Rapports de recherche - 2002
Les acquis des opérateurs durant leur parcours professionnel. Actes du séminaire Vieillissement et Travail, 2001
#8 - décembre 2002 - Creapt-EPHE
Ce rapport de recherche restitue les interventions et discussions de l’édition 2001 du séminaire annuel « Vieillissement et Travail ». Organisé par le Centre de recherches et d’études sur l’âge et les populations au travail (Créapt) et le laboratoire d’ergonomie de l’École pratique des hautes études (EPHE), ce séminaire portait sur « Les acquis des opérateurs durant leur parcours professionnel ».
Une part importante des recherches du Créapt et de l’EPHE dans les entreprises vise à repérer dans l’activité des opérateurs, les traces de l’expérience et de la construction des compétences des individus. La question des « acquis », et éventuellement de leur validation, est de plus en plus intégrée dans les demandes que ces entreprises adressent aux chercheurs. Le contexte socio-politique offrait l’occasion d’en débattre, à quelques mois de l’entrée en vigueur d’une loi dite « pour la reconnaissance de l’expérience par la validation des acquis ». Le séminaire a donc été préparé avec l’idée de progresser dans un travail de recherche et de recueil des connaissances autour de la question des acquis.
Vincent Merle, l’un des auteurs et animateurs de la loi que l’on vient d’évoquer, a bien voulu indiquer aux participants, dans l’intervention inaugurale, son point de vue sur les réflexions qui ont présidé à la préparation du texte de loi, les intentions qu’il traduit, voire les difficultés auxquelles sa mise en place peut se heurter. Les interventions suivantes proviennent de chercheurs qui se sont trouvés confrontés à cet enjeu, lors de certains de leurs travaux. Valérie Pueyo a repris des éléments de plusieurs investigations, menées dans la sidérurgie, en examinant les difficultés et les atouts d’ouvriers anciens, lors de transformations de leur situation de travail. Esther Cloutier a présenté les résultats d’une étude exploratoire, menée dans l’usinage au Québec, et portant sur la transmission des savoirs et savoir-faire entre travailleurs experts et apprentis. Alain Garrigou et Jean-François Thibault ont proposé le récit structuré d’une intervention dans une usine en reconversion technique lors de l’interdiction de l’amiante. Yolande Benarrosh a apporté le point de vue d’une sociologue, à partir de quelques recherches échelonnées dans le temps. Les interventions de Philippe Davezies et de Dominique Dessors ont en commun de placer les enjeux de santé au coeur de la réflexion sur les « acquis ». Christiane Werthe et Bernard Prot se sont intéressés à des systèmes de validation, tel qu’ils sont déjà en oeuvre, en proposant leur analyse de l’activité des membres de jurys. Enfin, Frédéric Moatty, Françoise Rouard et Catherine Teiger ont décrit et commenté plusieurs résultats d’une recherche en cours sur l’expérience de l’écrit. La discussion finale a permis de reprendre la plupart des interrogations précédentes, à partir des commentaires de Marianne Lacomblez et Paul Santelmann.
La stratégie européenne pour l'emploi: Les représentations des acteurs en France
#7 - octobre 2002 - Jean-Claude Barbier, Ndongo Samba Sylla
Les conséquences de la mise en œuvre, au niveau communautaire, de la coordination des politiques de l’emploi (la Stratégie européenne pour l’emploi [SEE], méthode dite « ouverte » de coordination, en matière d’emploi, qui donne lieu à la présentation de plans nationaux d’action pour l’emploi [PNAE] et de recommandations pour les divers États membres), sont intéressantes à observer.
L’analyse précise des documents trahit incontestablement une influence de l’anglais international et, par son intermédiaire, des catégories des politiques sociales anglo-saxonnes dans les politiques françaises. Mais il ne s’ensuit pas pour autant une influence sur la substance même des politiques menées.
La plus significative des influences – au demeurant multiples, entre la Commission et la France, entre États membres, etc. – tient en deux points. La vision française des politiques de l’emploi et du marché du travail a depuis longtemps évolué et elle n’a pas attendu la Stratégie européenne pour l’emploi pour se transformer. Elle s’est désormais ancrée sur une certaine orthodoxie, tout en maintenant des dispositifs originaux (réduction du temps de travail, emplois jeunes et non marchands en général). Ceci s’est fait avant la SEE. Mais la SEE offre l’avantage de renforcer et de mieux diffuser une espèce de code de lecture économique neutre des politiques ; neutre du point de vue politique, neutre du point de vue des modèles nationaux de politiques, qui circulent entre États membres et entre acteurs d’un même pays.
Ce code est important car il est utilisé pour communiquer et négocier dans une arène dont l’importance va sans cesse croissant, l’arène bruxelloise. C’est dans cette arène politique que les acteurs français discutent avec ceux des autres pays, mais aussi entre eux. Si bien que l’arène bruxelloise permet de déplacer des enjeux, d’obtenir des décisions différentes de celles qui auraient eu lieu dans le strict cadre français. Le « passage par Bruxelles » et la traduction des débats et oppositions dans le langage neutre sont devenus un trait structurel du milieu décisionnaire des politiques de l’emploi (il reste à savoir comment cette situation se « diffuse » ou non dans d’autres cercles). Sous ce double aspect (référentiel commun, arène bruxelloise) la SEE renforce les processus précédemment engagés en France.
Enfin, l’une des influences majeures de la SEE est d’avoir modifié assez considérablement le système des acteurs classiques des politiques de l’emploi en y introduisant sérieusement les partenaires sociaux et le service des droits des femmes et de l’égalité.
Travail, citoyenneté et intégration sociale. Actes du séminaire (année 2000)
#6 - octobre 2002 - Mis en forme et coordonné par Cécile Baron et Patrick Nivolle
En 2000, les séances du séminaire "Travail, citoyenneté et intégration sociale" se sont intéressées aux effets des mutations des modes d'organisation et des pratiques de gestion de la main d'oeuvre sur la sélectivité du marché du travail, les segmentations du salariat et les recompositions sociales qui en découlent.
Marchés financiers et licenciements
#5 - septembre 2002 - Tristan Boyer
Si le licenciement économique collectif est un événement suffisamment important pour être à lui seul un objet d’analyse, il n’a pas jusqu’ici été analysé sous l’angle de la justification économique dans le plan de licenciement. On comprend que la dimension sociale, à travers le plan social, soit particulièrement l’objet d’étude et de débat : c’est un impératif social, humain, politique et juridique que de chercher à limiter autant que possible le nombre de personnes qui perdent leur emploi. La question de la justification économique du licenciement économique collectif ne nous paraît pas pour autant une question négligeable : l’acceptabilité et donc les conséquences et les conditions d’une telle décision passent par sa justification.
Ainsi, les procédures de licenciement économique collectif sont des moments particulièrement importants pour l’entreprise, tant pour les directions que pour les salariés, mais aussi plus largement pour les parties prenantes à la vie de l’entreprise, c’est-àdire les clients, les fournisseurs, les actionnaires et les citoyens. Ce sont des moments dont l’impact sur l’entreprise et son environnement est particulièrement fort à la fois en intensité et en conséquences présentes et futures. Ce sont aussi des moments où la légitimité des décisions prises par la direction d’une entreprise est particulièrement mise à l’épreuve.
Or, depuis les années quatre-vingt, les marchés financiers semblent jouer un rôle accru dans l’économie et plus particulièrement dans la vie des entreprises, à tel point que le discours majoritaire leur impute les décisions de licenciement. C’est réduire les décisions d’emploi à une relation mécanique entre les marchés financiers et l’emploi conçu comme une variable d’ajustement, alors que les décisions des entreprises sont prises dans des situations de gestion, instrumentées par des outils variés susceptibles de donner une perception plurielle de l’entreprise et de son environnement. Notre analyse se focalise sur la question de la légitimité des principes de corporate governance, tels qu’ils sont appliqués par les dirigeants d’entreprise : il nous semble en effet qu’une entreprise, fonctionnant selon cette « convention financière » qui veut qu’on réduise l’intérêt de l’entreprise à celui de l’actionnaire, ne serait pas viable, si la légitimité de ce mode de fonctionnement n’était pas acceptée par toutes les parties prenantes à la vie de l’entreprise.
À cette perspective centrée sur les justifications de la décision d’emploi dans l’entreprise répond une analyse de la décision d’investissement sur les marchés financiers, à partir d’études statistiques et de terrain qui montrent que la performance (et la performance financière) des entreprises ayant licencié est moindre que celle des entreprises ayant embauché. La réaction des marchés financiers à l’annonce de licenciements y est montrée comme très variable selon le contexte de cette annonce. Il apparaît de plus que les informations non financières (et en particulier certaines touchant à l’emploi) sont considérées comme très importantes par les décisionnaires sur les marchés financiers. Il convient donc de reconnecter l’économie réelle et l’économie financière par la mise en place des moyens d’une connaissance mutuelle de l’entreprise et des marchés financiers, ainsi que par une redistribution équitable du pouvoir dans l’entreprise, qui empêcheraient la mise en œuvre de licenciements par les dirigeants dans le seul but d’augmenter le cours de l’action.
La mise en œuvre du programme objectif 3 du Fonds social européen. Contribution aux réalisations, aux résultats et à l'impact du programme en France
#4 - juin 2002 - Jean-Claude Barbier avec l'aide de Saïd Adjerad, Olivia Blum, Angelina Brygoo, Coralie Pérez, Claude Rack, Françoise Tarquis
Le rapport sur « la mise en œuvre du programme objectif 3 du FSE en France » a fait l’objet d’une exploitation traditionnelle en matière d’études évaluatives, par ses commanditaires, en 2000 (les principaux : le ministère français du Travail et de l’Emploi, et la Commission européenne).
D’un point de vue plus permanent, il propose une approche théorique de la notion de « mise en œuvre », analysant une politique qui fait partie des programmes dits des fonds structurels communautaires. D’un point de vue sociologique, on peut considérer la mise en œuvre comme « l’ensemble des activités sociales des acteurs qui sont affectés par la politique ». Cette définition insiste sur un point crucial : les « produits » de la politique ou du programme ne sont pas simplement le fait des activités des autorités publiques qui sont à leur initiative ; il faut, pour envisager la construction de causalités des actions, faire toute leur place aux actions de tous les acteurs, y compris bien sûr les bénéficiaires des politiques. Cette approche s’inscrit en faux contre une vision mécaniste de la politique publique, conçue comme une série de séquences prenant place successivement entre la phase initiale de conception et les impacts sur le terrain : les acteurs publics (ici, la Commission et les différents niveaux de gouvernement en France) n’ont pas de privilège a priori dans la recherche des causalités. Les débuts de la mise en œuvre influent sur le contenu de la politique ; sa définition initiale est appropriée et réinterprétée par les acteurs, d’autant que, comme il est évident dans le cas d’un programme défini par des cadres très généraux, les marges de cette interprétation sont très grandes.
La question cruciale de la différence de nature entre des « politiques communautaires sociales », d’un côté, et des politiques de l’emploi - ou plus largement des politiques sociales, nationales - est d’une brûlante actualité, tant du point de vue de leur conduite que de celui de leur légitimité. L’entrée empirique détaillée, qui est celle du présent rapport, permet d’ouvrir un peu la boîte noire de ces différences.
Le point de vue adopté dans le texte qu’on va lire est, cela va sans dire, limité par les conditions de sa commande : il se place, comme tout rapport d’évaluation, dans le cadre qui est défini par le ou les commanditaires. Le matériau empirique, « à l’intérieur de l’évaluation », peut être relu à la lumière de l’approche par les « référentiels ». Dans le cas français, l’évaluation, en tant que grille cognitive, se trouve en concurrence avec d’autres approches plus traditionnelles. Il est certain que l’obligation, présente dans les règlements communautaires, de l’évaluation des fonds structurels est l’un des canaux qui modifient les processus des politiques publiques dans le domaine social, les systèmes d’acteurs et les représentations qu’ils se font des « théories » des politiques qu’ils participent à faire exister.
Embaucher, sélectionner, valoriser. Les offres d'emploi dans la presse française entre 1960 et 2000
#3 - avril 2002 - Emmanuelle Marchal, Didier Torny
Ce rapport présente les résultats de l’analyse de 2 350 offres d’emploi publiées dans la presse entre 1960 et 2000. Les supports retenus sont délibérément variés, associant la presse nationale (Le Monde, Le Figaro, France- Soir, L’Express) et régionale (Ouest- France et Le Parisien) à la presse spécialisée (Les Échos et Le Moniteur). L’analyse porte tant sur la forme que sur le contenu des annonces. Elle a été réalisée grâce à un logiciel de traitement de données textuelles (Prospero), et complétée par des interviews auprès des responsables des régies des journaux concernés.
La première partie est consacrée à l’analyse de la construction du marché des offres d’emploi. Elle met en évidence la professionnalisation progressive de la publication des annonces à laquelle participent de nouveaux intermédiaires, et les changements qui en résultent dans le format des annonces. Dans les trois parties suivantes, nous envisageons tour à tour les fonctions que peuvent remplir les annonces : mettre en relation, sélectionner et valoriser. Ces trois aspects forment autant d’étapes permettant de décrire l’étendue des transformations opérées depuis 1960. Les annonces étaient alors concises, n’ayant d’autre objectif que d’organiser la rencontre entre les partenaires du recrutement. Elles deviennent progressivement un instrument efficace de filtrage préalable des postulants, grâce à l’affichage de critères de sélection de plus en plus nombreux et exigeants, portant en particulier sur la formation et l’expérience des candidats. Cette évolution est indissociable de celle des modes d’entrée en relation marquée par une mise à distance des candidats. Aujourd’hui, les annonces sont aussi utilisées comme un moyen de communication, visant à valoriser tant les entreprises qui recrutent que les candidats auxquelles elles s’adressent. La citation de plus en plus fréquente de qualités personnelles, accentuée par les professionnels du marché, illustre la superposition des différentes fonctions des annonces. Enfin, l’analyse des titres d’emploi, effectuée dans la dernière partie, met en évidence le renouvellement et la dispersion progressive du vocabulaire mobilisé par les annonceurs pour qualifier les emplois.