Connaissance de l'emploi 2011
Les PLIE : contraintes de résultats et risques d'éviction
#87 - décembre 2011 - Gwenaëlle Perrier
Les plans locaux d’insertion pour l’emploi (PLIE) sont des dispositifs d’« accompagnement renforcé », qui s’adressent aux chômeurs confrontés à une exclusion durable du marché du travail. Si la circulaire les instituant ne définit pas explicitement leurs ayants droit, les financeurs des PLIE fixent des objectifs précis en termes de nombre de « sorties positives » (emploi, formation, création d’entreprise). Ces objectifs sont d’ailleurs déclinés au niveau de chaque référent par les responsables des dispositifs.
Une enquête de terrain montre que, dès lors, les acteurs des PLIE se trouvent confrontés à un dilemme. Ils doivent en effet gérer une tension entre d’une part, la vocation première du dispositif : aider et accompagner les personnes les plus en difficulté et les plus éloignées de l’emploi, et d’autre part, la contrainte de résultats, qui les incite à ne prendre en charge que les publics ayant des chances de réinsertion estimées suffisantes. Face à cette double injonction, leur marge de manœuvre est encore réduite du fait de statuts précaires.
Le "travailleur individuel", une figure dominante parmi les créateurs d'entreprise
#86 - novembre 2011 - Bernard Gomel
L'étude a été menée avec Lionel Désiage, jeune collègue décédé le 31 mai 2011.
Encouragé par les pouvoirs publics avec divers objectifs, l’entrepreunariat vise en particulier, à terme, le développement de l’emploi salarié. Les informations recueillies par l’Insee auprès d’entreprises interrogées jusqu’à cinq ans après leur création permettent de distinguer quatre profils types qui rendent compte de la diversité des dynamiques entrepreneuriales, notamment en matière d’embauches.
Entre la figure du créateur qui cherche avant tout à assurer son propre emploi et celle de l’entrepreneur qui tend à développer son activité en embauchant, l’éventail des configurations est vaste. La figure du travailleur-entrepreneur individuel, récemment renforcée par la mise en place du statut d’autoentrepreneur, s’impose numériquement face à celle de l’entrepreneur-employeur. De ce fait, il apparaît qu’une bonne partie des jeunes entreprises a une très faible propension à créer des emplois salariés.
Le travail à l'épreuve des indicateurs de gestion dans l'horticulture
#85 - octobre 2011 - Valérie Zara-Meylan, Serge Volkoff, Valérie Pueyo
La rationalisation est une des figures majeures des transformations actuelles des organisations du travail.
Elle s’accompagne souvent de la montée en puissance des outils de gestion. L’horticulture, un des segments du secteur « primaire », n’échappe pas à cette évolution. Dans ce domaine agricole économiquement fragile, la production est de plus en plus mécanisée mais repose malgré tout sur des savoir-faire que ces outils ont du mal à prendre en compte.
Une recherche en ergonomie, menée dans une entreprise horticole familiale, s’est intéressée aux outils de gestion appliqués à l’organisation du travail et aux salariés en vue de garantir la qualité des produits et de gagner de nouveaux clients. Force est de constater que l’introduction d’indicateurs, de grilles de compétences et d’évaluation n’a pas apporté les améliorations escomptées : les dirigeants font état d’insatisfactions des clients par rapport aux produits livrés ; les salariés soulignent l’accroissement de la pénibilité physique de leurs tâches.
La dégradation de la qualité de vie au travail en Europe entre 1995 et 2005
#84 - septembre 2011 - Nathalie Greenan, Ekaterina Kalugina, Emmanuelle Walkowiak
Alors que la qualité des emplois occupe une place croissante dans le débat public, les enquêtes européennes sur les conditions de travail montrent que la qualité de vie au travail s’est dégradée entre 1995 et 2005. Les pénibilités physiques ont continué de se développer ; l’intensité des contraintes pesant sur les individus s’est accrue ; les tâches sont devenues moins complexes, autrement dit moins enrichissantes pour les travailleurs.
En 2005, la Grèce et le Portugal présentent le niveau de qualité de vie au travail le plus faible. En dix ans, l’Allemagne et l’Italie ont connu une détérioration tandis que l’Autriche et l’Irlande ont enregistré une amélioration.
La France se caractérise par une intensité du travail faible, un degré de pénibilités physiques important et une complexité du travail peu élevée. Elle est le seul des quinze pays fondateurs de l’Union européenne où aucun changement significatif n’est observé en dix ans.
La grève des travailleurs sans papiers : vers une extension du droit pour les plus précaires ?
#83 - août 2011 - Pierre Barron, Anne Bory, Sébastien Chauvin, Nicolas Jounin et Lucie Tourette
Les grèves de travailleurs sans papiers qui ont eu lieu entre 2008 et 2010 visaient à obtenir la régularisation administrative de ressortissants étrangers, salariés en France depuis des années. Elles sont intervenues à la suite de l’évolution des politiques migratoires en vigueur depuis le début des années 2000, qui rendait plus aléatoires les chances de régularisation.
Le mouvement est d’abord parti de salariés sans papiers déclarés, qui se sont mis en grève en occupant leur entreprise pour obtenir leur régularisation. Il s’est ensuite étendu à une population pour laquelle il était plus difficile de démontrer un lien salarial avec un employeur.
Les grèves de sans-papiers ont contribué à la reconnaissance de ces travailleurs en tant que salariés légitimés à faire valoir le droit du travail.
Elles ont en outre permis une percée des syndicats dans des segments du tissu productif jusqu’alors inaccessibles.
Quels effets de la crise sur les trajectoires professionnelles des jeunes ?
#82 - juillet 2011 - Élisabeth Danzin, Véronique Simonnet, Danièle Trancart
La situation des jeunes sur le marché du travail est particulièrement sensible aux fluctuations conjoncturelles. La crise économique qui a débuté fin 2008 a certes conduit à une hausse du taux de chômage pour les moins de 30 ans, mais elle n’a pas eu, tout au moins jusqu’en 2009, de répercussion plus notable sur leurs trajectoires professionnelles que la dernière période de conjoncture morose 2004-2005. Les jeunes femmes, qui avaient bénéficié de la reprise amorcée en 2006, ont moins pâti que les jeunes hommes de la crise.
Cet avantage relatif va toutefois de pair avec une dégradation de la qualité de l’emploi féminin au sein duquel le temps partiel se développe.
Du RMI au RSA : la solidarité et la décentralisation en débats
#81 - juin 2011 -Anne Eydoux, Carole Tuchszirer
La lutte contre la pauvreté et l’insertion des personnes en difficulté sont des sujets de société qui questionnent la solidarité nationale et la gouvernance des politiques sociales. La définition de la « solidarité publique » a évolué au fil du temps et des alternances politiques, accompagnant un processus long de décentralisation. Cette évolution est analysée ici au travers des débats parlementaires qui ont présidé à l’élaboration de trois dispositifs de soutien au revenu et d’insertion.
De 1988 à 2008, le RMI, le RMA puis le RSA ont été successivement adoptés. Une approche individuelle et contractuelle s’est peu à peu installée, encourageant les allocataires à prendre une part de plus en plus active à leur insertion professionnelle.
La décentralisation progressive de ces dispositifs a, quant à elle, conduit à un transfert des responsabilités de l’État aux départements : ces derniers se sont vu confier le financement et le pilotage de l’insertion, dans des conditions organisationnelles et financières qui restent à clarifier et stabiliser.
Aider les chômeurs créateurs d'entreprise rend-il leur projet plus viable ?
#80 - mai 2011 - Lionel Désiage, Richard Duhautois, Dominique Redor
L’aide aux chômeurs pour la création ou la reprise d’entreprise (Accre) est un dispositif qui permet aux personnes en difficulté sur le marché du travail de devenir leur propre employeur. Mais remplit-t-elle son double objectif social et économique ? N’est-elle pas attribuée à des projets de création rapidement voués à l’échec .
Des données de l’Insee permettent de caractériser la population bénéficiaire de l’Accre et de suivre jusqu’en 2006 une cohorte d’entreprises créées en 1998.
Les créateurs qui ont le plus de chances de recevoir l’Accre sont les chômeurs de moins de 50 ans, diplômés du secondaire ou du supérieur, qui portent un projet de plus de 1 500 euros.
Ils conservent leurs indemnités pendant les douze ou quinze premiers mois de l’exploitation. Mais, toutes choses égales par ailleurs, la pérennité des projets ayant reçu l’Accre est supérieure à celle des entreprises qui n’ont pas été aidées.
Former pour gérer la main d'oeuvre dans l'industrie automobile au Brésil et en France
#79 - avril 2011 - Ariel Sevilla
Afin de lutter contre la concurrence et accroître la productivité des salariés, l’industrie automobile est un des secteurs qui investit le plus dans la formation.
Elle entend imposer dans tous ses établissements des façons de produire standardisées.
Or, des observations menées dans deux usines d’un constructeur français implanté dans plusieurs pays montrent d’une part, que le passage par les « écoles de dextérité » ne prépare pas réellement au travail des ateliers et d’autre part, que la formation devient un instrument de gestion de la main-d’œuvre.
Chaque usine fait de cet instrument un usage spécifique selon le contexte d’emploi dans lequel elle se trouve et les enjeux auxquels elle est confrontée.
Dans une usine brésilienne, la formation sert à sélectionner la main-d’œuvre locale inexpérimentée mais diplômée, avant de l’embaucher sur des contrats à durée indéterminée pour la retenir et éviter le turn-over.
Dans une usine française, elle n’intervient que tardivement dans le parcours des ouvriers expérimentés qui font preuve des plus grandes capacités d’adaptation et à qui, après de nombreuses années d’attente, il est enfin offert des perspectives de carrière.
TIC et lieux de travail multiples
#78 - mars 2011 - Jérémie Rosanvallon, Nathalie Greenan, Sylvie Hamon-Cholet, Frédéric Moatty
Selon de nombreux observateurs, la diffusion des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans les entreprises remettrait en cause l’unicité du lieu de travail pour les salariés. Ces outils faciliteraient le fait de travailler dans des endroits multiples et variables.
Mais les résultats de l’enquête Changements organisationnels et informatisation (COI) de 2006 sont loin de conforter ce diagnostic. Les salariés qui changent le plus fréquemment de lieu de travail sans avoir de point fixe de rattachement à l’entreprise sont ceux qui utilisent le moins les TIC. Lorsque ces technologies équipent effectivement la mobilité physique au travail, elles ne coupent pas pour autant les liens avec le bureau ou l’atelier. Cette mobilité renvoie à des mécanismes très différents : les TIC peuvent tout autant contribuer à responsabiliser et autonomiser le salarié qu’à prolonger le contrôle et la subordination.
Pourquoi un chômage plus long à Paris ?
#77 - février 2011 - Yannick L’Horty, Florent Sari
Paris a longtemps attiré les provinciaux à la recherche d’un emploi. Pourtant, les demandeurs d’emploi parisiens présentent aujourd’hui un risque de chômage de longue durée supérieur à celui des autres Franciliens.
Il s’agit là d’un phénomène qui concerne moins nettement les communes de la petite couronne.
Schématiquement, plus on s’éloigne de Paris, plus la durée d’inscription sur les listes de Pôle emploi tend à diminuer, pour n’augmenter que dans l’extrême périphérie. Au-delà d’un effet de composition, cette situation s’explique en partie par l’inadéquation entre les emplois offerts à l’intérieur de Paris et les qualifications des chômeurs qui y résident.
Quand l'informatique outille le recrutement
#76 - janvier 2011 - Yannick Fondeur, Guillemette de Larquier et France Lhermitte
Jusqu’ici largement ignorés par les sciences sociales, les systèmes informatiques de gestion de recrutement sont des outils dont on évalue mal la diffusion et les enjeux socio-économiques qui y sont associés.
Une recherche exploratoire, menée en lien avec l’Association pour l’emploi des cadres (Apec), livre ici ses premiers résultats et montre que l’implantation des progiciels de recrutement est loin d’être anecdotique. En être équipé constitue même une norme pour les plus grandes entreprises.
Ces outils participent d’un mouvement de standardisation des pratiques, qui est susceptible d’avoir une incidence sur les façons de recruter et la sélection des candidats. Pour autant, même dans les entreprises équipées, tous les recrutements ne sont pas traités par ce biais, et ceux qui interviennent « en dehors » du dispositif revêtent des caractéristiques spécifiques : un moindre recours à Internet et une probabilité plus grande que le candidat retenu appartienne au réseau de relations de l’entreprise.