse qualitative approfondie sur la base des entretiens réalisés.

La recherche a permis d'apporter différents éclairages statistiques et qualitatifs sur les questions posées au départ. Tout d’abord, sur le plan de la visibilité institutionnelle, l'enquête SIP et les entretiens réalisés sont venus confirmer que, dans le champ de la « santé au travail », les accidents du travail tels que repérés ici, c'est-à-dire les plus graves ou/et ceux qui se sont accompagnés d’une perturbation de l'itinéraire professionnel, sont une catégorie de connaissance particulièrement visible et bien prise en charge par les organismes de Sécurité sociale. La relative automaticité de la prise en charge observée pour ces accidents se trouve toutefois nuancée pour les travailleurs indépendants, précisément pour les artisans et commerçants pour qui l'assurance accidents du travail est facultative. Mais c'est surtout pour les maladies ou problèmes de santé que la difficulté de dire ou de reconnaître le lien avec le travail est forte. Nos résultats viennent ici alimenter ce qui est déjà connu sur une partie de l'invisibilité sociale et institutionnelle des atteintes à la santé liées au travail. Non seulement la reconnaissance en maladie professionnelle est en soi un processus long, inscrit dans l'histoire des rapports de force aboutissant à la création des tableaux de maladies professionnelles. Mais cette reconnaissance est, avant la déclaration aux organismes de Sécurité sociale, un processus pour les personnes elles-mêmes, inscrit dans leur itinéraire professionnel et dans leur histoire personnelle, familiale et sociale.

À côté de la prise en charge institutionnelle, la recherche a montré, via l'analyse statistique et via les entretiens, que la reconnaissance du lien entre une atteinte à la santé et le travail comportait des dimensions allant bien au-delà d'une réparation financière. Quelles que soient les conséquences en termes d’emploi (éviction du poste, de l’emploi ou, a contrario, maintien dans le poste ou dans l'emploi), la prise en charge institutionnelle semble agir comme un révélateur de l’attention que l’employeur, les collègues, et plus largement la société portent aux drames individuels que constituent les atteintes à la santé d’origine professionnelle. Ainsi, malgré une carrière parfois arrêtée prématurément et des troubles ou séquelles encore souvent perceptibles, les personnes interrogées dans SIP témoignent d’un regard particulièrement positif sur leur itinéraire professionnel quand leur accident ou leur problème de santé ont été reconnus comme étant liés au travail. Et ce, à gravité initiale donnée de ces atteintes à la santé. L’analyse des trajectoires d’individus victimes de maladies à caractère professionnel (c'est-à-dire déclarées en maladies professionnelles mais non reconnues comme telles) met à jour une double inégalité, couplée à la non prise en charge institutionnelle. Comparées aux victimes de maladies professionnelles reconnues, les individus ayant déclaré un problème de santé au titre des maladies professionnelles qui n’a pas été reconnu ont en effet à la fois une santé plus durement atteinte et un itinéraire professionnel jugé plus difficile.

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Changements organisationnels et évolution du vécu au travail des salariés : une comparaison entre secteur privé et Fonction publique d’État

#75 - mai 2012 - Maëlezig Bigi, Nathalie Greenan, Sylvie Hamon-Cholet, Joseph Lanfranchi

Au moyen du dispositif d’enquêtes couplées Changements organisationnels et Informatisation (COI), nous avons analysé les effets des changements organisationnels dans le secteur privé et la Fonction publique d’État, sur des indicateurs d’intensification du travail, d’évolution des compétences et de variation de l’implication des salariés.

Les changements organisationnels sont, entre 2003 et 2007, plus intenses dans la Fonction publique d’État que dans le secteur privé, confirmant l’importance des modifications de l’environnement de travail des fonctionnaires dans un contexte de modernisation de l’État. Pourtant, ces réformes ne se sont pas traduites en moyenne par une intensification du travail sous la forme d’un accroissement des contraintes de rythme ou de pointes d’activité plus fréquentes. Dans le secteur privé, les changements ont été en moyenne moins soutenus et, s’ils ne sont pas associés de façon significative aux variations de l’intensité du travail, ils apparaissent liés à un enrichissement du travail qui ne conduit pas pour autant à l’accumulation de compétences nouvelles.

Ce sont dans les domaines plus subjectifs de l’implication et de la reconnaissance au travail que les oppositions entre secteur privé et Fonction publique d’État sont les plus fortes. Les agents de l’État expriment une insatisfaction face aux changements, qui se traduit par une baisse de l’implication au travail, alors que, dans le secteur privé, les changements organisationnels engendrent une hausse de l’implication pour autant que leur intensité n’atteigne pas un niveau très élevé. Par ailleurs, les salariés du secteur privé déclarent un sentiment de reconnaissance au travail, qui décroît à mesure qu’augmente le recours aux outils informatiques et l’équilibre entre leurs investissements dans le travail et les bénéfices obtenus se détériorent si les changements gestionnaires atteignent un niveau élevé. Cet effet est toutefois affaibli par la présence conjointe de changements dans les deux domaines, au contraire du secteur public où celle-ci renforce la perception d’un déséquilibre de la balance investissement-bénéfices.

Nous testons le caractère modérateur de trois formes de participation des salariés aux changements : la consultation des salariés sur les changements, la présence de délégués syndicaux et l’existence d’espaces collectifs d’échanges informels.

Il ressort de notre analyse que le processus du changement apparaît plus vertueux dans le secteur privé que dans la Fonction publique d’État.

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Le RSA en Dordogne

#74 - mai 2012 - Martine Abrous

La monographie qui est présentée ci-après s’inscrit dans le cadre des travaux impulsés par une équipe du Centre d’études de l’emploi (CEE) [Dominique Méda et Bernard Gomel]. Le CEE, le Centre d’économie de la Sorbonne et le Cerlis (Centre de recherche sur les liens sociaux) avaient décidé, en mars 2010, de mener des travaux sur la mise en œuvre du revenu de solidarité active (RSA) dans plusieurs départements, notamment pour comprendre comment s’opèrent l’instruction des demandes des allocataires, l’orientation et l’accompagnement dans le nouveau cadre de la loi instituant le RSA. Un membre de l’équipe du CEE (Martine Abrous) a préalablement rencontré la direction du pôle RSA du conseil général ainsi que la responsable de l’unité territoriale de Bergerac-Est. Une série d’entretiens a été réalisée avec les divers acteurs impliqués sur différents cantons du territoire, en particulier à Bergerac-Est, Mussidan, Périgueux. Les allocataires ont été également rencontrés. Cette monographie est organisée selon le point de vue de l’allocataire, c’est-à-dire en suivant les principales étapes de son parcours. Nous présentons dans une première partie les acteurs et leur mission tels que décrits dans la convention départementale relative à l’application du RSA. Nous analysons, dans la seconde partie, l’application de la procédure d’instruction des demandes des allocataires. La troisième partie est centrée sur l’application de la procédure d’orientation, en tenant compte du rôle de Pôle emploi et la quatrième partie apporte des éléments descriptifs sur la manière dont les allocataires sont accompagnés que ce soit par le département en lien avec Pôle emploi, ou par certaines associations.

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Les effets du RSA sur le taux de retour à l'emploi des bénéficiaires

#73 - mars 2012 - Élisabeth Danzin, Véronique Simonnet, Danièle Trancart. Avec la collaboration de : Adélaïde Favrat, Freddy Kakou, Sullivan N’Guyen

Le 1er juin 2009, le revenu de solidarité active (RSA) s’est substitué au revenu minimum d’insertion (RMI), à l’allocation de parent isolé (API) et aux dispositifs associés d’aide financière à la reprise d’emploi avec pour principal objectif d’« encourager l’exercice ou le retour à une activité professionnelle ». En exploitant le fait qu’au sein de chaque configuration familiale (famille monoparentale ou couples), l’incitation financière à la reprise d’emploi a évolué différemment selon la présence et le nombre d’enfants, nous comparons les taux de retour en emploi et les trajectoires des allocataires selon leur composition familiale, avant et après la réforme. Les analyses de séquences et les estimations en doubles différences font apparaître des résultats pour les hommes isolés et les femmes en général en cohérence avec l’évolution à long terme des gains au retour à l’emploi. Les parents isolés ont connu une amélioration des taux de retour en emploi plus forte que celle observée pour les personnes seules de même sexe.

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Pratiques de recrutement et sélectivité sur le marché du travail

#72 - mars 2012 - Yannick Fondeur, Michèle Forté, Guillemette de Larquier, Sylvie Monchatre, Géraldine Rieucau, Marie Salognon, Ariel Sevilla, Carole Tuchszirer

Cette recherche, financée dans le cadre d’un appel à projets conjoint de la Dares et du Défenseur des droits (Halde au moment de l’appel à projets), avait pour objet d’affiner la connaissance des pratiques de recrutement et de caractériser leur sélectivité.

La nature d’un recrutement est d’être sélective. Mais cette sélectivité pose problème dans deux cas : quand elle s’appuie sur des critères illégitimes au regard du droit du travail, car elle produit ainsi de la discrimination ; mais aussi quand elle est fondée sur des critères non prohibés par la loi mais mobilisés de manière systématique, car elle engendre alors des phénomènes d’exclusion sur le marché du travail.

Notre analyse porte sur les pratiques de recrutement directement et indirectement sélectives. Les recruteurs peuvent intentionnellement chercher à écarter telles catégories de population ou à privilégier telles autres. Mais il est également possible que des pratiques en apparence neutres induisent une sélectivité particulière, engendrant de manière indirecte la mise en avant systématique de certains profils et/ou l’exclusion, voire la discrimination, d’autres catégories de candidats.

La prise en compte de la diversité sectorielle des façons de recruter a constitué un élément important de notre démarche empirique. Notre questionnement s’est déployé transversalement dans les quatre secteurs retenus (banque, hôtellerie-restauration, grande distribution, conseil et services en informatique et technologies), mais des problématiques spécifiques aux différents secteurs ont également été développées.

Un des partis pris importants de cette recherche était en effet de mettre en avant le caractère structurant des systèmes d’emploi sur les pratiques de recrutement. L’hypothèse sous-jacente est que les pratiques de recrutement doivent être analysées dans leur contexte en tenant compte de l’activité économique des entreprises et du marché sur lequel elles opèrent, des caractéristiques des différents types de main-d’œuvre mobilisée, de leurs marchés du travail et règles professionnelles, et, enfin, des politiques de gestion de l’emploi et des carrières spécifiquement développées. Il s’agissait donc non seulement d’identifier des déterminants sectoriels, mais également, via le croisement de ces dimensions, des dynamiques différenciées au sein des secteurs, voire des entreprises. Les quatre monographies sectorielles de ce rapport s’attachent à cela (chapitres 1 à 4).

Ce matériau monographique fait l’objet d’analyses transversales à travers quatre thématiques : la gouvernance du recrutement (chapitre 5) ; les canaux de recrutement (chapitre 6) ; les critères d’évaluation et la sélectivité (chapitre 7) ; la discrimination, l’exclusion, et la diversité (chapitre 8). 

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Ils et elles : parcours professionnels, travail et santé des femmes et des hommes. Actes du séminaire Ages et travail, mai 2009

#71 - février 2012 - Creapt-EPHE

Les recherches sur les relations entre âges et travail qui pointent les enjeux de santé et d’expérience au fil du parcours professionnel ignorent encore largement la dimension du genre.

Pourtant, les études statistiques ou épidémiologiques constatent et parfois analysent les disparités et ressemblances entre les résultats concernant les femmes et les hommes.

Pourtant, des travaux de démographes, d’économistes, de sociologues démontrent qu’une analyse sexuée des itinéraires est indispensable.

Pourtant, les travaux des ergonomes se veulent attentifs à la « diversité des opérateurs », et le socle des connaissances ergonomiques sur l’âge, la santé et le travail s’est largement élaboré à partir de recherches menées dans des secteurs d’emploi féminin (dans la confection, l’électronique, les renseignements téléphoniques, les services administratifs, les hôpitaux, etc.).

Prendre en compte le genre et les femmes, ce n’est pas développer un domaine de connaissances spécifiques. C’est viser un approfondissement des questions et des savoirs. Par exemple, il est possible ainsi de connaître de façon plus complète et plus diversifiée la continuité ou la discontinuité des carrières, la progression ou la stagnation professionnelle, l’accès aux formations et aux apprentissages, les formes d’émancipation ou d’assujettissement dans l’activité, l’usage des horaires et l’articulation des sphères de la vie.

Dans cette perspective, l’objectif du séminaire sera de présenter et discuter des recherches, dans diverses disciplines, qui éclairent la place du genre dans le faisceau des relations entre âge, travail, santé et expérience.

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Les organisations patronales. Continuités et mutations des formes de représentation du patronat

#70 - février 2012 - Thomas Amossé, Gaëtan Flocco, Josette Lefèvre, Jean-Marie Pernot, Héloïse Petit, Frédéric Rey, Michèle Tallard, Carole Tuchszirer, Catherine Vincent

Dans une large mesure, le patronat constitue un point aveugle de l’analyse des acteurs de la relation sociale. C’est dans l’optique de mieux l’appréhender que la recherche s’est construite, qui vise à éclairer la pluralité de l’espace patronal à travers sa relation aux autres acteurs des relations sociales (pouvoirs publics, syndicats de salariés, collectivités territoriales). Au-delà de cette confrontation à l’autre, l’objectif poursuivi a été de mieux saisir quels étaient les vecteurs qui structurent l’engagement patronal et comment se « fabriquaient » les mandats patronaux, que ce soit dans le cadre d’une classique négociation interprofessionnelle, dans celui plus informel du dialogue social territorial ou encore dans l’univers dense et méconnu des « think tanks ». Le rapport est organisé en trois parties.

La première présente une tentative d’objectivation de la participation patronale. La question du nombre d’adhérents a été délibérément délaissée pour privilégier une forme plus labile d’engagement qui est la participation – avec ses gradations – aux diverses formes d’activité de représentation (structures locales, syndicats professionnels, clubs de DRH, instances paritaires). Ce choix a été dicté par les outils de connaissance statistique mobilisables, qui ne permettent pas de circonscrire en tant que tels les périmètres de l’adhésion. L’enquête Reponse, qui a été la base du travail statistique, a été confrontée à une investigation de terrain où les questions posées ont permis d’apporter un regard plus situé dans l’espace et dans le jeu d’acteurs.

La deuxième partie explore la question du mode de production du mandat patronal en situation d’interaction. Il s’agissait là d’une attention portée au niveau national interprofessionnel dans deux grands champs de la négociation collective : la protection sociale et la formation, deux domaines clés du paritarisme. La formation professionnelle donne à voir un autre espace de la régulation du système, celui de la région qui révèle la fragmentation des figures patronales pourtant toutes conviées à participer au dialogue social territorial.

La troisième partie renvoie à deux terrains occupant des positions polaires par rapport à l’espace de représentation : l’un au cœur, puisqu’il s’agit du langage qui aide à structurer une unité patronale souvent en quête de cohésion ; l’autre à la périphérie, l’idée étant de dresser un portrait panoptique des « think tanks » patronaux, une qualification en partie récusée par les acteurs de ces clubs de réflexion dont la relation aux confédérations patronales n’apparaît pas toujours centrale dans leur positionnement stratégique. De l’ensemble de ces regards croisés ressort une zone de convergence : le rôle structurant joué par l’État dans la construction des mandats patronaux.

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Le RSA : une monographie parisienne

#69 - janvier 2012 - Samia Benabdelmoumen, Bernard Gomel, Abdelwahed Mabrouki, Dominique Méda, Virginie Thévenot

L’étude présente le résultat d’investigations menées dans deux structures parisiennes (Espaces Insertion) chargées de la réception et de l’orientation des allocataires du revenu de solidarité active (RSA) par une équipe composée de chercheurs du Centre d’études pour l’emploi et de membres de Pôle emploi. L’enquête s’inscrivait, pour les deux institutions, dans un programme de recherches spécifique, visant à comprendre les nouveaux mécanismes d’orientation des allocataires du RSA.

Les équipes de direction et une grande part des travailleurs sociaux et des conseillers emploi des deux Espaces Insertion ont été rencontrés et interviewés, de même que les responsables des agences de Pôle emploi et un échantillon varié de conseillers à l’emploi de ces trois agences se trouvant dans le même secteur géographique que les Espaces Insertion et étant donc chargés des mêmes allocataires.

L’étude s’intéresse dans une première partie à l’orientation des allocataires et à la manière dont les acteurs mettent en pratique la convention d’orientation spécifique à Paris, et dans une deuxième partie à l’accompagnement des allocataires par les différentes institutions engagées. Elle décrit de façon précise ce que recouvrent l’offre de services de droit commun et l’offre de services complémentaire de Pôle emploi pour les allocataires du RSA. Elle met en évidence les raisons pour lesquelles un nombre réduit d’allocataires est adressé directement à Pôle emploi. Les choix initiaux qui ont présidé à la conception de la prestation – notamment l’orientation prioritaire des allocataires vers Pôle emploi et la séparation stricte entre parcours professionnel et parcours social – apparaissent, à la lumière de l’analyse détaillée, peu adaptés.

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