Annie Jolivet

Emploi des seniors : encore un effort

14 avril 2022

Les chiffres sont têtus. Dans notre pays, à peine un Français sur deux (53,8%) est en emploi entre 55 et 64 ans. Si les responsabilités sont multiples, il devient urgent d’y remédier.

CDI, ce sont trois lettres auxquelles elle ne croyait plus. Après trois ans sans emploi, Corinne vient de décrocher la lune: un CDI, contrat à durée indéterminée, comme chargée de communication dans un vignoble, près de chez elle, à Hyères, dans le Var. "Quand je me suis retrouvée au chômage, j’ai cru que tout était perdu à cause de mon âge et je n’ai pas cherché d’autre poste tout de suite. Mais il faut y croire. Je suis la preuve qu’il existe encore de belles aventures professionnelles à vivre à 55 ans!"

Sur le papier, d’ailleurs, de plus en plus de seniors travaillent. En vingt ans, le taux d’emploi des 55-64 ans est passé de 30% à 53,8% selon la Dares. "Ceci est dû à la réforme de 2010 qui a relevé l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans, à des carrières débutées plus tard et à la baisse du nombre de départs anticipés, détaille Emmanuelle Prouet, juriste à l’organisme public d’analyse prospective France Stratégie.

Cependant, il reste une grande différence entre les 55-59 ans et les 60-64 ans." Car à partir de 60 ans, la proportion de personnes au travail s’effondre de 73% à 33%… Autre écueil fatal pour nombre de seniors: le passage par la case chômage, souvent synonyme de voie de garage.

Dans ce contexte, le regard porté par les recruteurs sur les candidats de plus de 50 ans change-t-il? "En France, on emploie le mot 'senior' dans le travail souvent de façon caricaturale, généralement pour les opposer aux jeunes, déplore Annie Jolivet, chercheuse au Centre d’étude de l’emploi et du travail. Or, on devrait davantage les voir comme des profils expérimentés et appréhender l’avancée en âge comme quelque chose de continu." Interrogés par l’association À compétence égale, spécialisée dans la lutte contre les discriminations, les cabinets de recrutement citent l’âge comme le principal a priori négatif évoqué par les employeurs.

Les seniors seraient chers, moins motivés, difficiles à manager, moins adaptés aux nouvelles technologies… Sur les plateformes internet d’offres d’emploi, les algorithmes accentuent le trait en écartant prématurément certaines candidatures. "De toute évidence, un travail de pédagogie est nécessaire, commente Jean-Emmanuel Roux, fondateur de TeePy Job, un site de recrutement dédié aux 50 ans et plus. Être cher, cela signifie quoi quand on a l’expérience et que l’on peut être productif rapidement?" L’argument semble imparable.

"Mais il y a aussi un travail de pédagogie à faire du côté des candidats, nuance la coach Mireille Garolla, qui accompagne des seniors en recherche d’emploi. Je croise trop de candidats qui intériorisent l’idée qu’ils ne trouveront rien, plutôt que de se former à acquérir de nouvelles compétences et à oser affirmer leur valeur. Quand un senior accepte un emploi en dessous de ses qualifications ou fait durer son chômage, tout le monde y perd."

Les 50 ans et plus sont prêts à se former et à se reconvertir

Corinne, qui vient de retrouver un poste, reconnaît avoir eu de tels états d’âme. "Quand j’ai signé mon contrat, mon employeur a été ému que je sois si étonnée. Quand j’ai demandé “Pourquoi moi ?”, il m’a juste répondu qu’il avait besoin de mon expérience…"

Non seulement la vie professionnelle ne s’arrête pas à 50 ans, mais elle peut même prendre un autre tournant. Selon un récent sondage Ifop/Club Landoy, 50% de 45-64 ans se déclarent intéressés par une reconversion professionnelle. 35% ont déjà envisagé une formation dans cette optique et ils sont même 10% chez les 65-74 ans! "Les seniors constituent d’abord une ressource démographique, rappelle de son côté Frédéric Sève, secrétaire national de la CFDT. Et ce n’est pas une génération 'au bout de sa vie' comme disent les jeunes!"

Pour le syndicaliste, il y a un intérêt économique évident à favoriser leur emploi. "Si l’on veut équilibrer les régimes de retraite, il faut que le travail des seniors se développe. Sans compter que le fait d’augmenter le nombre de cotisants est aussi profitable pour d’autres caisses, comme l’Assurance maladie…"

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