Le Monde

Des écarts de 1 à 47 selon les bénéficiaires : la réforme de l’assurance-chômage en six questions

19 mai 2021

La modification du mode de calcul du salaire journalier de référence, qui détermine le niveau des allocations-chômage, est décriée par les syndicats et de nombreux experts.

Un rapport de l’Unédic sur la réforme de l’assurance-chômage, publié début mai, a suscité de nombreuses réactions. Cette étude d’impact, réalisée à la demande de la CGT, sur l’indemnisation des personnes qui peuvent cumuler un salaire et une allocation, montre qu’à temps de travail et à salaire égaux, l’indemnité journalière touchée pourrait varier entre les allocataires, avec des écarts de près de un à cinquante. Comment cela s’explique-t-il ?

1/D’où vient cette réforme et quels étaient ses objectifs ?

D’abord prévue pour 2019, la réforme de l’assurance-chômage, qui était un des engagements du président Emmanuel Macron, a été reportée en raison de la crise sanitaire. Présentée en juin 2019 par le gouvernement, elle avait pour objectif de réaliser des économies et de lutter contre la précarité, en limitant le recours aux contrats courts et en ouvrant le droit au chômage aux salariés démissionnaires souhaitant monter un projet ainsi qu’aux indépendants.

Elle prévoit plusieurs mesures qui permettraient de réaliser une économie de 2,3 milliards d’euros :

  • la dégressivité des indemnités des hauts revenus (de plus de 4 500 euros) à hauteur de 30 % au bout du 7e mois (décalé au 9e mois avec la crise sanitaire) ;
  • la modulation des cotisations patronales : mesure de bonus-malus pour lutter contre le recours abusif aux contrats courts ;
  • la révision des règles d’éligibilité : pour ouvrir ses droits au chômage, un demandeur d’emploi devra avoir travaillé six mois au lieu de quatre. La période de référence passera en revanche de vingt-huit mois à vingt-quatre mois. Cette dernière mesure ne sera pas mise en œuvre avant que la situation économique ne redevienne plus favorable, après la crise sanitaire ;
  • la modification du mode de calcul du salaire journalier de référence, dit SJR, sur lequel repose le montant des allocations journalières versées.

2/Comment le calcul du salaire journalier de référence est-il modifié ?

Le décret du 30 mars 2021 prévoit l’application d’un nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence à compter du 1er juillet. Dans le système actuel, le SJR est calculé en prenant en compte tous les salaires d’une période donnée (douze mois civils), qui sont ensuite additionnés et divisés par le nombre de jours travaillés, ce qui revient à faire une moyenne des salaires journaliers.

Calcul du SJR

SJR = salaire de référence / (nombre de jours travaillés x 1,4)

Exemple : si vous avez travaillé du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019, c'est-à-dire 261 jours, et avez perçu 25 000 € de rémunération brute.

SJR  = 25 000 / (261 x 1,4) = 68,42 €

Avec la réforme prévue, le SJR serait calculé en prenant en compte les revenus perçus sur une période de vingt-quatre mois précédant l’inscription à Pôle emploi. Là aussi, les salaires seraient additionnés, mais au lieu de diviser la somme par le nombre de jours travaillés, ils seraient divisés par le nombre total de jours, en tenant compte également des jours non travaillés. La ou les éventuelles périodes d’inactivité seraient alors également intégrées au calcul. En conséquence, le dénominateur augmente tandis que le numérateur (le salaire de référence) reste le même, diminuant ainsi le quotient et donc le SJR. Toutefois, pour limiter cette baisse, un plafond de jours non travaillés a été instauré, de sorte que le SJR ne puisse pas diminuer de plus de 43 % par rapport au mode de calcul antérieur.

« Ce n’est plus un SJR, c’est un salaire journalier affecté d’un coefficient d’emploi dans la période de référence »

Prenons l’exemple de deux personnes A et B qui touchent chacune 50 euros par jour ; l’une travaille en continu pendant six mois, tandis que l’autre travaille trois mois puis connaît une période de chômage de six mois et retravaille trois mois. Etant donné que le SJR prend désormais en compte la période d’inactivité, l’indemnité perçue par B sera nettement plus faible que celle perçue par A, alors qu’elles ont au total travaillé la même durée, et pour le même salaire.

« Ce n’est plus un salaire journalier de référence, c’est un salaire journalier affecté d’un coefficient d’emploi dans la période de référence. Si vous avez été 66 % du temps en emploi dans votre période de référence, donc on va prendre votre salaire journalier affecté du coefficient de 66 % », explique Mathieu Grégoire, sociologue spécialiste de l’assurance-chômage, qui conseille la CGT dans ce dossier.

3/Quelles conséquences pour les personnes indemnisées ?

Certaines situations pourraient entraîner à temps de travail et à salaire égaux des inégalités de prestations pour les personnes en activité réduite – inscrites comme demandeurs d’emploi et qui travaillent. Certaines d’entre elles cumulent les revenus issus d’un salaire ainsi que les indemnités journalières du chômage.

L’étude de l’Unédic précise tout de même que les résultats présentés sont à nuancer, compte tenu du fait que les montants de la prime d’activité dont pourraient bénéficier les allocataires ne sont pas pris en compte dans l’étude, « étant donné que ce dernier est déterminé sur la base des ressources et de la composition du foyer du bénéficiaire ». Elle pourrait, dans certaines situations, compenser la baisse d’indemnisation. Par ailleurs, certains de ces effets existaient déjà avec la réglementation de 2017 mais sont exacerbés par le nouveau calcul du SJR.

Contributeur.trice.s du CEET : Mathieu Grégoire et Claire Vives

Source : Le Monde

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