Face au covid-19, “donnons-nous une souveraineté européenne”
20 avril 2020
« Selon l'OCDE, nous entrons dans la pire récession depuis la Seconde Guerre mondiale. Surtout, cette crise économique est inédite et d'autant plus difficile à quantifier que nous ignorons la durée du confinement. Contrairement aux crises de 1929 et 2008, elle n'est pas due à des facteurs financiers, mais touche d'emblée les capacités de production. L'économie est à l'arrêt pour des raisons sanitaires. Pour autant, on peut se servir des enseignements de la gestion de la crise de 2008. Ainsi les outils qui ont permis de maintenir l'emploi avec des mesures de chômage partiel. Le gouvernement français le pratique de manière très importante actuellement. De même, toutes les politiques de flexibilité interne, comme les ajustements de la durée du travail, se sont révélées utiles. Les entreprises allemandes ont ainsi pu garder leur main-d'oeuvre et repartir rapidement quand l'activité a repris. Autre leçon de la crise de 2008 : les plans de relance de type keynésien. Les États-Unis ont fait ce choix d'une manière plus massive que l'Europe et ont connu beaucoup plus rapidement une baisse du chômage et une reprise de l'activité.
Cette récession peut être une occasion de refonder une économie plus saine, mais en se donnant le temps nécessaire pour faire le bilan et mener une vraie réflexion.
Mais pour que l'économie puisse repartir rapidement, il faudra très vite supprimer les entraves à la liberté de circulation entre pays. Or, on en est loin. Chaque pays cherche individuellement à se tirer d'affaire tout seul en fermant ses frontières, même s'il y a parfois des coopérations transfrontalières, par exemple pour l'accueil de malades français du Grand Est en Allemagne. Or, pour contrer les effets néfastes de la mondialisation, dont la trop forte dépendance vis-à-vis de la Chine, qui a aggravé la crise, le plus efficace serait d'organiser une souveraineté économique à l'échelon européen, qui devrait privilégier des capacités de production en autonomie dans des secteurs stratégiques, notamment dans la recherche médicale et l'industrie. Ainsi, quand on sortira petit à petit du confinement, nous devrons nous mettre d'accord sur des règles communes pour la réouverture des frontières, la mobilité et la circulation des personnes. C'est un des fondements de l'Union européenne. Sans oublier des politiques de relance européennes, plus efficaces à l'échelle de l'Union que faites isolément par chaque pays.
Cette récession peut être une occasion de refonder une économie plus saine, mais en se donnant le temps nécessaire pour faire le bilan et mener une vraie réflexion. J'espère que les gouvernements et les Parlements vont se saisir du débat sur les faiblesses qui se sont manifestées. Il faudra notamment évaluer les réactions différentes des gouvernements européens face à la pandémie. Par exemple, à ce jour, la France et la Suède ont fait des choix très différents. D'un côté, nous avons une politique de confinement très stricte, avec des sanctions. D'un autre côté, en Suède, le gouvernement a décidé de maintenir ouvertes des institutions collectives comme les écoles primaires et les collèges. Quant à l'Allemagne, elle a procédé à des tests de dépistage à une échelle très importante. Ce sont là des choix qu'il faudra évaluer, en tenant compte d'abord des conséquences humaines, bien sûr. »
Contributrice du CEET : Christine Erhel
Source : La Vie
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20 avril 2020
Rubrique spéciale Covid-19
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