Quel constat vous a poussé à vous pencher sur la question du présentéisme au travail ?
En premier lieu, nous avons parcouru beaucoup d’études et de recherches sur l’absentéisme et son lien avec l’organisation du travail. En regardant de près la littérature empirique sur le sujet, nous nous sommes aperçus qu’il y avait un phénomène un peu collatéral ; le présentéisme. Celui-ci peut prendre différentes formes, mais nous nous sommes intéressés dans notre article au présentéisme pour maladie, notamment grâce à sa définition assez simple. À notre demande, la Dares a introduit cette question dans son questionnaire sur les conditions de travail il y a quelques années, afin de suivre son évolution. Nous avions envie de voir ce qu’il se passe. Plusieurs acteurs suivent cet indicateur depuis de nombreuses années, sans pouvoir directement le rattacher aux conditions de travail et à l’organisation du travail.
C’est un phénomène qui commence à intéresser de nombreux acteurs. Et bien entendu, avec les deux années que nous venons de traverser, nous nous apercevons que le présentéisme au travail a certainement des conséquences plus importantes que nous pouvons le penser sur le travail et la santé des travailleurs.
Quelles méthodes avez-vous employées ? Pour quels résultats ?
Ses résultats sont donc tirés de deux éditions de l'enquête Conditions de travail 2013-2016, qui permettent d'avoir une représentation très large des actifs occupés et de leurs conditions de travail en France. L'avantage, c’est de pouvoir relier toutes les caractéristiques sociodémographiques des salariés, leurs caractéristiques personnelles et aussi les caractéristiques de leur travail. Cela permet de croiser tout ce qui relève du niveau individuel avec tout ce qui relève de l'organisation du travail ou des conditions de travail.
Concernant les résultats, tout est détaillé dans notre article, mais de façon globale, un peu plus de 44% des salariés déclarent avoir travaillé au moins une fois en étant malade dans les 12mois précédents l’enquête. Du point de vue individuel, les femmes font plus de présentéisme que les hommes. En termes d’âge, nous nous situons principalement dans une tranche intermédiaire, entre 25 et 45 ans. Nous avons aussi constaté que l’ancienneté compte ; plus on est ancien dans l’entreprise, plus on a tendance à faire du présentéisme. Il n’y a cependant pas de grande différence entre les catégories socioprofessionnelles.
Sans grande surprise, le présentéisme est surreprésenté dans la fonction publique. On s’aperçoit également que le présentéisme s’accroît avec l’autonomie. Toutes ces variables s’expliquent aussi par les caractéristiques du collectif de travail : soit l’équipe n’est pas grande et quand on n’est pas là c’est la panique, soit on a un collectif fort et l'on ne veut pas pénaliser ses collègues et arrêtant de travailler. J’ai l’espoir que cette crise sanitaire va changer un peu cette vision des choses, pour nous montrer que nous pouvons rester chez soi sans pour autant casser le travail de tout un collectif.