Des difficultés à retrouver un emploi bien avant 57 ans
27 juin 2019
Après un bonus-malus contre les contrats courts, faut-il le même système pour favoriser l’emploi des seniors ? C’est en tout cas une proposition de la députée Corinne Vignon (LREM, Haute-Garonne), présidente du groupe de travail transpartisan sur les retraites.
Dans un rapport publié mercredi 26 juin, l’élue envisage un allégement des cotisations d’assurance-chômage pour les entreprises qui embauchent des salariés de plus de 55 ans et un poids supplémentaire pour celles qui les licencient. « Beaucoup d’entreprises poussent vers la sortie leurs salariés âgés, notamment les cadres qui ont des bons salaires, déplore Corinne Vignon. Ces personnes restent ensuite au chômage très longtemps, avec un coût pour la société. »
Pas de dégressivité au-delà de 57 ans
La décision du gouvernement concernant la dégressivité des allocations-chômage avait déjà relancé le débat sur l’emploi des seniors. Dès le 1er novembre 2019, tous les chômeurs qui percevaient plus de 4 500 € brut de salaire mensuel verront leur indemnité réduite de 30 % à partir du septième mois. Cette mesure cible les cadres, dont le marché du travail se porte bien, avec un chômage en dessous des 4 %.
Mais même chez les cadres, les seniors sont en difficulté. En 2012, la moitié des plus de 55 ans au chômage l’était depuis plus d’un an, contre moins de 10 % chez les moins de 30 ans, relevait la dernière étude de l’Apec. Sur l’ensemble des chômeurs, seul 13 % des seniors trouvent un emploi dans le trimestre, contre 26 % pour les moins de 25 ans, rappelle l’Insee. D’où la volonté du gouvernement d’exonérer les seniors de la mesure, en limitant la dégressivité aux moins de 57 ans.
À quel âge est-on senior ?
Ce seuil fait débat. « Statistiquement, on est senior à partir de 50 ans, mais pour les recruteurs, c’est dès 45 ans ! » estime Jean-Paul Domergue, responsable dans l’association Solidarités nouvelles face au chômage et ancien directeur des affaires juridiques à l’Unédic.
Une vision que confirme Annie Jolivet, chercheuse au Centre d’études de l’emploi et du travail, qui dépend du Cnam : « La limite à partir de laquelle on est "âgé" dépend du recruteur et du secteur d’activité, certains candidats peuvent être perçus comme "âgés" avant 50 ans ». Un candidat de plus de 48 ans a trois fois moins de chance de passer la première étape d’une embauche qu’un candidat d’une trentaine d’années, chiffrait une étude de l’université Paris 1.
Une discrimination liée à l’âge
Plusieurs facteurs freinent le retour à l’emploi des seniors. En premier lieu, les rémunérations, plus élevées, en raison de l’expérience. En avril, en pleine discussion sur la réforme des retraites, le Medef avait proposé que Pôle emploi fournisse une compensation au senior qui accepterait un emploi avec une baisse de salaire. Dans les faits, nombreux sont les plus de 50 ans prêts à perdre une fraction de salaire pour reprendre le travail.
Le coût ne fait pas tout. « Il existe une vraie discrimination liée à l’âge, toute chose égale par ailleurs, analyse Yannick L’Horty, professeur à l’université de Paris-Est et directeur de la fédération de recherche « Travail, Emploi et Politiques publiques ». Même à productivité et à rémunération identique, les seniors ont plus de difficultés à retrouver un emploi. Et plus on avance en âge après 50 ans, plus c’est difficile. »
Un manque de formation après 50 ans
L’absence supposée de mobilité, la peur des managers d’embaucher un cadre plus âgé qu’eux qu’ils n’arriveraient pas à diriger, ou encore les préjugés concernant la réactivité et l’engagement sont autant d’idées reçues qui bloquent les recruteurs. « Sans compter que les grandes entreprises privilégient la progression de carrière pour leurs cadres, rappelle Annie Jolivet. Elles embauchent des jeunes pour les faire évoluer en passant par plusieurs postes, et s’insérer dans ce parcours en bout de course n’est pas aisé. »