Le Monde

Retraites : « Les femmes ont tout bonnement disparu des cas types présentés dans l’étude finale »

5 février 2020

L’étude d’impact de la réforme des retraites « vient sérieusement mettre en doute la thèse » du gouvernement disant que les femmes feraient partie des gagnantes, déplore, dans une tribune au « Monde », l’économiste Mathilde Guergoat-Larivière.

Tribune. Selon le gouvernement, les femmes font partie des « grands gagnants » de la réforme des retraites. Le système universel est censé mieux prendre en compte les carrières heurtées et donc favoriser les femmes, dont les trajectoires professionnelles sont plus morcelées, en raison des naissances d’enfants.

La publication de l’étude d’impact vient pourtant sérieusement mettre en doute cette thèse. Les femmes ont tout bonnement disparu des cas types présentés dans l’étude finale ! De même que leurs éventuels enfants… Les six cas types présentés pour les salariés du privé correspondent ainsi à des trajectoires typiquement… masculines : cinq carrières complètes et une « carrière heurtée » caractérisée par un chômage de longue durée à partir de 42 ans. On est très loin des carrières féminines caractérisées par des interruptions d’activité de plus en plus longues en fonction du nombre d’enfants, de reprises d’emploi, souvent à temps partiel, des passages par le chômage, etc. Conçus pour analyser la situation des hommes, ces cas types sont donc « genrés » et ne permettent absolument pas d’appréhender l’effet de la réforme sur les femmes.

Effets contrastés

Plus problématique encore, le calcul des pensions et des taux de remplacement pour ces six cas types est réalisé uniquement pour des personnes sans enfants, ce qui laisse dubitatif quand on sait qu’en France près de neuf femmes sur dix en ont et que les carrières féminines s’en trouvent précisément impactées. Le projet de réforme prévoit d’importants changements concernant la prise en compte des enfants dans le calcul des pensions : suppression de la majoration de durée d’assurance (attribution de trimestres) remplacée par une majoration de la pension de 5 % par enfant (attribuée à un des deux parents). Il est probable que ces changements aient des effets contrastés sur les retraites des femmes, mais aucun chiffre de l’étude ne permet de les mesurer. En outre, l’attribution de la majoration à l’un ou l’autre des parents est renvoyée au choix des couples, qui pourraient décider de la donner plus fréquemment aux pères, dont les salaires sont en moyenne supérieurs.

Contributrice du CEET : Mathilde Guergoat-Larivière

Source : Le Monde

En savoir plus +Lire l'intégralité de l'article