Les travailleurs saisonniers représentent un tiers des emplois agricoles
4 décembre 2019
Combien de travailleurs saisonniers en France ? De manière surprenante, aucune source statistique ne permettait à elle seule de répondre à cette question jusqu'à… mercredi. Exploitant les données issues de la déclaration sociale nominative (DSN), le ministère du Travail a comblé cette lacune : entre avril 2018 et mars 2019, un peu plus de 1 million de personnes ont eu au moins un contrat saisonnier en France (hors Mayotte).
Ce chiffre, précise la direction statistique du ministère (Dares), peut être sous-estimé, car il ne prend pas en compte les CDD conclus pour la durée de fonctionnement d'une entreprise (typiquement un restaurant qui n'ouvre que six mois de l'année). Quoi qu'il en soit, l'exploitation des données de la DSN donne à voir une photographie inédite du profil de cette population qui, selon les syndicats, aurait beaucoup augmenté ces dernières années.
Un tiers des emplois agricoles
Sur la période considérée, il en ressort que plus d'un quart (270.000 exactement) des saisonniers ont travaillé dans l'agriculture où ils ont représenté un tiers des emplois. Neuf sur dix sont des ouvriers non qualifiés, en proportion beaucoup plus importante que les autres salariés de la filière. Ils sont également souvent plus âgés, ce qui tend à démentir l'image selon laquelle ce type d'emploi serait essentiellement occupé par des étudiants, souligne la Dares.
Les autres saisonniers se retrouvent particulièrement dans la restauration (200.000), l'hébergement (180.000) et le divertissement (140.000), principalement sur les lieux de vacances. Ils sont plus jeunes - 31 ans en moyenne contre 36 ans dans l'agriculture. La parité y est plus prononcée et leurs catégories socioprofessionnelles sont plus diversifiées (53 % sont employés, 14 % ouvriers non qualifiés et 10 % exercent des professions intermédiaires).
67 jours en moyenne
Pour la plupart d'entre eux, les saisonniers travaillent donc logiquement près des côtes, dans les grands vignobles ou en zone de montagne, selon les saisons. A raison de 1,7 contrat en moyenne par personne. Toutes filières confondues, ces contrats ont été conclus pour une durée de 67 jours en moyenne, soit environ deux mois. Ils « sont donc plus longs que les autres contrats temporaires », d'un demi-mois précisément, selon la Dares.
Toujours en moyenne, les saisonniers ont travaillé six mois sur les douze de la période étudiée : à peu près à parité entre activité saisonnière ou non saisonnière. La moyenne cache d'importantes différences : près d'un sur deux (45 %) n'a été que saisonnier.
« Un choix par défaut »
Pour quel salaire ? Avec quelle ancienneté dans la pratique de l'emploi saisonnier ? L'étude ne permet pas de le savoir, faute de recul. Nicolas Roux, sociologue, maître de conférences à l'université de Reims Champagne Ardennes, qui a étudié une population restreinte de saisonniers agricols en Languedoc-Roussillon en 2011 et 2013, apporte quelques éléments de réponse.
« C'est à chaque fois un choix par défaut à l'origine », a-t-il constaté. Les jeunes arrivent à s'en accommoder temporairement, mais plus on avance en âge, plus les aspects négatifs de la condition de saisonnier prennent le dessus. « La loi El Khomri encadre davantage le contrat saisonnier avec, notamment, une clause de reconduction automatique du contrat sous conditions. Mais sans que l'on sache dans quelle mesure c'est appliqué », poursuit le chercheur.
Alain Ruello