"On constate depuis plusieurs semaines [...] que l'économie repart. Elle repart bien, elle repart fort. Il y a des opportunités d'emploi chaque mois, chaque trimestre. Je crois qu'il y a 215.000 emplois vacants", a lancé ce mercredi sur BFMTV le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, se réjouissant de ces "opportunités" dans une multitude de secteurs d'activité. Peut-on vérifier ce chiffre ? Oui, d'autant qu'il est récent et communiqué par une source fiable : la Dares. Il s'agit toutefois de ne pas le surinterpréter.
Affiliée au ministère du Travail, la Direction de l'Animation de la recherche, des Études et des Statistiques (Dares) est l'institution de référence dès lors que l'on souhaite disposer de données relatives au marché de l'emploi. C'est d'ailleurs elle que cite sans la nommer Gabriel Attal dans son intervention. Le 16 juin il y a quelques jours à peine, elle a communiqué sur les chiffres officiels du premier trimestre 2021, et indiqué que "214.900 emplois sont vacants", soit une hausse de "10% par rapport au 4e trimestre 2020". Le porte-parole du gouvernement utilise donc des données récentes et fiables, faciles à vérifier.
Dans le cadre d'une courte interview, il est toutefois difficile de présenter en détails les particularités de ce comptage. Or, il est important d'apporter quelques précisions pour mieux le comprendre. Tout d'abord, il convient de rappeler qu'un tel chiffre ne désigne pas uniquement des postes disponibles, directement accessibles. "Les emplois dits 'vacants', ou 'postes à pourvoir', sont des postes libres, nouvellement créés ou inoccupés, ou encore occupés et sur le point de se libérer, pour lesquels des démarches actives sont entreprises pour trouver le candidat convenable", précise la Dares. Ces postes qui vont se libérer, mais qui demeurent pourvus représentent une part non négligeable, 22%, tandis que ceux nouvellement créés comptent pour 30%.
Des spécialistes voient dans ce chiffre une "photographie d’un stock d’emplois à pourvoir", que l'on ne peut pas forcément assimiler à des offres non pourvues à long terme, vers lesquels pourraient se tourner naturellement des chômeurs de longue durée. Par ailleurs, il est important de souligner que les données partagées par la Dares proviennent de l’enquête Activité et conditions d’emploi de la main-d’œuvre (Acemo) trimestrielle. S'il est obligatoire d'y répondre pour les employeurs, ce qui garantit une certaine exhaustivité théorique des résultats, soulignons que seules les entreprises de 10 salariés ou plus sont concernées. Une petite boulangerie familiale qui chercherait à recruter un vendeur une vendeuse et ne compterait que cinq personnes serait donc hors des radars. Un biais potentiel que la Dares reconnaît, tout en précisant qu'elle parvient tout de même à couvrir une large majorité des postes à pourvoir.
Un signal plutôt intéressant
Dans son propos, Gabriel Attal présente le chiffre de 215.000 emplois vacants d'une manière assez positive, y voyant un signal économique encourageant. Faut-il le voir ainsi, ou plutôt regretter que des offres peinent à convaincre des candidats ? Pour le savoir, LCI a contacté la sociologue Claire Vivès, membre du Centre d'études de l'emploi et du travail (CEET), un programme transversal du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam). Spécialiste du marché du travail, elle estime que plus que les chiffres, "il faut se fier davantage aux tendances".
Les emplois dits "vacants" sont à ses yeux avant tout un indicateur "qui ne dit rien du comportement des chômeurs", mais permet de juger le dynamisme de l'activité. "On a en effet tendance à considérer que quand le taux d'emplois vacants remonte, cela s'accompagne d'une reprise de l'emploi", glisse-t-elle. Une position qui rejoint celle de l'économiste Mathieu Plane, membre de l'OFCE et qui y voyait en 2019 "la conséquence d’un marché du travail dynamique". Il rappelait en passant que "quand on a créé un emploi, il y a une phase de recrutement pour trouver la bonne personne. L’emploi reste vacant pendant cette phase."
Le nombre de postes vacants, note également Claire Vivès, mérite d'être remis en contexte et analysé en fonction des spécificités du marché du travail. Si l'immense majorité des offres proposées sont des CDI, leur nombre sera forcément réduit. L'augmentation des postes vacants, en progression quasi continue depuis 2013, doit être observée au regard d'une particularité française, où le recours aux contrats courts est massif. "N'oublions pas le nombre d'embauches annuelles, supérieur à 20 millions !", rappelle la sociologue. Qui dit multiples contrats courts, dit forcément postes vacants en grands nombres avant de trouver preneurs.