Rapports de recherche - 2013
Le rôle de l'expérience dans les contextes de changement du travail. Actes du séminaire Âges et Travail, mai 2010.
#84 - juin 2013 - Creapt-CEE
Ce rapport reprend in extenso les interventions et discussions du séminaire annuel du Créapt, édition 2010, dont le thème général était : « Le rôle de l'expérience dans les contextes de changement du travail ». Comme à chacune de ses sessions, ce séminaire rassemble des chercheurs de différentes disciplines, des praticiens, des étudiants autour d'une dizaine d'exposés-débats destinés à approfondir un aspect des relations entre l'âge, l'expérience, la santé, et le travail.
Le thème choisi pour l'édition 2010 avait sa raison d'être au regard du débat social, à cause d'une confrontation délicate entre la proportion croissante de salariés expérimentés et la volonté affirmée de réorganiser sans cesse les entreprises. Cette question sociale rejoint une question scientifique, celle d'une compréhension des modes d'élaboration de l'expérience au travail, et des ressources qu'elle apporte, avec une difficulté à saisir si, et dans quelle mesure, les transformations dans les systèmes de production favorisent ou restreignent cet apport de ressources.
Le cadre théorique de la réflexion est donné par un exposé introductif, qui reprend un ensemble d'acceptions de l'expérience d'une part, des changements d'autre part, et présente des modèles d'analyse qui correspondent à ces différentes acceptions, avant d'expliquer, à partir d'études spécifiques, comment le lien expérience/changement a pu être abordé dans plusieurs recherches, menées sur des terrains très divers.
L’impact des dispositifs collectifs de partage des bénéfices sur les rémunérations en France. Une analyse empirique sur la période 1999-2007
#83 - avril 2013 - Noélie Delahaie, Richard Duhautois
En France, les dispositifs collectifs de partage des bénéfices – intéressement et participation aux bénéfices – sont des mécanismes qui permettent la constitution d’une épargne salariale. D’après les résultats de l’enquête PIPA (Participation, Intéressement, Plan d’épargne entreprise et Actionnariat des salariés) menée par la Dares depuis 1999, l’épargne salariale connaît une diffusion croissante dans les entreprises. En 2010, plus de 57 % des salariés du secteur marchand non agricole étaient concernés par au moins un dispositif. En raison de l’obligation légale de mise en œuvre dans les entreprises de 50 salariés ou plus, la participation aux bénéfices demeure le dispositif le plus répandu et concerne 44,8 % des salariés en 2010, contre 38,1 % en 1999. Sur la même période, la part des salariés couverts par un accord d’intéressement passe de 27,4 % à 37,3 %.
Dans la littérature économique, les enjeux de l’épargne salariale, et surtout de l’intéressement, en termes d’incitation à l’effort sont bien documentés : la majorité des travaux observe des effets positifs de ce dispositif sur la productivité du travail. En revanche, les effets sur les salaires font l’objet d’un nombre plus réduit d’études, notamment sur des données françaises et sur la période récente.
Dans ce contexte, quel est l’impact des dispositifs collectifs de partage des bénéfices (intéressement et participation aux bénéfices) sur les salaires en France entre 1999 et 2007 ? Les dispositifs collectifs de partage des bénéfices et les primes auxquelles ils donnent lieu se substituent-ils aux augmentations de salaire ? Ou bien sont-ils complémentaires ?
Libres ou prolétarisés ? Les travailleurs intellectuels précaires en Île-de-France
#82 - mars 2013 - Cyprien Tasset, Thomas Amossé, Mathieu Grégoire
Ce rapport, issu d'une recherche menée en 2011, en convention avec la Fonda, porte sur les travailleurs intellectuels précaires.
Cette notion pointe vers une zone de l'espace social où les catégories instituées jouent et pourraient se reconfigurer en des formes nouvelles. Comment statuer sur la réalité même de cette population ? Renvoie-t-elle à un phénomène statistiquement observable et, si oui, quels sont les résultats de cette observation en termes de composition sociale objective ? Comment les expériences sociales correspondantes sont-elles décrites et évaluées par les premiers intéressés ?
Pour répondre à ces questions, ce rapport comporte trois parties qui correspondent aux trois chantiers de recherche que nous avons mis en œuvre.
Premièrement, un bilan de la littérature française et internationale montre que plusieurs monographies professionnelles se rapportent à notre objet, mais que celui-ci doit aussi être resitué parmi une série d'hypothèses quant aux groupes sociaux en cours d'émergence. Les travaux les plus stimulants d'un point de vue empirique sont ceux consacrés, dans plusieurs pays européens, au « creative work ».
Deuxièmement, une exploitation inédite d'une source statistique existante, l'enquête sur l’emploi de l'Insee, aboutit à une estimation tout à la fois minoritaire et non marginale des « travailleurs intellectuels précaires ». On repère une population large qui englobe un cœur de professions correspondant aux figures sociales qui leur sont usuellement associées. Néanmoins, les frontières de cet objet restent floues et en partie poreuses avec des situations de déclassement social ou scolaire. L'analyse statistique souligne des traits communs à la population investiguée et en même temps différentes façons d'être un intellectuel précaire.
Cette hétérogénéité est confirmée par l'enquête qualitative qui, à partir de soixante-dix entretiens réalisés en région parisienne, met en lumière la diversité des situations professionnelles parmi les actifs exerçant une (ou plusieurs) activité(s) intellectuelle(s) sans emploi stable. La multiplicité inter- et intra-individuelle des ressources économiques utilisées dans cette population semble un frein à la constitution d'un « commun », même si un tel processus relève sans doute davantage de mobilisations politiques que de conditions objectives et d’expériences personnelles.