Dans cet article, nous examinons les liens entre la transformation technologique des entreprises et la maîtrise du temps de travail par les salariés. Nous menons cette analyse à l'échelle de l'UE au niveau méso en combinant les informations provenant de l'Enquête européenne sur les entreprises 2019 (Eurofound) et du module ad hoc de l'Enquête sur les forces de travail 2019 (Eurostat). Cet ensemble de données nous permet d'analyser la transformation technologique des entreprises en tant que relation entre trois types d'investissements (dans la R&D, les technologies numériques et la capacité d'apprentissage de l'organisation) qui stimulent les résultats en matière d'innovation. Nous étudions ensuite les conséquences de la transformation technologique sur la diffusion d'aménagements défavorables du temps de travail, en distinguant entre les aménagements orientés par les besoins des individus et par ceux des organisations. Notre modèle prend en compte les effets directs des investissements dans l'adoption et l'utilisation des technologies numériques et dans la capacité d'apprentissage de l'organisation, ainsi que le rôle médiateur des stratégies d'innovation des entreprises. Les résultats indiquent que la Capacité d'apprentissage de l'organisation est directement associée à une plus grande flexibilité du temps de travail axée sur les besoins des individus, mais entraîne également une vie privée plus exposée aux imprévus professionnels. L'effet de l'Adoption et de l'utilisation des technologies numériques dépend quant à elle principalement de la stratégie d'innovation des entreprises. Ainsi, l'innovation de produits conduit à une plus grande maîtrise du temps de travail par les salariés, tandis que l'innovation marketing a l’effet inverse. Les innovations de procédé et organisationnelles ont des conséquences mitigées : elles protègent les salariés contre une flexibilité du temps de travail qui répond aux besoins des organisations dans les environnements de travail où les contraintes temporelles sont plus fortes.