De façon complémentaire à une sociologie de la précarité qui s’interroge principalement sur la soutenabilité de l’emploi discontinu, le document de travail propose une réflexion sur le rôle du contrat à durée indéterminée et à temps plein dans l’insoutenabilité du travail. Analysées à partir d’une enquête biographique et longitudinale, les trajectoires d’ouvrières agricoles embauchées dans un groupement d’employeurs montrent comment la stabilité de l’emploi peut participer, singulièrement pour les membres des classes populaires, à un mécanisme d’« engrenage ». Ce terme, utilisé par une enquêtée, rend compte de l’enfermement dans une condition pensée préalablement comme transitoire et qui devient de plus en plus difficile à supporter.
Les causes résident dans la pénibilité d’un travail faisant l’objet d’une intensification, où l’exploitation ouvrière se combine à une domination masculine. La défection intervient lorsque la souffrance au travail atteint un point de saturation et qu’elle est reconnue légalement et économiquement, révélant par-là ce qui limitait cette possibilité. Les potentialités de l’emploi discontinu, autorisant la mise à distance d’une telle situation, prennent alors tout leur sens, et invitent à s’interroger sur l’emploi stable et à temps plein comme norme dominante d’intégration sociale pour l’ensemble des salariés.
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