Chômage partiel, télétravail... depuis le début de la pandémie, en passant par les semaines de confinement puis la mise en place d'un couvre-feu dans certaines villes, le monde du travail n'est pas encore revenu à la normale. Pour Cidj.com, Christine Erhel, spécialiste des politiques de l'emploi et des comparaisons européennes du marché du travail, a répondu à nos questions.
Comment se porte le marché du travail aujourd'hui ?
Christine Erhel, économiste : « On a une situation en trompe-l’œil. On voit augmenter le sous-emploi, c’est-à-dire des gens qui travaillent moins que ce qu’ils souhaiteraient, ainsi que les destructions d’emploi, que l’Insee évalue à un peu plus de 700 000 sur le premier semestre 2020. Pour le moment, cela n’a pas encore beaucoup d’impact sur les derniers chiffres du chômage, au sens du BIT. Cela s’explique car il y a eu beaucoup de mesures de soutien à l’emploi, notamment via le chômage partiel, qui ont amorti le choc. »
Les jeunes seront-ils plus touchés que les autres par la crise économique liée à la situation sanitaire ?
Christine Erhel : « Nous n’avons pas encore assez de données détaillées sur l’état du marché du travail mais on peut déjà émettre des hypothèses. Les jeunes semblent particulièrement concernés par ce qu’il s’est passé parce qu’ils sont, plus que leurs ainés, dans des emplois temporaires, en CDD ou en intérim. Or, ce sont ces contrats qui ont subi le plus de destructions depuis le début du confinement.
Des secteurs, qui emploient beaucoup de jeunes, comme l’hôtellerie-restauration notamment, sont encore totalement ou partiellement à l’arrêt. Par ailleurs, les jeunes qui ont des niveaux de qualification plutôt faibles seront d’autant plus touchés car leurs emplois sont souvent plus fragiles. La situation pourrait s'améliorer rapidement si la situation sanitaire devient plus favorable, l'emploi des jeunes est très sensible à la conjoncture. »
Est-il plus difficile de s’insérer professionnellement en période de crise ?
Christine Erhel : « Même si c’est pour le moment encore difficile à mesurer, la période actuelle met les jeunes dans une situation de fragilité et il leur est difficile de négocier des conditions satisfaisantes d’entrée en emploi. Dans certains secteurs, il y a une forte pression à accepter des emplois qui peuvent être largement en télétravail et pour lesquels l’équipement ou le coût de la connexion Internet ne va pas être pris en charge par l’employeur.
Une crise est toujours un facteur qui aggrave les inégalités. Lors d’un recrutement, les réseaux informels jouent habituellement déjà beaucoup sur l’accès à l’emploi mais dans une période comme celle-ci, ce sera d'autant plus marqué. Le risque c’est que comme ça va être plus dur de faire un stage ou de décrocher un emploi, ceux qui vont y parvenir sont ceux qui auront des contacts personnels. »