Documents de travail - 2005
PME et industrialisation : que sont devenues les PME du « miracle choletais » (1945-2004) ?
#53 - décembre 2005 - Bruno Courault
L’histoire du Choletais, outre qu’elle illustre un cas remarquable où des activités économiques se sont engendrées mutuellement, est exemplaire des mutations des systèmes de PME qui se sont formés en France. Chaque activité s’organise dès le départ en systèmes de PME donneuses d’ordres et sous-traitantes, ces systèmes forgeant leur matrice dans une répartition originale du pouvoir local entre l’économique et le politique. Ce modèle de « décentralisation productive locale » reproduit la logique économique des districts industriels dans lesquels la myriade de petites unités qui constitue le district industriel se trouve inextricablement liée par des « relations de concurrence et de solidarité ».
Or ce modèle théorique, s’il analyse correctement la constitution des systèmes et leur permanence, ne prend pas en compte leur décomposition qui survint vingt ans plus tard. Avec le recul que procure la vision historique de la longue période prévaut une autre thèse, selon laquelle ces deux systèmes ont constitué une forme de résistance à l’inéluctable modernisation par érosion des petites structures du système productif français. Selon cette thèse, le Choletais représenterait un contre-modèle de la modernisation économique du capitalisme français. Mais c’est aussi un modèle de développement économique historiquement daté, car ancré dans la tradition, ayant survécu selon des modalités largement à rebours des formes dominantes ailleurs. Comme tel, ce modèle est dépassé, même si historiquement parlant, son histoire est riche de sens et d’enseignements.
Pourquoi des facteurs qui ont préservé si longtemps un modèle de développement endogène, ont vu leur efficience s’estomper et disparaître ? Est-ce le fait du modèle endogène lui-même (ie. centré sur des ressources propres qui vont s’épuisant) qui aurait fait son temps ? Est-ce parce qu’il se trouve à son tour happé dans le modèle général devenu dominant (les spécificités locales qui étaient autant de facteurs de résistance s’estompant), auquel cas sa fin sonnerait le glas des économies locales ? Telles sont les innombrables questions que le Choletais pose aux analystes férus d’histoire économique, tant cette région présente à elle seule nombre de traits atypiques.
La révélation des préférences éthiques pour la redistribution : comparaison de la portée de différentes méthodes empiriques
#52 - décembre 2005 - Christine Le Clainche
L’exercice d’identification de la nature précise des préférences en matière de redistribution n’est pas facile. Ce dernier exercice est pourtant crucial ne serait-ce que pour évaluer la faisabilité d’une politique économique dont les objectifs visent la redistribution.
Dans cet article, nous nous intéressons à la question de la révélation des préférences éthiques concernant la redistribution, à partir de l’étude de travaux utilisant différentes méthodes.
Après avoir proposé une définition analytique des préférences éthiques dans le cadre usuel d’analyse des préférences sociales, nous examinons la portée et les limites des sondages d’opinions, des procédures expérimentales en laboratoire et des sondages expérimentaux.
Nous insistons en particulier sur les avantages de ces derniers qui pourraient être utilisés plus fréquemment en complément des sondages classiques.
La qualité de l’emploi en France : tendance et cycle
#51 - novembre 2005 - Florent Fremigacci, Yannick L’Horty
Une définition de la qualité de l’emploi a été proposée par la Commission européenne et adoptée par le Conseil européen de Laeken en décembre 2001. L’objet de cette étude est d’appliquer cette définition multidimensionnelle et relative sur des données françaises couvrant la période 1982-2002. Après avoir construit dix indicateurs représentatifs de chacune des dix dimensions de la qualité de l’emploi, nous les synthétisons à l’aide de plusieurs indicateurs composites estimés à l’aide de techniques statistiques inspirées de l’analyse conjoncturelle. On applique des décompositions cycle-tendance et l’analyse en facteurs communs, afin de déterminer les propriétés temporelles de ces indicateurs synthétiques.
Deux résultats paraissent robustes à une grande variété de techniques et de tests :
1) La qualité de l’emploi définie selon Laeken a une allure procyclique ; elle s’améliore systématiquement avec les embellies conjoncturelles.
2) Elle augmente de façon tendancielle.
Activités des sites "emploi" et transformation des offres sur internet
#50 - novembre 2005 - Emmanuelle Marchal, Kevin Mellet, Géraldine Rieucau
Selon l’analyse économique standard, l’installation du marché du travail sur internet devrait avoir des conséquences positives pour les deux versants du marché : baisse des coûts de recherche, allègement des procédures de recrutement, accès aux offres facilité et appariements de meilleure qualité. Cependant, cette approche tend à sous-estimer le rôle effectif des intermédiaires basés sur internet dans la mise en relation de l’offre et de la demande. Nous examinons de près l’activité des sites « emplois » et analysons plusieurs centaines d’annonces prélevées dans la presse et sur internet. Deux phénomènes sont mis en évidence. Premièrement, ces nouveaux intermédiaires opèrent un cadrage des mises en relation en filtrant fortement l’information. Leur intervention conduit à valoriser certains formats d’information. Deuxièmement, dans le contexte du marché du travail français, nous mettons en évidence la force des moyens donnés, par les sites, aux recruteurs pour capter les candidatures et présélectionner les candidats.
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Régionalisation économique et relations professionnelles
#49 - novembre 2005 - Isabel da Costa
L’intégration de l’Europe ou l’émergence de l’ALENA en tant que niveaux de régulation des relations professionnelles remet-elle en question les théories et modèles de relations industrielles qui ont, de la « Démocratie industrielle » des Webb à la « Transformation des relations industrielles » de Kochan, Katz and Mckersie, traditionnellement été élaborés dans des contextes nationaux ? Étant donné le caractère pluridisciplinaire de ce champ d’études, les concepts en relations professionnelles n’ont pas toujours été élaborés de manière incrémentale, une génération d’auteurs s’appuyant sur et développant des théories précédentes. L’élaboration théorique en relations professionnelles n’a d’ailleurs pas fait l’objet d’un effort collectif conscient et suivi. Bien souvent des développements théoriques se trouvent esquissés en filigrane au sein de travaux plus orientés vers l’analyse de problèmes pratiques. Un survol des théories en relations professionnelles et une clarification de certains de leurs concepts fondamentaux sont donc nécessaires, non seulement afin d’éviter les malentendus d’un vocabulaire pratique et commun aux relations professionnelles – qui néanmoins signifie parfois des choses différentes dans des pays différents – mais aussi si les recherches doivent s’élargir progressivement du niveau national au niveau transnational tout en étant capables de continuer à utiliser les mêmes concepts. La question de l’Europe ou de l’ALENA en tant que nouveaux niveaux de régulation des relations professionnelles, pourrait paraître simple a priori, mais pose au moins deux problèmes théoriques complexes : celui de l’agrégation et celui de l’articulation des niveaux de négociation. L’objet de ce texte est de revisiter quelques théories des relations professionnelles pour déterminer comment elles ont traité ces problèmes théoriques et comment elles peuvent être utilisées (ou pas) pour analyser la question de la régionalisation économique en tant que niveau de régulation des relations professionnelles.
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Pluralité des marchés du travail et qualités des intermédiaires
#48 - novembre 2005 - Marie-Christine Bureau, Emmanuelle Marchal
Les médiations sur le marché du travail sont assurées par une grande diversité de dispositifs et d’acteurs, privés ou publics, lucratifs ou non. En mettant à contribution des travaux sociologiques et économiques, ce texte examine la nature et la fonction dévolues aux intermédiaires du marché du travail selon la façon dont on envisage ce dernier : comme un marché unifié ; un marché-réseau, un marché fermé ou un marché-jugement. Il montre ensuite les incertitudes et tensions auxquelles ont à faire face les intermédiaires positionnés sur un marché du travail ouvert. La pression du chômage, en France, induit un décrochage des critères de sélection par rapport aux contextes professionnels et renforce les risques d’une présélection opérée à distance sur des critères de plus en plus généraux. Cette évolution entraîne l’exclusion de ceux qui ont connu des parcours professionnels singuliers, difficiles à faire valoir selon ces critères. Dans le monde de l’insertion, la tendance à la décontextualisation se traduit par le succès de la notion d’« employabilité ». Les auteurs insistent sur la nécessité de rééquilibrer la relation d’embauche en intervenant au plus près des situations de travail, et si possible au cœur des réseaux professionnels, pour éviter de figer prématurément les qualités des demandeurs d’emploi. C’est là un programme pour les intermédiaires engagés dans l’action publique.
Le prix du marché. Enquêtes de rémunération et mise en forme du marché du travail dans l’industrie financière
#47 - septembre 2005 - Olivier Godechot
Les cabinets de conseil en rémunération permettent aux entreprises clientes, en particulier dans l’industrie financière, de savoir si les salaires qu’ils versent à leurs employés sont différents de ceux versés par leurs concurrents. Cette opération de comparaison suppose un coûteux travail de mise en équivalence, un investissement de forme. En suivant ses étapes que sont la catégorisation et la ventilation, on voit que cette conformation loin de mimer l’idéal marchand, produit au contraire des déformations. Elle favorise ici le cloisonnement à l’extrême du marché du travail, déconnectant chaque micro-marché de son voisin et entretient sur chacun de ceux-ci des mouvements déstabilisants, voire inflationnistes.
Défauts de coopération et chômage : une théorie institutionnaliste
#46 - septembre 2005 - François Eymard-Duvernay
L’objectif de ce texte est de mettre en valeur un aspect des processus de chômage souvent négligé : le rôle de l’évaluation du travail, en lien avec l’évaluation des biens. L’attention est focalisée sur le chômage structurel, qui se manifeste par des inégalités durables dans l’accès à l’emploi et le chômage de longue durée. Nous recherchons ses causes dans les classements opérés sur les différentes qualités de travail, fondés sur les conventions de qualité. C’est un régime de croissance différent qui s’instaure depuis le milieu des années 1970, marqué par de nouvelles conventions de qualité des biens et du travail, des inégalités durables d’accès à l’emploi, le classement comme inemployables d’une partie des actifs, d’où un rétrécissement du marché du travail, qui entretient lui-même le niveau bas de la croissance. Les conventions constitutives qui fondaient le lien social sont ainsi durablement altérées, ce qui a des répercussions sur l’engagement des salariés dans leur travail. Les politiques préconisées portent sur la reconstruction de conventions légitimes, en particulier pour ce qui concerne l’évaluation du travail, dans les entreprises comme sur le marché.
Emploi des mères et politique familiale : doit-on s’inspirer du « modèle suédois » ?
#45 - septembre 2005 - Céline Marc, Hélène Zajdela
L’objectif de cet article est d’évaluer la pertinence des mesures visant à concilier vie familiale et vie professionnelle en France et en Suède, en examinant plus particulièrement leurs effets sur l’emploi des mères. Afin de comparer les effets de la politique familiale, nous examinons dans un premier temps, les structures institutionnelles des deux pays concernant les congés parentaux et la garde des jeunes enfants. Puis nous proposons à une analyse statistique comparative du recours au temps partiel et de son influence sur la ségrégation professionnelle.
En France, le recours au temps partiel des mères découle en partie de la structure du marché du travail. En Suède, le temps partiel est apparemment choisi mais la conciliation des vies familiale et professionnelle le rend inéluctable. Il crée des obstacles pernicieux à l’accès des mères à certaines professions qui sont considérablement plus concentrées dans des professions féminisées que les mères françaises.
Hold-up en finance. Les conditions de possibilité des bonus élevés dans l’industrie financière
#44 - septembre 2005 - Olivier Godechot
Les rémunérations dans l’industrie financière sont parfois très élevées et la compréhension de leur mode de formation est une clé féconde pour la compréhension du rapport salarial. Le fait que certains salariés acquièrent un pouvoir de hold-up constitue une meilleure piste d’explication que l’idée d’incitation optimale à l’effort. Un cas de hold-up exemplaire aide à comprendre le mécanisme. Deux chefs de salle d’une grande banque ont obtenu dix et sept millions d’euros de bonus au titre de l’année 2000 en agitant la menace crédible de faire partir l’ensemble des équipes qu’ils dirigeaient dans une banque rivale. Ce cas permet de styliser le mécanisme de hold-up : la maîtrise d’actifs transférables donne les moyens de menacer l’entreprise de dommages si celle-ci n’accepte pas une renégociation favorable au salarié. Ce mécanisme est d’autant plus fréquent que les protections sont relativement inefficaces. Il conduit à voir différemment le marché du travail de l’industrie financière : moins comme un marché de personnes et de compétences personnelles que comme un marché d’actifs d’entreprises collectivement produits et emportés par des personnes qui en organisent le transfert.
Les conditions du travail en équipe : post-enquête "Conditions et organisation du travail dans les établissements de santé" (3/5)
#43 - juillet 2005 - Mihaï Dinu Gheorghiu, Frédéric Moatty
Réalisée dans le cadre de l’enquête nationale sur les conditions et l’organisation du travail auprès des actifs des établissements de santé menée par la Drees en 2003, cette post-enquête menée à partir de 40 entretiens semi-directifs vise à valider et à approfondir les réponses obtenues par questionnaire aux questions relatives aux relations de coopération et d'entraide au travail dans les établissements de santé.
Ce document a aussi été publié à la DREES (Document de travail DREES/CEE, série études, n° 49, juin 2005)
Ancienneté des salariés et pérennité des entreprises : quelle relation ?
#42 - juillet 2005 - Richard Duhautois
Il existe de nombreuses raisons à la mobilité des salariés. Parmi ces raisons, l’une d’entre elles occupe une place particulière : les disparitions d’entreprises. Aux États-Unis, environ un quart des pertes d’emplois est lié à la fermeture d’établissements (Farber, 2003). Puisqu’il existe de nombreuses disparitions parmi les plus petites entreprises, cela explique pourquoi, à un instant donné, l’ancienneté moyenne des salariés dans les petites est plus faible que dans les grandes entreprises.
En utilisant, pour la France, un fichier apparié employeurs/salariés entre 1985 et 1999, on montre que, si on contrôle la pérennité des entreprises, toutes choses égales par ailleurs, les salariés des entreprises de moins de vingt personnes restent plus longtemps dans leur entreprise que les salariés des plus grandes entreprises. En cohérence avec ce résultat, en prenant en compte l’ancienneté au moment de la mobilité, on observe que les salariés des entreprises de moins de vingt personnes ont moins de chance de connaître une mobilité si on contrôle la démographie des entreprises.
Les PME de la filière textile habillement face à la mondialisation : entre restructurations et délocalisations
#41 - juin 2005 - Bruno Courault
La mondialisation de la filière « textile habillement » a fait disparaître les grandes structures productives dans les anciens pays industrialisés. Elle laisse subsister les PME redevenues des opérateurs incontournables au cœur d’un écheveau d’interactions relativement complexe, qui réactive le niveau local face aux niveaux national et mondial dans lesquels la filière se réorganise. Mais cette mondialisation a totalement modifié l’équilibre antérieur entre l’offre et la demande, laissant les acteurs nationaux désarmés face aux nouveaux producteurs fabricants distributeurs mondiaux. Le nouveau rôle dévolu aux PME permet de comprendre pourquoi les anciens acteurs locaux jouent les intermédiaires obligés entre des opérateurs trop éloignés de leurs marchés et des industriels qui en ignorent les spécificités, à condition pour eux d’œuvrer en réseau, selon les pratiques déjà en vigueur dans les anciennes régions de districts. Les exemples du Choletais et du Roannais illustrent les voies empruntées par les petits entrepreneurs locaux – même si, rapportées à leurs effectifs, les PME en question continuent de peser d’un faible poids statistique, la baisse des salariés de la filière étant une donnée structurelle.
L’accompagnement des chômeurs diminue-t-il la durée du chômage et la récurrence ?
#40 - mai 2005 - Marc Gurgand, Bruno Crepon, Muriel Dejemeppe
Cet article a pour objet d’évaluer les effets du suivi individualisé mis en place par l’ANPE pour environ 20 % des chômeurs à partir de juillet 2001 (plan d’aide au retour à l’emploi- Pare). À partir de méthodes statistiques exploitant les durées et d’une information très riche, nous pouvons identifier les effets de quatre prestations aussi bien en termes de sortie du chômage vers l’emploi et que de durée passée dans l’emploi après une période de chômage. Nous observons ainsi des effets positifs significatifs dans les deux cas, mais l’impact sur la récurrence est plus fort que sur la vitesse de sortie du chômage. Le programme fait en particulier passer l’incidence de la récurrence, au bout d’un an en emploi, de 33 à 26 %. Les effets sont également plus importants pour les personnes qui ne reçoivent pas d’allocation chômage. Nous insistons sur le fait qu’il est important d’analyser simultanément la durée de chômage et sa récurrence lorsque l’on évalue les politiques du marché du travail.
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Diversité des contrats de travail et usages du droit
#39 - avril 2005 - Christian Bessy
À partir de la construction d’une base de plus de trois cents contrats de travail, nous analysons les pratiques effectives des entreprises en matière de gestion de la relation de travail et de leurs usages du droit à l’occasion de la rédaction des contrats (dispositif d’information ou cadre contractuel négocié). Nous présentons une typologie de « contrats de travail » qui prend appui sur différents indicateurs permettant de caractériser les termes de relation de travail (flexibilité, subordination, responsabilisation des salariés, appropriation des actifs immatériels). Nos résultats montrent que le cadre contractuel orienté vers la négociation interindividuelle, et les garanties juridiques qu’il offre, reste relativement peu mobilisé et concerne certains types de relation de travail. En conclusion, nous en tirons des inférences en matière de réforme du droit français du contrat de travail.
Arrangement institutionnel et fonctionnement du marché du travail : les cabinets de chasseurs de têtes
#38 - mars 2005 - AJérôme Gautié, Olivier Godechot, Pierre Emmanuel Sorignet
Le recours aux entreprises d’intermédiation constitue-t-il un arrangement institutionnel qui éloigne le fonctionnement économique réel de l’idéal marchand ou qui l’en rapproche en réduisant les coûts de transaction ?
Nous étudions ici le déroulement et les effets de l’activité des consultants des cabinets de chasse de tête sur le marché du travail des cadres dirigeants. Loin d’être le vecteur passif de la rencontre de l’offre et de la demande, le consultant joue un rôle actif dans la construction de l’échange. Il contribue à la traduction marchande de la demande singulière des entreprises. Il suscite l’offre des candidats par la mobilisation de ses réseaux. Il met en œuvre des catégories idiosyncrasiques d’évaluation pour être au plus près des préférences des deux parties. Si un tel mode de fonctionnement diminue les coûts de recherche de l’information, il n’en produit pas moins des déformations par rapport à l’idéal marchand. Il introduit un biais notable en faveur des mobilités entre postes à fonction et secteur identiques et décourage les mécanismes de substitution. Son mode de tarification alimente alors des tensions inflationnistes sur des marchés de cadres dirigeants très segmentés.
Les 35 heures et la préférence pour le loisir
#37 - janvier 2005 - Hervé Defalvard
Notre exploitation de l’enquête de la Dares, RTT et Modes de vies, sur la base du logiciel Alceste d’analyse de données textuelles, fait ressortir cinq mondes lexicaux et sociaux qui traduisent les cinq manières dont la réduction du temps de travail (RTT) est vécue par les salariés à temps plein. Ces résultats montrent également que la représentation du temps libre par les salariés n’est pas exogène, comme le suppose la modélisation micro-économique, mais qu’elle se construit, au contraire, dans le cours de leurs actions, rendant introuvable une préférence pour le loisir en soi.
Genèse et transformations de la notion « durée de travail effectif »
#36 - janvier 2005 - Pierre Boisard
Depuis 1841, toutes les lois encadrant la durée du travail en France se réfèrent à la durée du travail effectif. C’est cette durée, ainsi qualifiée, qui est l’objet d’une limitation légale. Le texte montre que cette notion est une convention qui permet de faire l’accord sur ce qui est et n’est pas englobé dans la durée légale du travail. À partir d’une analyse des principaux textes encadrant la durée du travail en France, nous analysons comment cette notion déjà présente dans des rapports antérieurs à la loi de 1841 a été peu à peu précisée, sans pour autant enregistrer de changements profonds. Récemment, la loi des 35 heures a été l’occasion de proposer une nouvelle définition de la durée du travail effectif comme « temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur ». Toutefois, cette définition, congruente avec la nature de la relation salariale, ne bouleverse pas l’ancienne approche et laisse subsister une incertitude sur la nature de certains temps liés au temps de travail, tels que les pauses ou certains temps de transport. Cependant, cette marge d’incertitude, source potentielle de litiges entre employeurs et salariés, permet aussi de déboucher sur des compromis avantageux pour les deux parties. Elle offre la possibilité de limiter l’impact de la réduction de la durée légale du travail en excluant les pauses du temps de travail, tout en autorisant leur rémunération.