Documents de travail - 2011

Formes de rupture d'emploi et trajectoires de mobilités externes. Une analyse empirique à partir de données françaises du début des années 2000

#153 - novembre 2011 - Thomas Amossé, Corinne Perraudin, Héloïse Petit

Quelles sont les trajectoires professionnelles des salariés à la suite d’une démission, d’une fin de contrat ou d’un licenciement ? S’accompagnent-elles d’un retour durable en emploi, d’une alternance répétée de périodes d’emploi, de chômage et d’inactivité ou d’une exclusion de fait du marché du travail ? Dans cet article, nous mobilisons les données de l’enquête Formation et Qualification Professionnelle (FQP) de 2003, afin de répondre à ces questions.
Nous décrivons les trajectoires d’emploi et de salaire associées aux différentes formes de rupture de la relation d’emploi. Ces dernières sont caractérisées par leurs modalités juridiques et la partie à l’initiative de la rupture (selon le salarié). Différenciant contrats à durée indéterminée et contrats à durée limitée, nous montrons que les types de contrat combinés aux formes de rupture (choisies, acceptées ou subies) sont des instruments pertinents pour examiner la manière dont s’effectuent les ajustements sur le marché du travail français au tournant des années 2000.
Nos résultats sont multiples. Il n’est pas rare que les ruptures d’emploi correspondent à des ruptures de trajectoire, faisant par exemple passer d’un emploi stable à une répétition d’emplois courts ou à une situation d’exclusion durable sur le marché du travail. Aussi, aux côtés des notions classiques de « port d’entrée », de « tremplin » ou de « marchepied » – qui ont été développées en référence au rôle supposé des CDD dans l’accès à des emplois stables appartenant à un segment du marché du travail (dit « primaire ») où l’on peut faire carrière –, sans doute faut-il ajouter des « ports de sorties », qui font quitter le marché primaire, voire le marché du travail. Les formes prises par les ruptures d’emploi révèlent tout particulièrement ces situations. Elles suggèrent par ailleurs que les ajustements sur le marché du travail français s’effectuent davantage par l’emploi que par les salaires et, lorsque c’est le cas, que c’est avant tout en un sens défensif. Par exemple, on n’observe pas pour les salariés en contrat à durée indéterminée que les mobilités choisies s’accompagnent plus souvent d’augmentation salariale que lors de mobilités non choisies ; elles sont en revanche associées à moins d’exclusion de l’emploi et de diminutions de salaire.

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Le RSA, innovation ou réforme technocratique ? Premiers enseignements d'une monographie départementale

#152 - novembre 2011 - Bernard Gomel, Dominique Méda

L’étude constitue une contribution à l’analyse et à l’évaluation du revenu de solidarité active (RSA), institué par la loi du 1er décembre 2008 et mis en œuvre à partir de juin 2009. Les auteurs reviennent dans une première partie sur les intentions des promoteurs de cette réforme, à partir du texte de la commission Familles, vulnérabilités, pauvreté, réunie en 2005 par le président d’Emmaüs, Martin Hirsch. Ils rappellent le diagnostic proposé par celle-ci, l’échec du RMI, sa principale recommandation, mettre en place une prestation qui apparaît comme une innovation radicale, et ses ambitions, supprimer les effets de seuil et rendre le système plus lisible pour les bénéficiaires.
La seconde partie analyse la mise en œuvre de cette politique dans le département de Paris où se sont déroulées l’observation et la recherche entre mars 2010 et juin 2011. S’intéressant à la manière dont les gestionnaires du dispositif ont interprété le texte de loi pour construire le processus d’instruction des demandes de RSA et d’orientation des allocataires du RSA et dont les différents partenaires font fonctionner ce dispositif, les auteurs s’interrogent sur les choix initiaux qui ont présidé au « design » de la prestation, notamment sur l’orientation prioritaire des allocataires vers Pôle emploi et la séparation stricte entre parcours professionnel et parcours social. Cette étude constitue un des premiers éléments d’une investigation plus large, réalisée sur plusieurs départements, et ne prendra donc tout son sens qu’au terme d’un processus comparatif.

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Emplois informels hétérogènes et segmentation du marché du travail turc

#151 - octobre 2011 - Mélika Ben Salem, Isabelle Bensidoun

Le marché du travail turc se caractérise par un recours encore important à l’emploi informel (Ben Salem et al., 2011). La question des raisons d’être de ce type d’emploi est au cœur des préoccupations des travaux sur les marchés du travail des pays en développement. Alors que, jusqu’il y a peu, l’emploi informel était considéré comme un emploi en dernier ressort pour échapper au chômage, les travaux de W. Maloney (2004) sur l’Amérique latine ont mis en avant son caractère parfois volontaire. Afin d’identifier le paradigme qui prévaut sur le marché du travail turc, une modélisation qui tient compte du caractère éventuellement hétérogène des emplois informels est retenue dans cet article. Pour ce faire, un mélange de modèles de régression fini est mis en œuvre qui valide l’hypothèse de l’existence de plusieurs segments au sein de l’informel, sans toutefois identifier un segment attractif qui serait la résultante d’un choix des travailleurs. Ainsi, l’hypothèse de segmentation du marché du travail est ici vérifiée : au sein des différents segments, la plupart des emplois informels sont subis.

La santé des indépendants : un avantage relatif à interpréter

#150 - octobre 2011 - Élisabeth Algava, Catherine Cavalin, Sylvie Célérie

La catégorie des « non-salariés » ou des « indépendants » varie selon les limites professionnelles ou statutaires qu’on lui fixe et présente en son sein une forte hétérogénéité de niveaux de diplôme, de revenus, de professions. Après avoir opté pour une définition* sur laquelle appuyer ensuite leur repérage statistique, ce texte pose deux questions : est-il possible de dessiner les traits d’une spécificité de santé de ce groupe si divers et mouvant ? Comment comprendre les conséquences de l’éventuelle survenue d’un problème de santé sur la situation professionnelle des indépendants, en intégrant à l’analyse la spécificité de leurs conditions de travail ? Nous y répondons en mobilisant les réponses aux trois questions du mini-module européen de santé, telles qu’elles sont recueillies dans l’enquête Handicap Santé Ménages de 2008 (HSM, Insee-Drees-Irdes) et l’enquête Santé et itinéraire professionnel (SIP, Dares-Drees-CEE, 2006).
La première des deux questions reçoit une réponse paradoxale : bien que relativement âgés par rapport aux autres actifs occupés, les indépendants se distinguent par un état de santé situé entre celui des cadres (le meilleur) et celui des salariés non-cadres. L’observation est confirmée pour ce qui concerne la déclaration de limitations fonctionnelles, en raisonnant à sexe, âge, niveau de diplôme, niveau de vie et couverture complémentaire santé donnés. Le statut perd en revanche de sa pertinence pour expliquer ces limitations, lorsque l’on contrôle aussi les maladies chroniques et la santé perçue. Dans la même analyse, les spécificités de santé des cadres en tant que cadres (c’est-à-dire liées à leur statut d’emploi) persistent et sont beaucoup plus marquées que celles des non-salariés.
La bonne santé relative des indépendants invite à chercher l’éventuel effet d’une sélection par la (bonne) santé. Selon cette hypothèse et en cas de problème de santé, les indépendants se replieraient sur des emplois salariés, dont la couverture « maladie » est économiquement plus favorable, les mieux-portants constituant le tout de l’effectif non-salarié. Sans pouvoir apporter des réponses aussi fermes que si, par exemple, nous suivions une cohorte d’actifs en emploi, nous ne confirmons pas l’existence d’un effet de sélection massif. Lorsque survient une maladie, les non-salariés tendent à devenir plus souvent inactifs qu’à (re)devenir salariés et également plus souvent et plus rapidement inactifs que les salariés eux-mêmes en pareil cas. Se lisent dans ces résultats des effets composés de la structure d’âge de ces deux populations, ainsi que des contraintes et des marges de manœuvre associées aux conditions de travail des non-salariés, sur lesquelles à ce stade nous formulons des hypothèses, à tester et approfondir par des explorations ultérieures.
*Ici, les « indépendants » englobent : les personnes qui déclarent aider un membre de leur famille dans son travail sans être rémunérées (aides familiaux), celles qui se déclarent « chefs d’entreprise salarié-es, PDG ou gérant-e-s minoritaires, associé-e-s », ainsi que les « indépendant-e-s, à leur compte ».

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L'importance des "réseaux d'entreprises" dans la mobilité sectorielle des salariés

#149 - septembre 2011 - Oana Calavrezo, Richard Duhautois, Francis Kramarz

La mobilité professionnelle est la plupart du temps décrite avec les caractéristiques des salariés plutôt qu’avec les caractéristiques des entreprises. L’appariement de plusieurs bases de données administratives et d’enquêtes nous permet de construire un fichier qui prend en compte le rôle de l’hétérogénéité des entreprises dans la mobilité des salariés. Cet article s’intéresse notamment à la mobilité inter et intrasectorielle des salariés, et sa contribution porte sur trois points. Dans un premier temps, nous décrivons ces mobilités, car très peu de travaux décrivent les mobilités entre secteurs et au sein des secteurs d’activités. D’autre part, dans la plupart des études on n’observe que les flux entrants et sortants. Le fichier apparié que nous avons construit nous permet de suivre le salarié de son entreprise de départ vers son entreprise d’arrivée. Enfin, nous montrons que les salariés ont tendance à changer d’emploi entre entreprises qui ont certaines caractéristiques observables similaires (taille, localisation géographique, liens financiers et taux de croissance), lorsqu’ils restent dans le même secteur d’activité.

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Familles monoparentales allocataires du RMI ou de l'API et trappes à inactivité : les enseignements de l'enquête sur les expérimentations du rSa en France

#148 - septembre 2011 - Ai-Thu Dang, Danièle Trancart

Jusqu’à la généralisation du rSa (revenu de solidarité active), le 1er juin 2009 en France métropolitaine et le 1er janvier 2011 dans les départements d’outre-mer, à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre et Miquelon, les familles monoparentales pauvres bénéficiaient soit du RMI (revenu minimum d’insertion), soit de l’API (allocation pour parent isolé). En fusionnant le RMI et l’API, le rSa unifie la catégorie de parents isolés bénéficiaires de prestations d’assistance et abandonne la logique de politique spécifique pour les parents isolés démunis ayant la charge de jeunes enfants.

Pour évaluer la pertinence empirique de la thèse selon laquelle les familles monoparentales bénéficiaires de minima sociaux sont victimes des trappes à inactivité, nous avons exploité les données de l’enquête de la Drees auprès des allocataires du RMI ou de l’API dans le cadre des expérimentations du rSa. Nos résultats soulignent l’hétérogénéité de la population étudiée en termes de caractéristiques socio-démographiques, de parcours professionnels antérieurs et de trajectoires professionnelles durant la période d’observation (octobre 2007 à mai 2008). Nous montrons également que la probabilité d’accès à l’emploi est très dépendante des caractéristiques individuelles (âge, niveau de diplôme, état de santé, le fait d’avoir deux enfants ou plus et le fait d’avoir connu de longues périodes d’inactivité). Les problèmes de garde d’enfants, l’absence de qualification et une santé dégradée sont les principaux freins à l’accès à un emploi stable et de qualité.

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Les effets du bénévolat sur l'accès à l'emploi : une expérience contrôlée sur des jeunes qualifiés d'Ile-de-France

#147 - mai 2011 - Jonathan Bougard, Thomas Brodaty, Céline Émond, Yannick L’Horty, Loïc du Parquet, Pascale Petit

L’objet de cette étude est d’évaluer l’effet d’activités de bénévolat pendant les études universitaires sur l’accès à l’emploi en Île-de-France de jeunes qualifiés. L’étude est réalisée sur données expérimentales de testing. Elle rend compte de la valorisation, par les employeurs, de la mise en évidence dans une candidature d’activités de bénévolat exercées dans l’une des associations suivantes : les Scouts et Guides de France, une fédération sportive, la Croix-Rouge française, la Protection civile, l’Association de la fondation étudiante pour la ville (Afev), 30 Millions d’Amis, le Secours populaire et les Restos du Cœur. Quatre professions en tension, sans lien avec les activités de ces associations, ont été examinées. Elles se distinguent par leur niveau de qualification et le degré de contact avec la clientèle qu’elles impliquent : les informaticiens diplômés d’un DUT, les développeurs informatiques diplômés d’un master, les chargés de clientèle dans la banque-assurance diplômés d’un DUT et les gestionnaires de patrimoine diplômés d’un master. Le protocole de ce testing permet d’évaluer l’effet du bénévolat sur l’accès à l’emploi en isolant l’effet relevant du signal de l’accroissement des compétences de l’effet relevant du signal d’engagement bénévole passé. Pour chacune de ces professions, nous avons construit treize profils de candidats fictifs à l’emploi, similaires en tout point, à l’exception d’une activité extraprofessionnelle passée, bénévole ou rémunérée, dont on souhaite évaluer l’effet sur l’accès à l’emploi. Entre avril et juillet 2010, nous avons envoyé 7 553 candidatures en réponse à 581 offres d’emploi. Au sein de chaque profession, les treize candidats fictifs ont globalement les mêmes chances d’accéder à un entretien d’embauche. Lorsqu’une différence apparaît, elle est en défaveur de l’ancien bénévole. Ce résultat suggère qu’actuellement, dans les professions examinées, les employeurs ne valorisent pas l’engagement bénévole ni les compétences acquises par les jeunes qui ont exercé ces activités. Dans l’informatique, certaines activités de bénévolat introduisent une dissonance dans une candidature, de sorte que les chances du candidat d’accéder à un entretien d’embauche sont un peu plus faibles, toutes choses étant égales par ailleurs. Il est possible que l’employeur anticipe une plus faible disponibilité du fait d’une reprise possible de l’engagement bénévole. Par ailleurs, ce type de profil est peut-être considéré comme « hors norme » dans ce type de secteur, les recruteurs valorisant seulement les compétences techniques opérationnelles et pénalisant les caractéristiques mal à propos.

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L'impact de la crise sur les trajectoires professionnelles des jeunes

#146 - mai 2011 - Élisabeth Danzin, Véronique Simonnet, Danièle Trancart

L’objet de cet article est d’analyser les trajectoires professionnelles des jeunes âgés de 15 à 29 ans entre 2004 et 2009, et plus particulièrement à trois périodes de conjoncture économique plus ou moins favorable : 2004-2005 (avant l’embellie), 2006-2007 (au moment de l’embellie du marché du travail) et 2008-2009 (au début de la crise). Sur la base des données de l’enquête Emploi en continu et grâce à l’analyse longitudinale des séquences, nous mettons en évidence les premières conséquences de la dernière crise sur l’emploi des jeunes et sa qualité, selon le genre et le niveau de diplôme atteint.

Après un développement des transitions, notamment du chômage vers l’emploi, avec la reprise amorcée en 2006, nous assistons, à partir de fin 2008, à un ralentissement des transitions, à l’exception des transitions de l’emploi vers le chômage. Par ailleurs, les transitions de l’emploi vers le chômage entraînent des périodes de chômage plus longues et les transitions du chômage vers l’emploi, des périodes d’emploi plus courtes. Les jeunes femmes connaissent une moindre dégradation de l’emploi que les jeunes hommes sur la période. Elles ont davantage bénéficié de la reprise amorcée en 2006 que les hommes et semblent moins pâtir de la crise débutée en 2008, mais cette amélioration s’est faite au détriment de la qualité de leur emploi avec un fort développement du temps partiel.

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Pourquoi un retour à l'emploi plus rapide à proximité de la frontière ?

#145 - mai 2011 - Jonathan Bougard

Dans les régions frontalières, les durées de chômage des communes augmentent avec la distance à la frontière jusqu’à un seuil d’une trentaine de kilomètres, puis diminuent légèrement au-delà de ce seuil. Les écarts de durée de chômage entre les localités frontalières et celles situées à une trentaine de kilomètres de la frontière, toutes choses égales par ailleurs, sont de un à huit mois selon les définitions de la sortie du chômage. Pour expliquer cet effet « frontière », on effectue d’abord des régressions à l’aide d’un modèle spatial auto-régressif estimé par Maximum de Vraisemblance, puis on calcule des durées résiduelles de chômage à l’aide d’un modèle linéaire estimé par Moindres Carrés Ordinaires. L’avantage tiré d’une localisation près de la frontière s’explique essentiellement par des effets de composition sociale, principalement par la proportion d’actifs travaillant à l’étranger, qui permettent des réseaux relationnels et informationnels de meilleure qualité. Localement, ce schéma s’applique assez bien aux communes qui avoisinent la Belgique, le Luxembourg, la Suisse et l’Espagne, mais il semble moins adapté aux zones frontalières de l’Allemagne et de l’Italie.

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Le régime turc de protection sociale sous pression : résistance ou changement ?

#144 - avril 2011 - Carlos Soto Iguarán

Cet article s’interroge sur le devenir du régime de protection sociale en Turquie, soumis à de multiples pressions. Les assurances contributives par le biais de l’emploi jouent une place centrale comme mécanisme de protection des individus. Cependant, il existe une incompatibilité croissante entre le fonctionnement du marché du travail et l’organisation de la protection sociale. En ce sens, on s’interroge sur les changements qu’introduisent les dernières réformes en la matière. Permettent-elles une meilleure articulation entre emploi et protection sociale ? Différents scénarios sont analysés à propos des possibilités et des moyens d’adaptation du régime turc de protection sociale.

Document uniquement disponible en version anglaise

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Évaluer l'expérimentation sociale

#143 - avril 2011 - Bernard Gomel, Évelyne Serverin

L'expérimentation avec assignation aléatoire, issue de travaux qui se sont développés dans le cadre des actions conduites par la Banque mondiale, a fait son entrée il y a peu en France comme forme privilégiée d'évaluation ex ante des projets de loi concernant les politiques sociales. La nouveauté de cette forme d'évaluation est moins sa méthode, qui emprunte aux sciences expérimentales, que son inscription dans l'action politique, qui a été renforcée en France par la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 autorisant à la fois les lois et réglementations expérimentales, et la réalisation d'expérimentations par les collectivités territoriales. L'utilisation de cette méthode pour fonder certaines réformes sociales, comme le RSA, ou en proposer d'autres, comme les expérimentations sur la jeunesse, produit des effets qui sont loin d'être anodins, et qui méritent eux-mêmes d'être évalués : sur le plan des instruments, l'expérimentation opère un brouillage des frontières entre les méthodes de la science et les méthodes de la prise de décision politique ; sur le plan pratique, l'expérimentation tend à se substituer aux études d'impact prévues pour les projets de loi, empêchant de prendre la mesure des effets des dispositifs ; sur le plan plus général de la recherche, ce type d'expérimentation présente un risque d'éviction d’autres méthodes, par la supériorité que lui prêtent les organismes financeurs.

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Les nouveaux cadres d'une entreprise publique en mutation

#142 - avril 2011 - Alex Alber

Le document de travail porte sur un dispositif de recrutement et d’accompagnement de cadres « à haut potentiel » (nommé le « parcours Jeunes Cadres ») dans une entreprise publique connaissant des évolutions structurelles profondes. Il montre, dans une première partie, à quelles contraintes spécifiques des marchés internes répond ce type de système, avant d’aborder un certain nombre d’aspects factuels : à qui se destine-t-il aujourd’hui ? Quelles motivations ont les candidats pour l’intégrer ? La deuxième partie se penche plus directement sur le rapport que ces jeunes cadres entretiennent avec les évolutions en cours : comment se représentent-ils l’entreprise publique et son héritage très spécifique ? Quel regard ont-ils sur ses évolutions ? Comment conçoivent-ils le travail qui sera le leur ? Il apparaît alors que ces « Jeunes Cadres » incarnent un changement marqué des mentalités au sein de l’entreprise. Ne se reconnaissant pas dans l’héritage fonctionnel du service public, ils tendent en effet à adhérer aux transformations actuelles de l’entreprise et se projettent plus volontiers dans une carrière managériale que dans la figure du « cadre expert », qui a été historiquement dominante au sein de cette entreprise. Le texte montre finalement que ces orientations idéologiques et ce rapport au travail d’encadrement ne découlent pas uniquement de leur appartenance générationnelle : les conditions de leur intégration au sein de l’entreprise peuvent également jouer un rôle dans leurs perceptions d’eux-mêmes, de l’entreprise et du rôle qu’ils ont à y jouer.

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Discriminations à l'embauche des jeunes Franciliens et intersectionalité du sexe et de l'origine : les résultats d'un testing

#141 - février 2011 - Pascale Petit, Emmanuel Duguet, Yannick L’Horty, Loïc du Parquet, Florent Sari

Cette étude évalue la discrimination à l’embauche à l’encontre des jeunes en Île-de-France à travers deux dimensions : l’effet du sexe et l’effet de l’origine (française, maghrébine, africaine subsaharienne et asiatique). Elle est réalisée sur données expérimentales de testing selon un protocole permettant d’examiner les effets croisés de ces deux dimensions, que l’on dénomme « discrimination conditionnelle ». On s’intéresse aux discriminations pour une profession qualifiée et en tension, les informaticiens de niveau bac + 5, pour laquelle les discriminations devraient a priori être très réduites. Pour cette profession, nous avons construit huit profils fictifs de candidats à l’emploi, similaires en tout point, à l’exception de la caractéristique testée. Entre début février et début avril 2009, nous avons envoyé 2 424 candidatures en réponse à 303 offres d’emploi. L’étude consiste en une exploitation statistique et économétrique des résultats de ces envois.

Nous trouvons de fortes discriminations à l’embauche à la fois selon le sexe et selon l’origine. Quelle que soit leur origine, les femmes ont une probabilité plus faible d’accéder à un entretien d’embauche. Quel que soit leur sexe, les Français d’origine étrangère ont une probabilité plus faible d’accéder à un entretien d’embauche. Cela est vrai pour tous les profils, à une exception près : les femmes d’origine asiatique. Ces dernières ont une probabilité plus forte que les autres femmes d’être invitées à un entretien d’embauche et elles ont également une probabilité plus forte que les hommes d’origine asiatique d’accéder à l’emploi. Nous proposons une interprétation qui repose sur des stéréotypes professionnels.

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Être mobile pour trouver un emploi ? Les enseignements d'une expérimentation en région parisienne

#140 - février 2011 - Loïc du Parquet, Emmanuel Duguet, Yannick L’Horty, Pascale Petit, Florent Sari

Nous mesurons la discrimination à l’embauche selon l’aptitude à la mobilité, signalée dans le curriculum vitæ par la possession d’un permis-moto, sur la base d’un testing réalisé fin 2008 et début 2009 pour des profils de jeunes contrôleurs de gestion résidant à Paris (300 offres d’emploi testées). Nous trouvons que le fait d’afficher un permis-moto en sus du permis-auto n’exerce aucun effet significatif sur la probabilité d’accéder à un emploi pour un homme, relativement à un candidat qui ne précise aucun permis. En revanche, ce même signal exerce un effet négatif sur les chances d’accès à l’emploi d’une femme. Dans une profession de plus en plus féminisée (contrôleur de gestion), où les femmes ont effectivement un taux de succès plus élevé que celui des hommes dans l’accès à un entretien d’embauche, le simple affichage d’un permis-moto par une femme lui fait perdre son avantage relatif vis-à-vis d’un homme.

Tout se passe comme si le signal d’aptitude à la mobilité, indiqué dans l’affichage des permis A et B, était perçu par les employeurs comme un attribut du genre. Une femme signalant un permis-moto est considérée par l’employeur comme l’égal d’un homme, ce qui, en l’espèce, diminue ses chances d’être invitée à un entretien d’embauche.

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Qui sont les salariés payés au salaire minimum ? Une analyse empirique à partir de données turques

#139 - février 2011 - Oana Calavrezo, Selin Pelek

Au cours des dernières décennies, la littérature internationale a accordé un intérêt particulier à l’analyse du salaire minimum dans les pays émergents. Dans ce travail, nous nous intéressons au cas de la Turquie. Nous souhaitons contribuer à une littérature économique quasi inexistante concernant les caractéristiques socio-économiques des salariés payés au salaire minimum. Ainsi, l’objectif principal de ce texte est de dégager un profil pour les salariés rémunérés au salaire minimum.

Des techniques économétriques simples (modèle logit dichotomique, modèle logit multinomial ordonné généralisé) sont mises en œuvre dans un but purement descriptif. Nous mobilisons des données originales issues de l’enquête Budget de l’Institut des statistiques de Turquie couvrant la période 2003-2006. À partir de l’affiliation des individus à la Sécurité sociale, nous pouvons faire la distinction entre emploi formel et emploi informel. Ces deux « marchés » de l’emploi ont un fonctionnement assez différent. Par conséquent, nous travaillons sur deux populations : celle des salariés concernés par l’emploi formel et celle des salariés concernés par l’emploi informel.

Nous confirmons, pour le cas de la Turquie, que le fait de toucher le salaire minimum est associé plus fréquemment à des populations considérées généralement comme « fragiles » (femmes, jeunes, personnes résidant à la campagne, individus ayant peu d’ancienneté dans l’entreprise et personnes qui perçoivent des aides de la part de l’État). En outre, ces caractéristiques socio-économiques influencent de la même manière la propension à être payé autour du salaire minimum pour les populations de salariés en emploi formel et informel. En revanche, des caractéristiques, comme le niveau du diplôme, le secteur d’activité ou la taille de l’entreprise, ont des effets différents sur la probabilité de toucher une rémunération proche du salaire minimum pour les salariés formels et les salariés informels.

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Portrait de l'emploi informel en Turquie

#138 - avril 2011 - Mélika Ben Salem, Isabelle Bensidoun, Selin Pelek

Le marché du travail turc est caractérisé, comme celui de beaucoup d’économies en développement, par un recours très large aux emplois informels. Plusieurs actions ont été engagées récemment par les autorités turques pour en limiter l’ampleur. Celles-ci s’inscrivent dans la dynamique du processus d’adhésion à l’Union Européenne, dans lequel la Turquie est engagée depuis l’ouverture des négociations en octobre 2005. Le travail présenté ici dresse, à partir des enquêtes sur la population active réalisées par l’Institut de statistiques turc, un panorama de l’emploi informel en Turquie avant la mise en œuvre de ces actions. Il répond ainsi au besoin exprimé par le Conseil de l’Union européenne de disposer d’une analyse du travail non déclaré. À partir d’une analyse descriptive des principales caractéristiques, tant individuelles que professionnelles, des emplois informels et de l’estimation des facteurs qui influent sur la probabilité d'occuper un emploi informel, il permet de dégager un certain nombre d’enseignements sur la manière de cibler les politiques de lutte contre l’emploi informel en Turquie et sur les populations qui rencontrent le plus de difficultés à accéder ou à participer au marché du travail.

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Employer une femme de ménage à domicile. Pratiques et représentations sociales

#137 - janvier 2011 - François-Xavier Devetter, Marion Lefebvre, Isabelle Puech

La question de la professionnalisation est reconnue par de nombreux acteurs comme un enjeu central des services à la personne. Dans le champ des sciences sociales, elle a été largement posée du point de vue du care et des femmes qui occupent ces emplois. Plus rarement, le questionnement s’est porté sur les particuliers qui emploient ces femmes et qui sont souvent aussi… des femmes. Cette recherche vise d’abord, à travers la mobilisation d’enquêtes statistiques, à expliciter les spécificités des logiques de demande des services d’entretien du domicile, dans un contexte de soutien accru des pouvoirs publics au développement des services à la personne. Après une analyse de l’évolution des logiques de demande des services d’entretien du domicile, cette recherche tente d’identifier, à partir d’une série d’entretiens menés auprès d’employeurs à domicile, un certain nombre de freins à la professionnalisation des emplois de femme de ménage en s’attachant, d’une part, au déficit de reconnaissance qui pèse sur cette activité et, d’autre part, aux logiques de genre qui maintiennent les femmes dans leur rôle prétendument naturel de responsable de la vie domestique.

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