Connaissance de l'emploi 2007
Le CNE : retour sur une tentative de flexicurité
#49 - décembre 2007 - Bernard Gomel, Dominique Méda, Nicolas Schmidt, Raphaël Dalmasso
Le contrat « nouvelles embauches » (CNE), mis en place en 2005, engageait la politique de l'emploi française dans une voie radicalement nouvelle. La mesure visait à réduire les réticences des employeurs à recruter dans les petites entreprises et avait l'ambition d'introduire un nouvel équilibre entre flexibilité et sécurité.
Une enquête qualitative par entretiens auprès d'une cinquantaine de salariés (qu'il serait intéressant de compléter par une enquête du même type auprès des employeurs) a permis de recueillir leur point de vue sur les usages de ce contrat. Si certains enquêtés connaissent une relation de travail normale et une intégration réussie, d'autres pointent la fragilité de la relation de travail établie par le CNE, qui peut conduire à la démission ou au licenciement. Quel que soit le jugement qu'ils portent sur le CNE, les salariés interrogés font l'expérience que le CDI de droit commun reste la norme.
Les contreparties prévues en échange d'une plus grande flexibilité semblent, d'après les salariés licenciés, ne pas avoir été systématiquement mises en œuvre, enseignement dont il faudra tenir compte si l'on veut instaurer avec succès une flexicurité à la française.
L'emploi lors des fusions-acquisitions de la fin des années 1990
#48 - novembre 2007 - Matthieu Bunel, Richard Duhautois, Lucie Gonzalez
À la fin des années 1990, une importante vague de fusions-acquisitions (F&A) a eu lieu en France. Si l’on excepte les plus petites d’entre elles, un peu plus de 7 700 ont été dénombrées entre 1997 et 2001.
Elles ont concerné près de 16 000 entreprises et environ 475 000 salariés.
Dans un contexte de forte croissance de l’emploi, nos données témoignent d’une évolution contrastée des effectifs lors des restructurations qui dépend fortement du type de réorganisation opérée et de l’ampleur des transferts de main-d’œuvre entre entreprises impliquées.
Globalement, les effectifs ont augmenté de 10 000 salariés (soit 2 %) un an après les F&A, mais ils ont diminué légèrement au bout de trois ans. On a par ailleurs observé un recours accru au travail intérimaire et une plus grande prudence dans la conclusion de contrats de moyen terme, signes du climat d’incertitude qui s’installe alors dans les entreprises.
Pour autant le pic d’intérim a été ponctuel : les F&A n’ont pas durablement renforcé l’utilisation de main-d’œuvre flexible.
L'importance des candidatures spontanées en France
#47 - octobre 2007 - Christian Bessy, Emmanuelle Marchal, Géraldine Rieucau
Deux enquêtes récentes convergent pour mettre en évidence la place primordiale occupée en France par les candidatures spontanées parmi les modes de recrutement.
À l’analyse, il apparaît que ce canal est une source d’embauche privilégiée pour les jeunes, les personnes peu diplômées et celles embauchées en contrat à durée déterminée. En outre, ce mode de recrutement est particulièrement utilisé par les grands établissements.
La comparaison avec l’Espagne et le Royaume-Uni montre qu’il s’agit d’une spécificité française, le poids des candidatures spontanées étant beaucoup moins important ailleurs, au profit des relations en Espagne et des annonces d’offres d’emploi ou des agences de recrutement au Royaume-Uni.
La répartition des canaux de recrutement dans chaque pays donne un éclairage original sur le fonctionnement des différents marchés du travail.
La Turquie : un marché du travail en transition ?
#46 - septembre 2007 - Seyfettin Gürsel
Entre 1994 et 2001, la Turquie a connu trois crises financières qui ont causé récession et montée du chômage. Ainsi, après la crise de 2001, le taux de chômage est passé en un an de 6,5 % à 10,5 %. Et, en 2006, malgré la croissance économique des années précédentes, il est resté supérieur à 10 %, atteignant même 12,6 % hors agriculture.
Pour comprendre la situation turque, il faut avoir en tête certaines caractéristiques de son marché du travail. Depuis 1990, la population active industrielle et tertiaire ne cesse d'augmenter, résultat de l’accroissement démographique, de la présence de plus en plus nombreuse des femmes et des transferts massifs de main-d’œuvre agricole.
Dans ce contexte, il faudrait une croissance riche en emplois non agricoles pour parvenir à une baisse du chômage.
Or, la dynamique économique des dernières années n’a pas suffi à créer ces emplois, en raison notamment d’une fiscalité du travail élevée et d’une demande intérieure qui s'essouffle.
La lutte contre le chômage passe par des réformes structurelles qui exigeront de l’habileté de la part des dirigeants.
Entre emploi et bénévolat : le volontariat associatif
#45 - août 2007 - Maud Simonet
La loi du 23 mai 2006 institue le « volontariat associatif ». Voué à devenir le « troisième pilier des ressources humaines associatives », ce nouveau statut qui prend la forme d’un contrat écrit de droit civil ne relève juridiquement ni du bénévolat ni du salariat. Les usages sociaux et politiques du volontariat soulèvent toutefois de nombreuses questions au regard de l’emploi et de ses politiques.
L’élaboration de ce statut hybride – présentée comme une politique en faveur du développement de la vie associative – a eu lieu dans un contexte de fin du service national, de chômage élevé des jeunes et de « crise des banlieues ».
Son institutionnalisation témoigne-t-elle, à l’instar des États-Unis dont il est en partie issu, d’une logique de substitution de dispositifs publics d’emplois aidés par des programmes associatifs de « service civique » pour les jeunes .
Et sa mise en œuvre pratique ne s’accompagne-t-elle pas d’un développement de conditions de travail qui se situent bien en deçà du statut protecteur de l’emploi salarié.
Profiler les chômeurs ?
#44 - juillet 2007 - Nathalie Georges
Faut-il pérenniser le « profilage statistique » actuellement expérimenté en France par les Assedic ? Cet outil, qui sert à classer les chômeurs en fonction de leur employabilité et à leur proposer des parcours appropriés de recherche d’emploi, doit-il remplacer ou simplement compléter l’expertise des conseillers de l’ANPE ? Comment d’autres pays utilisateurs du profilage ont-ils répondu à ces questions .
Au-delà des objectifs d’efficacité, d’équité ou d’objectivité affichés, le profilage statistique vise aussi un meilleur contrôle des dépenses d’indemnisation des chômeurs. Et sa mise en œuvre présente certains inconvénients. Le nombre et le choix des variables utilisées dans le modèle interrogent sa capacité à évaluer correctement l’employabilité, notamment parce qu’il prend peu en compte l’état des marchés du travail. Fondé sur des probabilités, le calcul du risque de chômage de longue durée est par essence faillible et les erreurs d’orientation déjà constatées peuvent être dommageables aux chômeurs si elles ne sont pas contrôlées par des conseillers pour l’emploi.
Des hausses du Smic en trompe-l'œil entre 1999 et 2006
#43 - juin 2007 - Yannick L'Horty
Le Smic horaire brut a augmenté de 33,4 % depuis le début des années 2000. C’est l’une des progressions les plus fortes depuis l’instauration du salaire minimum de croissance en France. Par-delà le mécanisme habituel de revalorisation du Smic, cet emballement résulte essentiellement de l’application des lois « Aubry » qui posaient le principe d’une compensation salariale intégrale pour les salariés, payés à ce niveau, passant à 35 heures.
Mais qu’en est-il des effets généralement attendus de toute augmentation du Smic sur le coût du travail et les rémunérations ? Étant donné la réduction des cotisations sociales des employeurs promulguée par le dispositif « Aubry » et la réforme « Fillon », l’incidence sur le coût du travail a été infime. Quant aux répercussions sur le pouvoir d’achat des salariés, elles ont été amoindries par la réduction du temps de travail.
Pour autant, cette hausse en trompe-l’œil n’a pas été neutre sur la distribution des salaires : elle a notamment contribué à porter à un niveau record la proportion de salariés rémunérés au Smic.
Les surintendantes d'usine : pionnières de la gestion du risque professionnel ?
#42 - mai 2007 - Catherine Omnès
Qui connaît aujourd’hui les surintendantes d’usine, ces femmes recrutées à partir de la Première Guerre mondiale avec un diplôme d’infirmière et formées pour encadrer d’autres femmes au travail ? Dotées de compétences médicales, sociologiques, juridiques et organisationnelles, elles avaient pour mission d’implanter dans les usines des services sociaux et de promouvoir une organisation du travail qui plaçait les salarié(e)s au centre du système productif.
Par leur action originale sur les conditions de travail dans les ateliers, les surintendantes d’usine représentent pour certains les pionnières de la gestion du risque professionnel. Mais l’histoire n’aura retenu de leurs multiples fonctions que l’accompagnement social auprès des ouvrières et ouvriers.
Et, après la Seconde Guerre mondiale, l’institutionnalisation de la médecine du travail et des comités d’hygiène et de sécurité les ayant dépossédées d’une partie de leur rôle, elles ont sans doute perdu l’occasion d’investir la fonction « gestion du personnel » alors en cours de structuration.
Assurer l'égalité des chances pour les jeunes adultes
#41 - avril 2007 - Christine Le Clainche
Comment donner les mêmes chances à tous les jeunes adultes face à l’avenir, quelles que soient les conditions sociales héritées de leurs parents ? Tels sont les termes du débat alimenté en France depuis quelques années par les théoriciens de l’égalitarisme qui, confrontés aux difficultés matérielles croissantes de bon nombre de jeunes gens – actifs ou étudiants –, envisagent de réorienter les politiques familiales en vue d’une meilleure redistribution de la solidarité. On étudie ici l’attribution d’un capital universel de l’ordre de 15 000 euros aux jeunes de 18 ans, mesure qui constitue une opportunité de nouveau départ pour tous : elle peut être utilisée pour financer un projet d’études, créer une entreprise, etc.
En ce sens, une telle proposition doit s’accompagner d’autres dispositifs visant à responsabiliser les bénéficiaires vis-à-vis de l’aide reçue de la collectivité.
Outil, parmi d’autres, à mettre en œuvre pour lutter contre la transmission des inégalités et faciliter l’autonomie des jeunes, il ne doit cependant pas servir au démantèlement de la protection sociale.
Les intermittents du spectacle : une réforme inéluctable ?
#40 - mars 2007 - Serge Proust, Roberta Shapiro
Le régime d’assurance-chômage des artistes et techniciens intermittents du spectacle est victime de son succès : il est facteur d’hyperflexibilité pour les employeurs qui en abusent parfois mais également d’identification pour les salariés. Son développement a accompagné le renouvellement des genres artistiques et la multiplication des entreprises de spectacle, dans un contexte de décentralisation de la politique culturelle. L’abondance de la demande de travail a contribué à l’accroissement du nombre d’allocataires du régime, provoquant un déficit important et une dégradation des conditions de travail et de vie des intermittents. Les solutions proposées visent à restreindre l’accès aux marchés professionnels et à améliorer la situation des indemnisés. Elles ne font pas l’unanimité : artistes et techniciens mobilisés y voient la mise en place d’un marché à deux vitesses. Pour autant, la régulation réclamée pour que se maintienne le régime de l’intermittence semble résolument engagée : elle résultera de la combinaison de plusieurs dispositifs.
Cinq millions de travailleurs non qualifiés : une nouvelle classe sociale ?
#39 - février 2007 - Thomas Amossé, Olivier Chardon
Loin de disparaître avec la désindustrialisation, l’emploi non qualifié s’est à nouveau développé à partir du milieu des années 1990.
Il représente actuellement un emploi sur cinq.
Les ouvriers et employés non qualifiés ont des salaires, des conditions d’emploi et de travail proches. Pour autant, ils ne semblent pas définir une classe sociale.
Situés autrefois essentiellement au sein du monde ouvrier, ils bénéficiaient de la force symbolique du groupe. Fragilisés dans leurs modalités d’intégration professionnelle, déstabilisés dans leur imaginaire social, ils se caractérisent aujourd’hui par un faible sentiment d’appartenir à une classe. Par rapport aux autres groupes sociaux, ils sont en retrait dans leur vie sociale (faibles adhésions syndicale et politique, loisirs limités, sociabilité réduite).
Entre rejet de la société et repli sur soi, l’identité des travailleurs non qualifiés apparaît fragmentée entre des jeunes qui, pour la majorité d’entre eux, sont susceptibles d’occuper ces emplois de façon transitoire et des plus âgés qui ont peu d’espoir de voir leur situation évoluer.
L'emploi en Roumanie
#38 - janvier 2007 - Cristina Boboc, Oana Calavrezo
Le 1er janvier 2007, la Roumanie – comme la Bulgarie (cf. Connaissance de l’emploi n° 37, décembre 2006) – a intégré l’Union européenne (UE).
La Roumanie compte 21,6 millions d’habitants, dont 8,2 millions en emploi.
Après une transition économique difficile engendrée par la chute du communisme en 1989, l’inflation passe sous la barre des 10 % en 2005 et les investissements étrangers augmentent fortement. Mais, malgré une reprise économique en 2000, la population en emploi continue à diminuer. Le développement du tertiaire et de la construction ne réussit effectivement pas encore à compenser les pertes d’emploi dues aux restructurations du secteur industriel. En outre, le travail illégal – principalement concentré dans le secteur agricole sous la forme d’une agriculture de semi subsistance – et l’immigration temporaire sont encore très importants dans le pays.