La statistique s'est invitée en plein débat sur la réforme de l'assurance chômage, après l'échec des négociations entre les partenaires sociaux. Lors d'une conférence de presse, le 26 février, Edouard Philippe a évoqué "les cas où le montant de l'allocation chômage mensuelle est plus élevé que le salaire mensuel moyen perçu antérieurement". "Cela concerne un demandeur d'emploi sur cinq", a affirmé la ministre du Travail, Muriel Pénicaud.
"Est-il vrai qu'un chômeur sur cinq touche plus que la moyenne de ses salaires ?" La question nous a été posée dans le live de franceinfo par un(e) internaute anonyme. En plus de susciter des interrogations, cette donnée mise en avant par l'exécutif a provoqué la colère des syndicats. A la sortie du ministère du Travail, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, a dénoncé un chiffre "polémique" et "caricatural" qui "permet de dire que les chômeurs profitent du système", "alors que la plupart ne choisissent pas quand ils travaillent". Qu'en est-il réellement ? Pour comprendre, nous nous sommes plongés dans le mode de calcul de l'assurance chômage.
"Le salaire est toujours supérieur à l'allocation"
D'où Muriel Pénicaud tenait-elle ses chiffres ? La question est restée sans réponse jusqu'à la publication, le 29 mars, d'une fiche de Pôle emploi (PDF), "réalisée à la demande du ministère", précise d'emblée l'organisme. Celui-ci y affirme effectivement que sur la période étudiée, entre 2015 et 2017, l'allocation mensuelle nette était supérieure au salaire mensuel net antérieur pour "21% des ouvertures de droits".
Pour obtenir ce pourcentage, Pôle emploi a calculé un "taux de remplacement", dont la méthode statistique est contestée. "Ce qu'on appelle 'taux de remplacement' dans l'analyse de l'assurance chômage, c'est le rapport entre l'allocation journalière et le salaire journalier de référence", explique à franceinfo le sociologue Mathieu Grégoire, chercheur au CNRS et spécialiste de la question. Exemple : "Si vous gagnez 70 euros par jour, vous aurez droit à 40 euros d'indemnisation chômage", calcule-t-il. Votre taux de remplacement sera donc de 57,1% (40/70 x 100).
En le calculant de cette façon, c'est simple, "le salaire est toujours supérieur à l'allocation", affirme Mathieu Grégoire. "Il y a beaucoup de plafonds dans la réglementation actuelle qui empêchent de gagner plus en chômant qu'en travaillant" : par exemple, dans le cas d'un salarié ayant perdu son emploi à temps plein, l'allocation journalière ne peut dépasser 75% du salaire journalier de référence, comme le rappelle l'Unédic.