« Aucune étude n’a jamais établi de lien de causalité entre assurance-chômage et explosion des contrats courts »
26 mai 2021
Tribune. La tribune de Pierre Cahuc, Stéphane Carcillo et François Fontaine en soutien à la réforme de l’assurance-chômage a un incontestable mérite : elle démontre que l’objectif de la réforme n’est pas de faire évoluer les seuls paramètres de l’indemnisation du chômage, mais bien d’en modifier les « principes », et ce alors même que le législateur – qui « devrait être en première ligne sur ce sujet », selon eux – n’a pas été sollicité pour légiférer.
Selon leur analyse, ces principes en vigueur depuis 1958 (assurer un revenu de remplacement du salaire à des salariés privés involontairement d’emploi) engendrent aberrations et iniquités.
En particulier, ils impliquent qu’un salarié en CDI à mi-temps n’a pas les mêmes droits qu’un salarié à temps plein mais au chômage la moitié du temps. Par exemple, une femme ayant travaillé à mi-temps pour 750 euros mensuels a droit à une indemnisation fondée sur ce demi-smic, alors que son mari, qui a travaillé à temps plein au smic, a droit à une indemnisation supérieure, même s’il a été au chômage six mois sur les douze derniers mois.
Pas de corrélation chronologique
Cette salariée a signé un contrat de travail mentionnant une quotité de travail de 50 %. Son temps non travaillé n’est pas systématiquement assimilable à une privation involontaire d’emploi, mais on peut trouver injuste que son indemnisation soit basée sur ce mi-temps peut-être subi. Ce n’est pas du tout l’avis des auteurs et du gouvernement pour qui, tout au contraire, c’est le modèle de justice qu’il faut généraliser à tous ceux qui n’ont pas été pleinement en emploi.
La réforme consiste ainsi à calculer une indemnisation basée sur le demi-smic pour le mari en s’alignant sur le cas le plus défavorable, comme si ce salarié à temps plein avait délibérément décidé de ne pas travailler pendant la moitié du temps. C’est ce qui légitime l’introduction d’un nouveau « principe d’équité : à quotité de travail (sic) et revenus moyens égaux, allocation et droit égaux ».
Le diagnostic sur lequel serait fondée la réforme est aussi simple que dénué de fondements empiriques : l’assurance-chômage serait « devenue une machine à fabriquer de la précarité » et serait responsable d’une « explosion » des contrats courts. Aucune étude n’a jamais établi un tel lien de causalité.
Contributeur.trice.s du CEET : Mathieu Grégoire