Rapports de recherche - 2005

Transformation de l'intermédiation hiérarchique

#29 - novembre 2005 - Loup Wolff

L’encadrement hiérarchique se dévalorise. Les salariés amenés à exercer des responsabilités hiérarchiques sont de moins en moins sélectionnés sur leur capital scolaire. Le niveau de leurs rémunérations, toutes choses égales par ailleurs, se rapproche de celui des autres salariés, et la position des encadrants dans l’entreprise se dégrade progressivement vers des statuts intermédiaires, souvent même au niveau des exécutants. Enfin, ces encadrants sont de plus en plus exposés aux mêmes types de contraintes que leurs subordonnés. Les salariés caractérisés par des propriétés traditionnellement favorables dans le champ des rapports de force investissent de moins en moins souvent les responsabilités hiérarchiques et les laissent aux autres.

On peut faire l’hypothèse d’une division croissante du travail de domination. L’encadrement hiérarchique en tant que supervision du travail (lui-même se divisant et se spécialisant) reviendrait de plus en plus à des salariés occupant des positions intermédiaires, et même inférieures en entreprise. On assisterait ainsi au développement d’un encadrement de proximité, de chefs dénués de pouvoir de décision et simplement chargés de relayer les objectifs dictés d’en haut. Une telle division du travail d’encadrement du travail est en partie révélée par l’examen des réponses à l’enquête européenne sur les Conditions de Travail et par l’identification de contextes variés de travail. Chacun de ces contextes présente une architecture originale des marges d’autonomie et des dispositifs de contrôle. C’est ensuite en fonction du degré de formalisation du travail et du développement des technologies de contrôle que la « valeur » des fonctions hiérarchiques est fixée.

Ainsi, avec la bureaucratisation croissante du travail, on peut s’attendre à une montée en puissance d’une nouvelle forme d’encadrement, poussée par le néo-management : ce que nous avons appelé le gouvernement d’entreprise. La spécialisation croissante d’une partie du salariat d’encadrement dans ces fonctions, notamment liée à la diffusion du modèle de l’autonomie contrôlée, ne concerne pas uniquement les salariés les plus haut placés, puisque la mise en œuvre de cette forme dépersonnalisée de pouvoir s’exerce souvent à l’échelle de services entiers, et suppose donc l’implication d’une population variée de salariés : du cadre responsable qui statue, aux employé(e)s administratif(ve)s chargé(e)s de mettre en forme ces décisions. Alors que les formes de domination tendaient traditionnellement à se cumuler aux mêmes postes, il semble de plus en plus que les salariés selon leur position dans le champ de l’entreprise n’ont désormais plus accès qu’à une forme spécifique de pouvoir. 

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Dans une zone urbaine sensible : les acteurs de l'éducation et de l'insertion des jeunes "en difficulté"

#28 - octobre 2005 - Michel Destefanis, Elisabeth Dugue, Catherine Mathey-Pierre, Barbara Rist

Cette étude, menée dans une cité de la Seine-Saint-Denis, tente d’éclairer ce qui réunit et ce qui sépare les travailleurs et intervenants sociaux chargés de mettre en œuvre les politiques qui, plus ou moins directement, se réfèrent à l’insertion. Elle est construite à partir de deux études complémentaires mais de nature différente : 
- une série d’entretiens menés auprès des professionnels (travailleurs ou intervenants sociaux) et militants associatifs intervenant auprès des jeunes de 16 à 30 ans habitant cette cité, potentiellement concernés par les dispositifs d’insertion, mais aussi par les dispositifs d’action sociale ou éducative ; 
- une analyse statistique des données provenant des recensements de la population de 1990 et 1999 au niveau de la zone urbaine sensible (Zus) qui inclut la cité HLM.

Ce quartier, du fait des difficultés rencontrées par ses habitants, a bénéficié de la plupart des mesures d’insertion depuis leurs débuts. L’essentiel de l’analyse porte sur les représentations (des populations, de la mise en œuvre des politiques, de leurs pratiques) et sur les grands axes autour desquels s’organisent les divergences, les oppositions ou les consensus au sein de ces dispositifs animés par des segments différents de l’État, qui s’harmonisent, se combattent ou s’ignorent. Le rapport montre également le fonctionnement des dispositifs et leur façon de désigner, produire et organiser les populations, de trier, éliminer ou rebuter les publics.

Les trois premières parties du rapport s’attachent successivement aux trois champs d’intervention, l’action éducative, l’accompagnement vers l’emploi et l’action sociale. La quatrième partie est consacrée aux résultats des analyses statistiques.

Concernant l’action éducative, on montre qu’aux deux extrémités de ce qui devrait constituer une chaîne, il existe deux institutions fortes et instituées : le collège, d’une part, qui tente de « faire face » en assumant une action d'éducation spécialisée ; les équipes de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), d’autre part, qui touchent un nombre dérisoire de jeunes. Entre ces deux institutions fonctionnant à partir du contraint, quasiment aucune structure locale éducative n’existe durablement. Les discours sur la population sont compréhensifs, refusent les stéréotypes ; les démarches sont peu stabilisées marquées par le manque de projet politique à partir duquel définir le sens de l’éducation et les caractéristiques du citoyen à former.

Deux situations bien différentes coexistent en ce qui concerne l’accompagnement vers l’emploi : une politique très cohérente autour des bénéficiaires du RMI, une politique « introuvable » autour des jeunes de moins de 25 ans. Elles aboutissent cependant à des résultats identiques : une forte sélectivité de fait, les dispositifs ne parvenant pas à toucher les populations destinataires. Les représentations des professionnels sur la population sont homogènes et presque stéréotypées, traduisant leur adhésion aux principes sur lesquels se sont construites les politiques d’insertion : ils décrivent des « inemployables », aux normes et aux comportements différents de la population ordinaire. L’ancrage sur une politique de relance économique et sur des parcours qualifiants ne constitue qu’un horizon lointain. Les outils de l’insertion sont peu utilisés. Tout ceci entraîne la faiblesse des partenariats et la perplexité des intervenants qui s’opposent sur les catégories et pratiques qui devraient se substituer aux outils défaillants et qui semblent, eux aussi, partiellement démunis.

La dynamisation locale est forte dans l’action sociale, hormis pour les questions concernant le logement, le manque des habitations, leur surpopulation entravant gravement l’action éducative tout autant que les processus d’insertion professionnelle. Par ailleurs, les structures instituées sont puissantes et encadrées, les associations caritatives restant bien présentes et celles issues des politiques de la ville tendant actuellement à s’institutionnaliser et à venir en complément des services sociaux. Si les partenariats locaux sont vivants, des oppositions sont perceptibles, portant sur des points cruciaux concernant l’intégration des immigrés dans la société française. Ces oppositions traversent la sphère mais aussi les institutions et parfois même les personnes, déchirées de contradictions.

S’il existe un puissant système local d’action, structuré par une idéologie partagée, des divergences s’organisent autour de deux grandes questions. Faut-il ou non préserver des champs professionnels spécifiques ? Certains professionnels se réfèrent à un cœur de métier, d’autres veulent mettre en œuvre une action plus générale qui déborde la sphère.

Intégration ou insertion, quel projet de société ? Confrontés aux défaillances de l’institué, les intervenants tâtonnent pour fonder leur action.

Mais il faut aussi prendre la mesure du processus de dégradation sociale que les analyses statistiques ont révélé, dont la dégradation des conditions d’insertion des jeunes n’est qu’une composante. Du fait, entre autres, des règles de priorité à l’accès des logements sociaux, dans un contexte d’exacerbation des inégalités, de manque de logements sociaux dans la région, des principes administratif et culturel du regroupement familial des étrangers, un flux de familles plus « pauvres » encore que les familles déjà résidentes ou partantes, alimente en permanence la population de la zone. On peut comprendre le désarroi des intervenants locaux face à cette situation, quelles que soient leurs motivations à mettre en œuvre les politiques locales d’insertion qui n’ont aucun effet sur les mécanismes de ce processus.

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Les évolutions de la santé au cours de la vie professionnelle : altération, préservation, construction. Actes du séminaire Vieillissement et travail, années 2004

#27 - octobre 2005 - Creapt-EPHE

L'organisme humain se transforme au fil des années. On ne peut pas raisonner comme si l'état fonctionnel de chaque individu était immuable tout au long de sa vie de travail. Mais ces évolutions, souvent modérées aux âges d'activité professionnelle, très variables selon les personnes et selon les fonctions étudiées, peuvent être renforcées, atténuées, ou encore révélées, par le travail lui-même.

Le contexte social (réformes des modalités de cessation d’activité, négociations sur la pénibilité du travail, difficultés nouvelles en matière de recrutement pour des raisons de conditions de travail…) renforce l’intérêt d’un examen attentif de ces relations de long terme entre travail et santé. On remarque notamment que les régulations « protectrices » qui permettaient une relative mise à l’abri des plus âgés vis-à-vis de certaines contraintes du travail sont de plus en plus difficiles à mettre en oeuvre, en raison de l’accroissement du nombre de ces salariés et des évolutions des conditions et de l’organisation du travail (Guignon, Pailhé, 2004). Par ailleurs, comme le rappelle Molinié (2006, à paraître), « les médecins du travail ont de plus en plus de mal à trouver des solutions pour permettre à des salariés âgés de rester en emploi quand ils souffrent de problèmes de santé, grâce à des aménagements de postes, des réaffectations, etc., alors même que les possibilités de sortir prématurément de l’activité dans des conditions financièrement acceptables se restreignent fortement ».

Ce contexte incite à réactiver le débat scientifique sur les relations entre la santé et le déroulement de la vie professionnelle. Plusieurs disciplines 1 Ces négociations n’étaient pas ouvertes quand ce séminaire s’est tenu, mais ont été entamées depuis. peuvent être mobilisées dans ce sens. La session 2004 du séminaire annuel « Vieillissement et Travail » organisé par l’École pratique des hautes études et le CREAPT visait à confronter certaines de ces approches, mises en oeuvre dans des situations spécifiques (telle entreprise ou tel secteur) ou dans l’ensemble de la population au travail, en privilégiant les analyses « diachroniques » comme y invite l’exposé introductif de Serge Volkoff.

Les interventions et les débats auxquels ce séminaire a donné lieu, décryptés et mis en forme – mais en conservant la tonalité « orale » des échanges – sont rassemblés dans ce rapport.

Cerner la « pénibilité »

Au regard des débats en cours sur la « pénibilité » du travail et de l’itinéraire professionnel, les contributions à ce séminaire ne masquent pas les difficultés d’évaluation, et même de définition de cette notion, mais indiquent que ces difficultés ne sont pas insurmontables. Si l’on suit le rapport de Yves Struillou (2003) sur la retraite anticipée, on va retenir, comme fil directeur, les effets potentiels du travail sur l’espérance de vie en bonne santé. Seraient donc « compensables » par des départs anticipés, les contraintes et nuisances susceptibles de réduire la durée de vie, ou de détériorer la qualité de la vie au grand âge.

Comme l’explique ici Gérard Lasfargues, ces contraintes et nuisances ne sont pas toujours « pénibles », au sens où elles ne sont pas toujours difficiles à supporter au moment où l’on est exposé (c’est le cas pour l’amiante, par exemple). Les connaissances disponibles permettent cependant de préciser quelles caractéristiques du travail seraient particulièrement en cause – le travail de nuit, les fortes sollicitations physiques, l’exposition aux toxiques – de démontrer leurs liens avec l’état de santé à long terme et leurs conséquences parfois irréversibles. S’agissant des pathologies les plus graves, une autre voie d’approche, présentée ici par Annie Thébaud-Mony à propos des cancers, consiste à élaborer une lecture rétrospective des expositions passées pour des malades pris en charge par le corps médical. Dans l’entreprise enfin, une reconstitution des expositions à diverses formes de pénibilité dans les parcours professionnels réclame une méthodologie d’analyse et de débats adaptée à la complexité de ces parcours. L’exposé de Robert Villatte illustre une tentative en ce sens et peut servir de point d’appui pour des interventions analogues.

À l’inverse, comme les exposés de Serge Volkoff et de Gérard Lasfargues le rappellent au passage, certaines caractéristiques « pénibles » du travail – vécues comme telles – n’ont peut-être pas d’effets à long terme, mais renforcent le souhait de partir sans tarder. Ajoutons à cela que la sensation de « pénibilité » peut être liée à l’état de santé du salarié. Mais ces « gênes dans le travail » liées à des troubles de santé, étudiées ici par Anne- Françoise Molinié, relèvent d’un registre différent, car les négociations qui s’engagent vont devoir cerner des caractéristiques du trvail, et non la santé individuelle de chacun.

Des éléments de diversité

De façon plus générale, ces préoccupations relancent une nécessaire réflexion sur la pertinence et la complémentarité des évaluations en matière de travail et de santé. Les mesures « objec tives », des conditions de travail actuelles (poids de charge, relevés de bruit…), sont intéressantes dans un contexte donné, quand tous ceux qui les utilisent savent à quoi s’en tenir. Mais on aura toujours besoin de les relier aux conditions effectives de déroulement de l’activité (c’est flagrant dans l’exemple de l’exposition aux toxiques, que développe Alain Garrigou), et de les confronter à des appréciations plus qualitatives, discutées dans l’entreprise ou dans la branche, pour aboutir à des constats suffisamment partagés par tous. Ce d’autant plus qu’il s’agira de reconstituer les contraintes auxquelles un salarié aura été exposé tout au long de sa vie. Or, il peut avoir changé de branche.

Quant à prendre appui sur des indicateurs collectifs de santé, comme des nombres de pathologies ou troubles de santé déclarés, c’est aussi un élément intéressant, mais là encore partiel : les mêmes conditions de travail n’ont pas les mêmes effets sur tous ceux qui y sont confrontés (c’est particulièrement vrai pour les contraintes de temps, qui s’accentuent aujourd’hui), et les mécanismes de sélection, qui sont sans cesse à l’oeuvre dans l’entreprise, brouillent les pistes. La multiplicité et la confrontation des points de vue (y compris, par exemple, celui des médecins « de ville »), comme dans la recherche menée par Marianne Lacomblez et ses collègues, s’avèrent ainsi précieuses.

L’aménagement du travail

Reste que d’après les connaissances sur le vieillissement au travail (Marquié & col., 1995), certaines contraintes posent davantage de problèmes aux salariés âgés : les horaires irréguliers et/ou nocturnes, les postures pénibles, les fréquentes situations d’urgence et le manque de possibilités d’anticiper.... Quant à l’apport de l’expérience professionnelle, il dépend des marges de manoeuvre dont chacun dispose dans son travail. Quand ces marges sont serrées, la situation de travail est difficile à vivre pour les anciens. Plus généralement, la construction de l’expérience et la possibilité de mettre en oeuvre les ressources qu’elle fournit, sont une condition majeure de la préservation de la santé tout au long de la vie professionnelle – et la démonstration de Karine Chassaing à propos de la prévention de la douleur grâce à une maîtrise progressive des gestes est convaincante de ce point de vue.

Comme dans tout séminaire faisant une large place aux démarches ergonomiques, le souci de développer les connaissances se combine ici avec la recherche de modes de transformation du travail, propres à éviter les « altérations », et à favoriser les « préservations et constructions » de la santé (pour reprendre le titre de la session). Cette préoccupation renvoie d’abord au développement des outils usuels - ou peut-être, pas assez usuels, en France notamment - de l’amélioration des conditions de travail : réduire les sollicitations physiques, concevoir au mieux les espaces, les outils, les logiciels, les horaires… Mais aussi, et c’est peut-être plus délicat, au besoin d’élargir, pour les individus et les collectifs de travail, des possibilités de bâtir (ou rebâtir) des stratégies de travail qui leur conviennent. Cela suppose de mieux maîtriser plusieurs aspects de l’organisation du travail, la pression temporelle en particulier (Volkoff, Pueyo, 2005). Et cela suppose surtout de ne pas croire qu’avec des retraites anticipées la question de la pénibilité serait réglée.

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Enquête "Santé et vie professionnelle après 50 ans" : résultats par secteur d'activité

#26 - octobre 2005 - Anne-Françoise Molinié

Ce document présente un ensemble de fiches sectorielles, réalisées à partir de l’enquête Santé et Vie professionnelle après 50 ans (SVP 50). Ces fiches visent à fournir des informations dans trois domaines principaux :
- quelques données rétrospectives sur les parcours professionnels et le travail passé des salariés qui ont aujourd’hui atteint la cinquantaine,
- des évaluations de la « pénibilité vécue », notamment à travers les appréciations que les salariés portent sur leur travail, son « sens », et leurs aspirations en matière d’âge de départ en retraite,
- des éléments sur les enjeux de santé au travail des quinquagénaires. 

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Les carrières des chercheurs dans les entreprises privées

#25 - juillet 2005 - Richard Duhautois, Séverine Maublanc

L’objet de ce travail est de mettre au jour et d’analyser le déroulement des carrières des chercheurs dans les entreprises privées.

Nous nous intéressons aux séquences qui composent une carrière de chercheur, mais aussi aux mécanismes qui déterminent ces séquences. Les mécanismes concernent d’une part la sélection des candidats et d’autre part la démarche propre aux chercheurs pour circuler sur le marché de la Recherche et Développement (R&D). L’intérêt de cette étude est de montrer également les contraintes auxquelles sont confrontés les chercheurs et les stratégies mises en place par les différents acteurs pour accompagner les mobilités.

Nous constatons que les chercheurs qui se sont tournés vers la recherche en industrie ne parlent pas de vocation. Les profils généralistes, comme les diplômés des écoles d’ingénieurs, entrent dans les départements de R&D pour entrer dans le secteur privé. Les docteurs, quant à eux, se tournent vers la recherche privée après les échecs aux concours d’entrée au CNRS.

Certains chercheurs ont une carrière qui se déroule exclusivement dans la recherche, mais la grande majorité d’entre eux n’y passe qu’un temps.

La taille de l’entreprise est un paramètre important dans la carrière des chercheurs à la fois dans leur insertion et leurs futures mobilités : plus elles sont grandes et plus les opportunités de mobilité sont importantes. Le secteur d’activité est un autre paramètre important dans la mesure où la structure sectorielle des entreprises influe sur la taille et sur le type de recherche effectué Les contraintes familiales sont également un aspect déterminant de la mobilité des chercheurs.

Nous avons identifié deux grands types de chercheurs, les experts et les managers. Ces deux « façons » d’être chercheur dans une entreprise privée définissent deux formes de carrières distinctes. L’une, celle de l’expert est peu valorisée. L’autre, celle du manager, comme pour les autres professions de cadres en entreprise, est une voie de promotion. Étant donné les structures pyramidales des départements de R&D, l’accès à ces fonctions est difficile. Ainsi, les carrières des chercheurs se caractérisent par un éloignement progressif des activités de recherche.

Enfin, nous montrons que les carrières des chercheurs suivent des logiques de réseaux fortes : le diplôme et la formation dans le recrutement des chercheurs est un atout et certains profils sont préférés à d’autres. Les recrutements dans les entreprises répondent à des logiques différentes dans les grandes et les petites entreprises.

Les docteurs ont des difficultés à être recrutés dans les grandes comme dans les petites entreprises. Toutefois, les chercheurs ayant fait leur thèse en entreprise (contrats CIFRE), bénéficient d’une première insertion professionnelle et ont moins de difficultés.

Les diplômés des écoles d’ingénieurs, bénéficiant des réseaux des responsables des départements de R&D qui ont souvent fait leurs études dans les mêmes écoles, sont majoritairement recrutés dans les grandes entreprises. 

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Que nous apprennent les bénéficiaires du RMI sur les gains de retour à l'emploi ?

#24 - juillet 2005 - Yannick L'Horty

Cette étude confronte une évaluation théorique et économique des gains du retour à l’emploi aux enseignements d’entretiens biographiques réalisés auprès de quarante-deux personnes bénéficiaires ou sortant du RMI. L’évaluation théorique considère l’ensemble des éléments monétaires et non monétaires qui composent les gains et les coûts de la reprise d’emploi, tout en prenant en compte l’horizon temporel de la décision des individus, leur préférence pour le présent et les possibilités de mobilité sur le marché du travail. De leur côté, les entretiens fournissent de multiples témoignages de la faiblesse des gains du retour à l’emploi, à eux seuls insuffisants pour rendre acceptable le « mauvais emploi » disponible au sortir du RMI. D’autres éléments, conformes au modèle théorique, sont évoqués : la stabilité de l’emploi et les perspectives de salaires ou de mobilité professionnelle ouvertes par l’emploi. Des arguments non conformes au modèle standard sont aussi évoqués : contraintes de liquidité liées à l’instabilité des revenus de transferts ; logiques familiales ou de réseaux ; contraintes de logements.

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L'impact des conditions de travail sur la santé: Une expérience méthodologique

#23 - juillet 2005 - Thomas Coutrot, Loup Wolff

Ce travail s’est donné pour objectif de comparer systématiquement les performances des modèles dits « naïfs », expliquant la prévalence des troubles de santé par les seules caractéristiques actuelles du travail des salariés, avec des modèles plus rigoureux au plan théorique, incluant un historique de certaines expositions professionnelles passées (modèles statiques rétrospectifs), ou étudiant l’incidence (au lieu de la prévalence) des troubles en fonction soit de l’exposition à la date initiale (modèles longitudinaux standards), soit de l’évolution de l’exposition (modèles dynamiques).

Le premier résultat concerne le faible impact de la prise en compte des facteurs de confusion comme la consommation d’alcool et de tabac, les modes de vie des personnes ou leur historique médical : les corrélations entre la santé et les conditions actuelles de travail mises en évidence par les modèles naïfs n’en sont pratiquement pas modifiées. Cela ne signifie bien sûr pas que ces facteurs sont sans effets sur la santé des personnes – bien au contraire, l’analyse montre les effets importants de certains de ces facteurs – mais que les effets des facteurs professionnels et des facteurs personnels jouent de façon largement indépendante. Autrement dit, l’absence de prise en compte des facteurs personnels ne biaise pratiquement pas l’évaluation des liens entre expositions et santé, du moins sur l’échantillon ici étudié.

Le deuxième résultat concerne l’effet de la prise en compte de l’historique des expositions aux risques professionnels. Là encore, la plupart du temps, elle n’invalide pas les enseignements des modèles naïfs sur les liens entre travail et santé ; néanmoins elle amène assez souvent (un cas sur trois) à relativiser des corrélations, dont la significativité statistique observée dans le modèle naïf n’est plus assurée dans le modèle rétrospectif.

Un troisième résultat concerne la comparaison entre modèles naïfs et modèles longitudinaux. Si - comme on pouvait s’y attendre - les modèles naïfs ne sont d’aucune utilité pour rendre compte des effets différés des expositions professionnelles sur la santé en ce qui concerne les pathologies lourdes (maladies du système respiratoire, nerveux, génito-urinaire, cancers…), en revanche leurs indications ne sont pas démenties – et sont mêmes le plus souvent confirmées - par l’analyse dynamique pour ce qui concerne les infra-pathologies, les troubles mentaux et musculosquelettiques. Autrement dit il n’apparaît pas abusif d’interpréter en termes de causalité des corrélations statiques observées entre certains risques professionnels (notamment les risques liés à l’organisation du travail) et certaines (infra)pathologies, tout en faisant preuve d’une nécessaire prudence due au fait que certaines de ces corrélations peuvent perdre leur significativité (surtout si celle-ci n’est pas très marquée) dans des modèles mieux spécifiés.

Le quatrième résultat concerne les mérites respectifs des modèles « standard » et « dynamiques » (rappelons que les premiers expliquent l’incidence d’un trouble de santé entre deux dates par l’exposition à la date initiale, alors que dans les seconds la variable explicative est l’évolution de l’exposition entre les deux dates). Pour ce qui concerne les (infra) pathologies liées au stress, les modèles standard semblent sous-performants, dans la mesure où ils sous estiment nettement l’impact des expositions sur les troubles de santé. L’explication tient probablement à la plus grande réversibilité des troubles en cas de disparition de l’exposition, phénomène que le modèle standard confond avec une corrélation négative entre l’exposition et le trouble.

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Concilier travail et famille en France : approches socio-juridiques

#22 - juin 2005 - Marie-Thérèse Letablier et Marie-Thérèse Lanquetin

Concilier une activité professionnelle avec une vie familiale est devenu un enjeu majeur pour les parents, comme pour les politiques, dans tous les pays occidentaux, en lien avec l’entrée massive des femmes sur le marché du travail et avec l’affaiblissement du modèle familial de monsieur Gagnepain. La progression des familles avec deux parents en activité professionnelle d’une part, et des familles monoparentales d’autre part, pose en termes nouveaux la question de l’articulation entre travail et vie familiale. Le droit s’adapte progressivement à ces changements sans toutefois remettre en question fondamentalement les principes sur lesquels il a été construit, au risque de tensions très fortes, d’incohérences, voire de conflits. L’objet de ce texte, issu d’un rapport de recherche commandé par l’Association des femmes de l’Europe méridionale (Afem) pour la Commission européenne, dans le cadre d’un programme Equal, est de dresser un état des lieux des aspects socio-juridiques de la « conciliation » en France, afin de les comparer aux autres pays de l’Europe méridionale.

Mais ce terme de « conciliation » est connoté très péjorativement en raison de son acception centrée exclusivement sur une conciliation « pour les femmes ». Il doit pourtant faire l’objet d’une analyse renouvelée compte tenu de l’évolution du droit international des droits de l’Homme proprement dit mais aussi du droit communautaire dans la mise en œuvre de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Le droit « au respect de la vie familiale » et plus largement les droits fondamentaux de la personne sont en la matière centraux sauf à se cantonner dans des affirmations purement incantatoires.

Peut-on dès lors énoncer des droits « à concilier » ? Comment leur donner un contenu ? Nous développons notre raisonnement à partir de ce que l’on pourrait appeler des « rights to care » dans leur double dimension d’octroi de droits individuels à recevoir des soins d’une part, et d’en donner d’autre part.

La première partie de ce travail est consacrée aux droits sociaux liés à la charge d’enfants, qu’il s’agisse de droits à prestations pour la garde des enfants ou de droits liés à la présence de charges familiales dans le système fiscal ou dans le système de retraites. Il s’agit d’un côté d’accroître la disponibilité des parents pour l’activité professionnelle en leur permettant de déléguer une partie des responsabilités parentales, et de l’autre de reconnaître le poids de ces responsabilités dans l’incomplétude des carrières professionnelles.

Mais pour l’heure, il ne s’agit pas comme dans les pays scandinaves de reconnaître aux enfants des droits individuels à un mode d’accueil. La deuxième partie est consacrée à la dimension temporelle de la conciliation : durée du travail, aménagement du temps de travail, horaires de travail, synchronisation des temps, partage des temps entre parents. Nous interrogeons la manière dont les exigences de la vie familiale sont prises en compte dans le droit du travail, d’abord du point de vue des droits à congés (maternité, paternité, parentaux, etc.), puis du point de vue du temps de travail et de ses modes de régulation (durée légale, temps partiel, horaires individualisés, compte épargne-temps, etc.). Il s’agit dans cette partie, d’interroger la notion de droit pour les salariés à une vie familiale normale qui pourrait permettre d’adapter le droit du travail aux transformations internes du salariat ainsi qu’aux nouvelles normes de vie familiale dues notamment au fait que les parents sont engagés tous deux dans l’activité professionnelle.

Toutefois, la confrontation des droits et des pratiques montre le poids des modèles familiaux traditionnels et la difficulté à progresser vers des formes plus égalitaires de conciliation.

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Les missions locales et l'innovation

#21 - mai 2005 - Cécile Baron, Marie-Christine Bureau, Bernard Gomel, Colette Leymarie, Patrick Nivolle, Nicolas Schmidt, André Wissler.
En collaboration avec Alain Girard, Eliane Le Dantec

L’étude a pour objet de participer à la réflexion sur l’activité des missions locales et leurs pratiques innovantes, en liant trois niveaux d’analyse : 
- une exploration bibliographique de travaux réalisés en sciences sociales sur la question de l’innovation ; 
- une analyse de « fiches-action », rédigées par des missions locales et PAIO dans le but de décrire les actions qui leur paraissent les plus significatives ; 
- des monographies approfondies, afin de mieux comprendre les conditions d’émergence et de déroulement de ces actions au sein des associations.

La définition de l’innovation contient deux notions qui sont à la fois l’idée de « nouveau » et l’idée de « changement », toute la difficulté étant d’évaluer à quel moment on passe de la continuité au changement et à quel titre on considère qu’une action est nouvelle. L’innovation est au coeur de l’activité des ML, n’est-elle pas définie en ce sens lorsqu’un des quatre principes inscrits dans la charte du 12 décembre 1990 précise que les ML et PAIO sont des « espaces d’initiatives et d’innovations » créés pour permettre l’émergence de pratiques nouvelles, l’expérimentation, la diffusion et la valorisation des innovations.

Évoluant depuis leur création dans un environnement incertain, tant du point de vue des attentes de leur public que des contraintes institutionnelles émanant des pouvoirs publics, les missions locales et PAIO constituent le plus souvent, non des organisations solidement constituées, mais plutôt des structures fragiles, obligées de s’adapter en permanence à un environnement mouvant pour survivre et poursuivre leur mission. Dans ce contexte, l’innovation, c’est d’abord l’adaptation permanente.

À partir de ce constat, nous avons été amenés à définir l’innovation comme le processus par lequel des acteurs acquièrent, au cours de leur expérience, de nouvelles prises pour l’action en réponse à des situations critiques. C'est-àdire qu’ils étendent l’ensemble des repères et des dispositifs sur lesquels ils peuvent s’appuyer pour intervenir dans les situations auxquelles ils sont confrontés. Par ce processus, ils réduisent l’écart entre ces repères et dispositifs d’une part, et, d’autre part, leur expérience sensible des situations. Ainsi, l’innovation prend sens - ou même ne prend sens que - en réponse à une situation critique : repérer une innovation, c’est donc d’abord identifier la situation critique à laquelle elle répond.

L’étude distingue quatre catégories de situations critiques auxquelles les équipes des missions locales et PAIO doivent faire face et analyse les réponses qui sont apportées :
- le danger d’enfermement des jeunes dans un marché de l’insertion suscite des innovations dans l’intervention sur les marchés locaux du travail, afin de stabiliser des parcours d’emploi ;
- au risque de la désaffection du public jeune vis-à-vis de l’institution répondent de nouvelles façons d’accueillir les jeunes ainsi que la conception de nouveaux services à leur proposer ;
- pour faire face aux difficultés de plus en plus fréquentes et graves au niveau de la santé, du logement et de la vie familiale, les équipes doivent recourir à de nouveaux recrutements et/ou partenariats ; 
- le déficit d’expression dans l’espace public des jeunes issus des milieux populaires appelle des efforts d’innovation dans le développement de l’action citoyenne.

L’étude a permis aussi de mettre en évidence un certain nombre de conditions favorisant l’émergence de l’innovation en mission locale :
- une politique de recrutement faisant place à une diversité de profils, permettant aux salariés de mobiliser leur expérience propre ainsi que leurs relations antérieures au profit de l’organisation ;
- une organisation interne offrant à chacun la possibilité d’une spécialisation informelle ainsi qu’un lieu de décision collégiale afin de concrétiser des projets élaborés par les uns ou les autres ;
- la mise en place d’une organisation des partenariats locaux pour limiter les effets de concurrence et les déperditions d’énergie ;
- une structure de financement qui permette d’échapper, en partie, à la tyrannie de l’évaluation quantitative ;
- une meilleure reconnaissance de la capacité d’expertise qu’ont les structures afin de faire remonter les besoins qu’elles détectent.

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Système d'emploi : emploi et trajectoire des salariés de quelques secteurs de l'économie sociale et solidaire. Premiers résultats, décembre 2004

#20 - mai 2005 - Bernard Gomel

Six mois après la mise à disposition à la DARES d’une extraction du panel DADS des salariés (le secteur Santé et action sociale, le secteur Activités récréatives, culturelles et sportives et le secteur culturel pour la période 1995 – 2001), le rapport de décembre 2004 présente les premiers résultats des exploitations. La situation en 2001 des trois secteurs d’activités sélectionnés est très différente quant aux conditions d’emploi, aux caractéristiques des salariés et au niveau des salaires horaires pratiqués. Au sein de chacun des trois secteurs, la sélection d’un sous-champ qui illustre particulièrement l’économie sociale et solidaire permet de mesurer des écarts avec d’autres activités. Dans le secteur culturel comme dans les activités récréatives, culturelles et sportives, les écarts de salaire horaire sont très importants, même en tenant compte des effets de l’âge, de la qualification et du genre. Les salaires (horaires) des salariés des activités associatives du spectacle vivant sont ainsi très nettement inférieurs à ceux pratiqués dans les sociétés anonymes de l’audiovisuel, pour rester dans les activités du spectacle. Ces écarts s’expliquent par le fait que les activités sont en réalités très différentes et que les salaires sont difficilement comparables. Ils résultent certainement aussi de l’importance de l’usage des emplois aidés qui permettent de beaucoup moins payer la qualification et l’expérience. Les évolutions de salaires entre 1995 et 2001 ont été dans ce premier temps étudiées sur une sélection de salariés présents dans les trois secteurs sélectionnés en 1998, année centrale de la période et présentées pour le début de la période (1995), le milieu (1998) et la fin (2001). La situation du salarié pendant la période est précisée selon quatre modalités : présent toute la période, dans une seule entreprise ou plusieurs ; non permanent, dans une seule entreprise ou plusieurs. Cette variable distingue les secteurs : près de la moitié des salariés sont présents les sept années dans les activités Santé et action sociale, 21 % dans le secteur culturel et 17 % des activités récréatives, culturelles et sportives. La permanence et la mobilité affectent fortement les évolutions observées dans le secteur culturel et les activités récréatives, culturelles et sportives. Que l’on soit permanent ou non pendant la période, le changement d’entreprise a plutôt un effet positif sur le salaire avec une prime pour ceux qui allient permanence et mobilité dans la période. En revanche, cette variable semble avoir très peu d’effet dans le secteur Santé et action sociale. Les résultats qui concernent les évolutions de salaire dans les activités représentant ici l’économie sociale et solidaire sont également interprétables. Les premiers résultats montrent l’intérêt de poursuivre le travail malgré les imprécisions de la source DADS et le manque de caractérisation des emplois.

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Départs en retraite et "travaux pénibles"

#19 - avril 2005 - Gérard Lasfargues, en collaboration avec Anne-Françoise Molinié et Serge Volkoff

L’état de santé des travailleurs en fin de vie active et au-delà dépend des conditions de travail et plus globalement de la pénibilité de leur travail passé. Certains « travaux pénibles » sont susceptibles d’entraîner des effets à long terme, irréversibles, sur la santé. Il en est ainsi des travaux en horaires alternants ou de nuit, des travaux à la chaîne ou sous cadence imposée, des travaux de manutention et plus globalement de la pénibilité physique du travail, ou encore des expositions professionnelles à des agents toxiques cancérogènes. Les conséquences sur la santé sont mesurables, suivant les situations, en termes d’augmentation de morbi-mortalité pour les principales causes de décès comme les maladies cardiovasculaires ou les cancers, de diminution de l’espérance de vie sans incapacité, de vieillissement prématuré ou d’altération de la qualité de vie au grand âge. Cette pénibilité objective devrait être considérée de façon prioritaire dans l’hypothèse de compensations à apporter à des sujets en fin de vie active et soumis durablement à ce type de « travaux pénibles » dans leur parcours professionnel. 

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