Un éboueur a-t-il vraiment 17 ans d’espérance de vie de moins que "n’importe qui" ?
3 juillet 2020
"On nous parle de l’allongement de la durée de cotisation (…) ça veut dire qu’un éboueur qui a 17 ans d’espérance de vie de moins que n’importe qui (…) désormais il va partir plus tard ?". Cette phrase, Olivier Faure, l’a prononcée vendredi 3 juillet, sur Cnews. Interrogé sur la réforme des retraites qui serait maintenue, le premier secrétaire du Parti socialiste a dénoncé une réforme "très injuste" en prenant pour exemple la situation des éboueurs. Pourtant, c’est faux, un éboueur ne vit pas 17 ans de moins qu’un autre travailleur. La Cellule Vrai du Faux vous explique pourquoi.
Un chiffre qu'on ne trouve nulle part
Olivier Faure n’est pas le seul à avoir évoqué ces 17 ans d’espérance de vie en moins. En janvier 2020, au moment des manifestations contre la réforme des retraites, Jean-Luc Mélenchon évoque également ce chiffre mais pour parler de la situation des égoutiers. Des syndicats mettaient également en avant cette statistique. A l’époque les journalistes de Checknews avaient déjà tenté de vérifier ce chiffre et n’avaient retrouvé aucune trace d’une étude étayant cette donnée.
La page Wikipédia "Eboueur" évoque également un article de blog paru dans le Monde Diplomatique dans lequel l’auteur affirme que selon l’Inserm éboueurs et égoutiers "ont en moyenne 17 années d’espérance de vie en moins". Pourtant, aucune étude de l’Inserm sur le sujet ne semble exister.
Un espérance de vie de 16 ans après la retraite
De fait, très peu d’études sont disponibles concernant l’espérance de vie des éboueurs. Les seuls travaux disponibles sont d’ailleurs plutôt anciens. Une étude des Actes de la recherche en Sciences sociales parue en 2006, montre toutefois que l’espérance de vie des éboueurs est en effet plus limitée que pour d’autres travailleurs, mais pas de 17 ans. Une fois arrivé à l’âge de la retraite (60 ans), un éboueur territorial vit en moyenne trois ans de moins qu’un autre agent territorial de sexe masculin. Concrètement, la "durée de retraite" d’un éboueur est de 16 ans, contre un peu plus de 19 ans pour les autres agents territoriaux nous indique une autre étude réalisée notamment par le Centre de recherches sur l’expérience, l’âge et les populations au travail (CREAPT).
Une profession aussi pénible que celle d’ouvrier
L’espérance de vie des éboueurs une fois passé l’âge de la retraite est d’ailleurs quasiment la même que celle des ouvriers non qualifiés. Les éboueurs vivent en moyenne 16 ans après leur départ à la retraite, contre 17 ans pour les ouvriers.
Toutefois, les chercheurs notent qu’il existe une forme d’anomalie à ce que les éboueurs territoriaux vivent ne serait-ce qu’un an de moins que les ouvriers non qualifiés. L’appartenance à la fonction publique est en effet d’ordinaire plus protectrice. "On constate toujours, pour diverses raisons, qu’il y a un petit plus de six mois à un an d’espérance de vie chez les personnels du public", note un chercheur (page 102 de ce rapport).
Les études disponibles ne font aucun doute sur la grande pénibilité du métier d’éboueur. Le métier d’éboueur "au moins pour les générations actuellement à l’âge de la retraite" a des effets "usants ou fragilisants sur l’organisme à long terme", peut-on lire.
L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) indique également que "les salariés des métiers de la collecte et du tri des déchets ménagers sont exposés à de fortes contraintes physiques et psychiques". Selon l’INRS, le nombre d’accidents du travail dans le traitement des déchets ménagers est deux fois supérieur à la moyenne nationale.
Contributeur du CEET : Créapt
Source : FranceInfo
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