Maintenir en emploi ou soutenir le travail ? La place de la santé au fil des parcours professionnels
24 mars 2020
Actes du séminaire annuel "Âges et Travail", mai 2018.
On peut en effet partir du constat que les problèmes de santé, plus ou moins durables, qui surviennent au cours de la vie active, sont porteurs d’incertitude sur la poursuite, la reprise ou l’infléchissement du parcours professionnel. À ce titre ils préoccupent les travailleurs concernés, les collègues, l’encadrement, ainsi que tous les acteurs que leur fonction amène à intervenir. Ce sont ces préoccupations (pointées ou non sur des phénomènes précis et formalisés comme les absences pour maladie ou les restrictions d’aptitudes) qui souvent s’expriment en termes de perspectives de « maintien en emploi » et d’actions menées dans ce but.
Or les recherches dans ces domaines, l’expérience des acteurs et des praticiens, suggèrent quelques déplacements par rapport à cette notion, déplacements que ce séminaire a permis de préciser et de mettre en débat.
Le premier déplacement, proposé dès la conférence d’ouverture et par plusieurs autres intervenants, a consisté à compléter l’objectif d’emploi en ciblant tout autant le travail, sa réalisation, son contenu et son sens. L’idée de « maintien » s’est ainsi couplée avec celle de « soutien » : il s’agit d’examiner comment, au regard d’éventuelles difficultés liées à des troubles de santé, il est possible de préserver la construction, le développement et la mobilisation de l’expérience professionnelle, les stratégies de travail de chacun-e.
Un deuxième déplacement, lié au précédent, a consisté à inscrire ces réflexions dans une perspective de long terme où s’articulent les itinéraires personnels (et la redéfinition, à ce propos, des projets individuels), avec l’histoire des entreprises et des métiers. De ce point de vue, la constitution, trop rare, d’une « mémoire » de l’entreprise sur ses propres pratiques d’affectation et d’aménagement des situations de travail, est une piste que certaines interventions ont permis d’explorer.
Un troisième, lui aussi cohérent avec les deux autres, était de ne pas s’en tenir aux facettes les plus apparentes de ces questions de « gestion des déficiences de santé ». Les diagnostics établis, les dispositifs dédiés, les décisions formelles de réaffectation (ou, au pire, d’exclusion), mais aussi les corrélations statistiques entre dégradations de la santé et sortie plus ou moins prolongée de l’emploi, balisent une partie des problèmes à traiter, mais une partie seulement. Des situations moins visibles, au moins dans l’immédiat, comme une poursuite très difficile du même travail, ou certaines formes d’inactivité forcée, méritent autant d’intérêt. Il en résulte que les acteurs concernés sont bien plus nombreux que ceux assignés par leur fonction à la prévention professionnelle ou à la gestion des parcours.
En adoptant ces approches, les interventions et les échanges de ce séminaire ont confirmé, s’il en était besoin, que l’attention portée aux individus concernés par des « problèmes de santé » ne constitue pas – ou ne devrait pas constituer - une zone à part dans la réflexion des entreprises et des administrations.