Connaissance de l'emploi 2015
Les effets paradoxaux de la surveillance électronique dans un centre d’appels sous-traitant
#126 - décembre 2015 - Isabelle Gillet, Nathalie Greenan, Rémi Le Gall
Le développement de systèmes de surveillance électronique sur les plateformes d’appels téléphoniques permet l’enregistrement et la mesure de la performance des salariés de manière continue.
L’expérimentation dont rend compte ce Connaissance de l’emploi vise à mieux comprendre le fonctionnement des systèmes de surveillance électronique dans un contexte de travail réel. Elle teste les effets d’une diminution de l’intensité de la surveillance électronique sur la qualité de vie au travail et la performance des conseillers téléphoniques.
Les résultats de l’expérimentation apparaissent paradoxaux : un maintien, voire une amélioration, des indicateurs de performance mais une détérioration de la qualité de vie au travail, une surveillance ressentie comme plus excessive et plus permanente, alors même que l’expérimentation visait à réduire son intensité.
Ces résultats conduisent à s’interroger sur l’impact de la surveillance sur les relations entre acteurs, notamment la confiance, sur les pratiques professionnelles des conseillers et des superviseurs et sur les enjeux éthiques associés.
La mobilité géographique : ressource ou fragilité pour l’emploi ?
#125 - novembre 2015 - Thomas Sigaud
Les chiffres incitent à la prudence quant aux effets de la mobilité géographique sur le chômage et l’emploi. Sur quatre décennies étudiées (1970-2012), les chances de retour à l’emploi des chômeurs ayant changé de département sont de plus en plus proches de celles des actifs qui n’ont pas bougé. En outre, le chiffre global masque des disparités importantes. En 2012, pour les cadres, la mobilité géographique accroît la probabilité de retrouver un emploi. À l’inverse, les chômeurs les moins qualifiés qui sont mobiles ont deux fois moins de chances de retrouver un emploi que ceux qui n’ont pas bougé.
Les actifs occupés qui changent de département de résidence ont, eux, un risque comparatif de plus en plus élevé de perdre leur emploi que les autres, avec une incidence aujourd’hui comparable quelle que soit leur qualification.
Cette étude empirique invite ainsi à dépasser une approche mécanique des effets de la mobilité géographique sur l’emploi. Prendre en compte les logiques professionnelles et personnelles à l’œuvre lors d’un changement de lieu de résidence est nécessaire pour comprendre la façon dont la mobilité peut être une ressource pour les uns, une contrainte pour les autres.
Les changements de conditions de travail au fil des vies professionnelles : plus fréquents, moins favorables
#124 - septembre 2015 - Loup Wolff, Céline Mardon, Anne-Françoise Molinié, Serge Volkoff, Corinne Gaudart
Analyser comment les changements de conditions de travail s’inscrivent dans les itinéraires professionnels, tel est l’objet de cette exploitation de l’enquête Santé et itinéraires professionnels (SIP). L’observation issue de l’enquête permet de construire une typologie en six classes, décrivant les configurations principales de changement des conditions de travail.
L’analyse sur quatre décennies fait apparaître une accélération continue des changements, en particulier ceux de type « intensification », qui vont de pair avec un accroissement de la pression ressentie dans le travail et des tensions avec le public. Les changements qualifiés de « retrait », qui donnent accès à une vie professionnelle moins bousculée mais parfois moins valorisante, sont également plus fréquents. En revanche, les changements de type « intégration », caractérisés par une meilleure insertion dans le milieu professionnel, une reconnaissance accrue ou une adéquation plus grande entre les compétences et le travail demandé, se raréfient.
L'aide à domicile : un métier à l'épreuve des contraintes financières
#123 - août 2015 - Alexandra Garabige
L’aide à domicile traverse une crise financière unanimement constatée, en dépit de la volonté affichée par les pouvoirs publics de développer le secteur pour gérer la prise en charge de la dépendance. Les contraintes financières croissantes du secteur percutent les objectifs de professionnalisation des salariés et de qualité du service rendu.
Ce 4-pages s’appuie sur une enquête de terrain menée auprès d’associations prestataires et d’intervenants de l’aide à domicile. Il examine les conséquences de la contraction des dépenses publiques sur les conditions de travail et d’emploi, telles qu’elles sont observées et perçues par les intervenants enquêtés. C’est une évolution en profondeur du secteur qu’ils décrivent, mettant en cause les fondements de leur métier. Pour survivre, dans un contexte de contraintes financières, les associations sont obligées de diversifier leurs fonds et leurs activités, de maîtriser leurs coûts salariaux au détriment des salariés et de réduire les temps d’intervention chez les usagers.
Le marché du travail des footballeurs professionnels : un miroir aux alouettes ?
#122 - juin 2015 - Richard Duhautois
Le projecteur médiatique, braqué sur les « stars » du football professionnel, entretient de fausses idées. Il alimente des rêves de carrière très lucrative parmi les jeunes amateurs et suscite de nombreux débats sur les salaires faramineux de certains joueurs. Certes, la rémunération des footballeurs a fortement augmenté au fur et à mesure que les moyens financiers des clubs s’accroissaient, mais cette manne ne bénéficie qu’à quelques-uns et s’avère très éphémère.
L’analyse dont rend compte ce Connaissance de l’emploi fait partie des rares études françaises sur le sport. Elle permet de lever le voile masquant la réalité footballistique. Ses résultats sont éclairants : une carrière marquée par l’incertitude dont la durée est comprise entre quatre et six ans, des rémunérations variables et caractérisées par des inégalités croissantes : en 2013, 47 000 euros bruts par mois en Ligue 1, contre 10 500 en Ligue 2. Le marché des footballeurs, déjà étroit, s’est transformé, au profit d’une minorité de joueurs professionnels.
Quel bilan de l'usage de la rupture conventionnelle depuis sa création ?
#121 - mai 2015 - Camille Signoretto
Nouveau mode de rupture du contrat de travail à durée indéterminée, la rupture conventionnelle a été introduite en août 2008 et apparaît comme un succès, notamment dans les petites entreprises.
Les études se référant aux objectifs qui lui étaient assignés montrent que la rupture conventionnelle a permis de minimiser les contentieux judiciaires et de fluidifier le marché du travail. En revanche, aucune étude ne met à jour un effet sur les embauches. L’application des procédures par les employeurs confirme la flexibilité introduite : des refus d’homologation faibles, moins de 10 % d’entretiens assistés par un tiers, une négociation des indemnités de rupture limitée aux salariés les mieux rémunérés. La « liberté du consentement des parties » prévue par la loi ne peut toutefois se réduire à des procédures. Les études qualitatives évoquent tout à la fois une initiative majoritaire du salarié et une insatisfaction face aux conditions de travail et d’emploi.
Le bilan esquissé ici révèle un usage du dispositif pour motif économique avec un risque pour le salarié de ne pas bénéficier des dispositions d’indemnisation et de reclassement prévues dans le cadre du licenciement économique. Le succès de la rupture conventionnelle pourrait conduire à une participation accrue de l’assurance-chômage à la sécurisation des parcours professionnels.
Les injustices et discriminations au travail vécues par les jeunes issus de l'immigration
#120 - avril 2015 - Yaël Brinbaum, Jean-Luc Primon
Injustices et discriminations au travail dessinent des ressentis très différents selon l’origine et le genre. Parmi les jeunes hommes, ceux qui se sentent les plus injustement traités sont les descendants d’immigrés d’Afrique sub-saharienne. En revanche, ce sont les femmes françaises d’origine qui perçoivent le plus les injustices.
Au sein des jeunes issus de l’immigration, les écarts constatés dans la sensibilité aux discriminations dépendent du pays de naissance des parents et du genre. Chez les femmes, cette expérience renvoie plutôt à des motifs tels que l’âge, le genre et parfois les situations familiales. Chez les hommes, les injustices prennent principalement la forme de discriminations ethno-raciales. Dans les deux cas, l’ampleur de la discrimination est affectée par les formes d’emploi et les conditions de travail.
La mesure des expériences discriminatoires éclaire ainsi les orientations à développer dans les dispositifs d’égalité professionnelle. Ne pourrait-elle aussi nourrir une réflexion sur la confrontation entre des politiques publiques fondées sur des critères « objectifs » et le vécu des salariés ?
L'apprentissage dans l'enseignement supérieur ou l'art d'une relation à trois
#119 - mars 2015 - Stéphanie Mignot-Gérard, Constance Perrin-Joly, François Sarfati, Nadège Vezinat
L’étude dont rend compte ce Connaissance de l’emploi éclaire les débats récents sur le développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur. Alors qu’une note du Conseil d’analyse économique [CAE] (Cahuc, Ferracci, 2014) propose de recentrer les moyens publics consacrés à l’apprentissage sur les jeunes peu qualifiés, les représentants des centres de formation d’apprentis (CFA) du supérieur dénoncent une vision archaïque de l’apprentissage centré sur les publics en difficulté.
Cette étude illustre, dans un cas particulier, le rôle majeur de l’organisme de formation dans la mise en relation entre entreprise et étudiant. Pour autant, les résultats sont nuancés : si l’insertion professionnelle est souvent au bout de la formation, elle dépend en partie des critères de sélection utilisés par l’organisme d’enseignement. Et les perspectives d’emploi et d’évolution professionnelle ne sont pas toujours au rendez-vous…
Les maisons de l'emploi ou l'introuvable politique territoriale de l'emploi
#118 - février 2015 - Solen Berhuet, Carole Tuchszirer
Créées en 2005, les maisons de l’emploi sont confrontées à une crise de légitimité dans un contexte de baisse marquée de leur subvention. Elles sont soumises depuis dix ans à une hésitation récurrente entre un modèle dépendant des territoires, avec toute la souplesse que cela implique, et une volonté de l’État d’utiliser ces structures dans un objectif national.
Cette ambigüité se retrouve dans trois rapports récents, publiés en 2013 et 2014, dont les conclusions sont contradictoires. Ces atermoiements, le rétrécissement progressif de leurs missions et le retrait budgétaire de l’État ont contribué à la déstabilisation des maisons de l’emploi. Faut-il y voir un prélude à leur disparition ? Ou bien, la loi NOTRe relative à l’acte 3 de la décentralisation ‒ en cours de discussion ‒ sera-t-elle l’occasion, pour les maisons de l’emploi, de retrouver une légitimité ?
Un nouveau rôle pour Pôle emploi ? Évolution de ses stratégies au prisme des indicateurs de performance
#117 - février 2015 - Jean-Marie Pillon
Depuis 2012, les activités de Pôle emploi sont suivies par quinze indicateurs stratégiques, dont dix sont nouveaux par rapport à la convention d'objectifs et de moyens signée en 2009. Ces nouveaux indicateurs témoignent d’une réorientation de ses missions dans le cadre des politiques de lutte contre le chômage. Une telle réorientation implique la disparition des indicateurs de moyens et l’apparition d’une mesure des reprises d’emploi. Elle aboutit à une reconfiguration des relations de l’opérateur public avec les autres intermédiaires du placement : ils ne se considèrent plus comme des concurrents dans la conquête des parts de marché mais comme des employeurs « communs » entre lesquels doivent circuler les offres d’emploi disponibles sur le marché, afin d’en faciliter l’accès aux chômeurs.
L’évaluation de l’efficacité de l’opérateur public est une ambition ancienne. L’évolution de la mesure de ses résultats est retracée ici à travers les variantes de l’indicateur de placement, élaboré dès sa création et dont la prégnance a été inégale au fil du temps et des conjonctures sur les activités de l’Agence et le travail des agents.