Assurance chômage : "Les comportements de calcul vis-à-vis de l’indemnisation apparaissent rares" (étude du CEET)
26 mai 2021
Les sociologues, Mathieu Grégoire et Claire Vivès, remettent en cause le "présupposé fort en matière de comportement des allocataires [de l’assurance chômage] : ceux-ci sont posés comme maximisateurs ou a minima comme élaborant des stratégies d’emploi déterminées par leur indemnisation". Dans une étude du CEET, les deux universitaires expliquent que "les comportements de calcul vis-à-vis de l’indemnisation apparaissent rares et ont une portée limitée en raison de l’impossibilité pour de nombreux allocataires d’anticiper précisément leurs revenus" du travail comme de l’indemnisation.
"Jusqu’à la convention d’assurance chômage de 2014, les règles de cumul ont été assouplies pour inciter les allocataires à accepter des emplois de courtes durées et/ou faiblement rémunérés. Depuis 2014, l’assurance chômage est au contraire accusée de favoriser les emplois instables en raison des règles d’indemnisation jugées trop favorables pour les allocataires occupant ces emplois", soulignent Mathieu Grégoire et Claire Vivès dans une publication du CEET de mai 2021.
"Cette analyse repose sur un présupposé fort en matière de comportement des allocataires : ceux-ci sont posés comme maximisateurs ou a minima comme élaborant des stratégies d’emploi déterminées par leur indemnisation. Alors qu’il s’agit d’un élément central des réformes, ce postulat n’est jamais examiné", ajoutent les deux sociologues.
Des salariés pas forcément indemnisés
Sur la base des travaux qu’ils ont menés dans le cadre de la recherche lancée par la Dares (lire sur AEF info), les deux chercheurs mettent en doute l’argument selon lequel les demandeurs d’emploi en activité réduite s’apparenteraient à des agents économiques parfaitement informés et donc en capacité d’optimiser les règles de l’assurance chômage et de choisir leur parcours d’emploi en conséquence. En premier lieu, "il importe de rappeler que les salariés en contrats courts ne sont pas systématiquement indemnisés, ni même demandeurs d’emploi", soulignent les deux sociologues, regrettant l’absence d’études sur le non-recours à l’assurance chômage.
"Qu’ils soient allocataires ou non, les salariés qui occupent des contrats courts recherchent des emplois puis les acceptent ou les refusent en fonction d’anticipations sur leur futur de travailleurs et non d’allocataires", avancent Mathieu Grégoire et Claire Vivès. Et "outre l’importance des stratégies élaborées en tant que travailleurs, la grande complexité des règles est déterminante pour comprendre le rapport que les salariés en contrats courts entretiennent avec l’indemnisation".
Rare maîtrise des règles
"Il y a ceux qui connaissent l’existence de l’indemnisation, mais n’en savent pas beaucoup plus. C’est souvent le cas pour les salariés en début de carrière", notent les auteurs. Et parallèlement, il y a ceux "qui connaissent suffisamment les règles pour faire des calculs, sans qu’il soit toutefois possible de parler d’optimisation compte tenu du niveau de complexité des règles administratives". Ces derniers "savent qu’ils ont intérêt à retravailler pour recharger leurs droits et ils savent distinguer entre des situations d’emploi qui sont favorables ou défavorables pour l’indemnisation". Et de noter que ces salariés "appliquent des principes qui se transmettent dans les réseaux professionnels".
Quoi qu’il en soit, la "complexité administrative d’accès au cumul" salaires/allocations tend à limiter les capacités d’optimisation des règles. D’une manière générale, "les comportements de calcul vis-à-vis de l’indemnisation apparaissent rares et ont une portée limitée en raison de l’impossibilité pour de nombreux allocataires d’anticiper précisément leurs revenus [du travail comme de l’indemnisation]".
Contributeur.trice.s du CEET : Mathieu Grégoire et Claire Vivès