Travail de demain, expérience d'aujourd'hui
12 juillet 2021
Actes du séminaire annuel "Âges et Travail", mai 2019.
Avant même la période de crise sanitaire, et la crise économique qui s’ensuit, l’avenir du travail a fait l’objet de nombreux colloques et rencontres dans des réseaux scientifiques, mais aussi politiques et associatifs. Des questions d’anticipation et de prospective y ont été posées en cherchant à imaginer le « travail de demain ». L’objectif était d’analyser les évolutions en cours, d’en dégager des tendances, les mettre en débat et les critiquer, les soutenir ou encore tenter d’influer sur ces évolutions.
Ce questionnement a été souvent abordé par le prisme de l’emploi, et centré sur les évolutions technologiques (systèmes d’information, moyens de communications, …). On peut cependant – et ce sera le propos ici – l’élargir à l’évolution des systèmes sociotechniques en y incluant les conditions et l’organisation de travail, les enjeux de santé au travail ainsi que les parcours professionnels et l’expérience des personnes concernées, et ce pour trois raisons au moins, sur lesquelles les observations et analyses présentées dans ce rapport reviendront largement :
- les recherches sur l’intensification du travail ont montré à quel point cette transformation des modèles de production influence et modifie les conditions de travail. Cette évolution d’ensemble délimite les possibilités pour les travailleurs de préserver leur santé et construire leurs compétences dans les diverses phases de leur vie professionnelle ;
- les évolutions récentes sont marquées par de nouveaux modes d’organisation associés à la mobilisation de nouvelles technologies, en particulier au service de modes de prescription par algorithmes, d’objectifs de supervision, de contrôle, de production d’indicateurs de gestion, de travail en juste-à-temps ;
- de nombreuses études en sciences sociales suggèrent que les itinéraires professionnels sont appelés à être de moins en moins continus et stables, et devraient connaître un régime de changements au rythme soutenu. Un aspect important de cette instabilité serait un raccourcissement de la durée d’existence des équipes de travail, au sein desquelles les régulations collectives et la transmission des savoirs professionnels pourraient avoir plus de mal à se constituer.
Dans ce contexte, comment penser le travail de demain si le volet constructif de l’activité est entravé et que l’expérience peine à se constituer, à être partagée ou mobilisée ? Comment au contraire l’expérience pourrait-elle constituer un socle dans ces situations de changement ?
C’est autour de ces interrogations que le CREAPT (Centre de recherches sur l'expérience, l’âge et les populations au travail) a décidé d’intituler l’édition 2019 de son séminaire annuel « Travail de demain, expérience d’aujourd’hui ». Les interventions des chercheurs de diverses disciplines (ergonomie, sociologie, droit, prospective), retranscrites ici pratiquement dans les termes où elles ont été prononcées, et les échanges auxquelles elles ont donné lieu (retranscrits également) permettent d’aborder ces questions en articulant des connaissances théoriques et des exemples de terrain, dans toute leur diversité selon qu’il s’agit : de travailleurs en début, milieu ou fin de carrière ; d’entreprises ou administrations récentes – voire « innovantes » – ou existant de longue date ; de métiers nouveaux ou ancrés dans une tradition professionnelle ancienne.
Ce rapport paraît en 2021. On sait combien le débat social et politique s’est polarisé à présent sur la thématique du « monde d’après », y compris s’agissant du travail. On peut donc aussi prendre ce rapport comme une contribution à ce débat.