Retraites? élargir la pénibilité pour adoucir la réforme
11 décembre 2019
Divisés sur l’opportunité de créer un système universel de retraites, les syndicats de salariés sont au moins d’accord sur un point : la nécessité d’améliorer la prise en compte de la pénibilité dans le futur système de retraite, quel qu’il soit. La CFDT et la CFTC – qui ne sont pas hostiles dans le principe à la réforme portée par l’exécutif – attendent des avancées dans ce domaine de la part du premier ministre Édouard Philippe, qui doit s’exprimer mercredi 11 décembre à midi.
► Quel est le dispositif actuel ?Anticiper le départ en retraite de travailleurs soumis à des conditions de travail si difficiles qu’elles vont empiéter sur leur espérance de vie : l’idée a beau être frappée au coin de l’équité, il a fallu plus de dix ans pour qu’elle s’inscrive dans la loi.
En 2003, les syndicats réformistes posent une condition à l’allongement de la durée de cotisation nécessaire pour obtenir la retraite à taux plein : que soit adopté un dispositif de départ anticipé pour les personnes exposées à des conditions de travail pénibles. Le gouvernement d’alors renvoie aux partenaires sociaux le soin de négocier la mesure. La négociation n’aboutira pas, le Medef en particulier y étant très hostile.
La réforme des retraites de 2010 sera un autre rendez-vous manqué. L’âge légal de la retraite passe de 60 à 62 ans. Le départ à 60 ans est maintenu pour les personnes exposées à la pénibilité… à condition qu’elles aient déjà développé une maladie ou une pathologie due à leur travail avant même leur départ en retraite.
Il faudra attendre 2014 pour que soit mise en place une réelle compensation de la pénibilité, quand bien même les troubles de santé ne seraient pas encore apparus au moment du départ en retraite. Le compte pénibilité repose sur un système de points, acquis pour chaque trimestre d’exposition à une contrainte connue pour entraîner des impacts importants sur la santé.
Dix facteurs ont été listés sur des bases scientifiques (voir la liste ci-dessous). « Il a été prouvé que l’exposition à ces facteurs peut raccourcir l’espérance de vie ou entraîner de lourds problèmes pathologiques », explique Serge Volkoff, chercheur associé au centre d’études de l’emploi et du travail (CEET).
Ce compte pénibilité version 2014 ne concerne que les salariés du régime général, les fonctionnaires et agents des régimes spéciaux bénéficiant de leurs propres systèmes de départ anticipé.
Les points accumulés permettent de partir à la retraite jusqu’à deux ans avant l’âge légal ; de se former en vue de se reconvertir ou d’opter pour un temps partiel sans perte de salaire. Fin 2018, 1,3 million de personnes avaient ouvert un compte professionnel de prévention.
► Est-ce une « usine à gaz » ?
C’est le reproche le plus souvent formulé par les organisations patronales. C’est en effet à l’employeur de déclarer l’exposition moyenne sur un an de chacun de ses salariés à chaque facteur de risque et de mesurer si les seuils définis par la réglementation ont été dépassés.
« Cette complexité peut être relativisée, tempère Serge Volkoff. D’abord, il n’est pas nécessaire d’évaluer la situation de chaque salarié : certains sont évidemment au-dessus des seuils, d’autres en dessous ». Pour les autres, les pouvoirs publics ont encouragé l’élaboration de référentiels de branche, auxquels les chefs d’entreprise peuvent se référer. Au 22 novembre, le ministère du travail comptait 19 référentiels homologués, de la coiffure à la pâtisserie en passant par les entreprises de l’eau.
C’est néanmoins au nom de la complexité que le gouvernement en place a réduit le périmètre du compte pénibilité en 2017. Quatre critères ont été exclus : les manutentions manuelles de charge, les postures pénibles, les vibrations mécaniques, les agents chimiques dangereux.