Documents de travail - 2002

Représentation, convention et institution. Des repères pour l'Économie des conventions

#20 - décembre 2002 - Christian Bessy

Le programme de recherche de l’Économie des conventions, tel qu’il s’est développé en France au cours de ces vingt dernières années, a permis de renouveler l’analyse économique des « institutions ». Son hypothèse fondatrice repose sur un individualisme méthodologique complexe essayant de concilier une certaine autonomie du « social » avec l’idée que ce sont les individus qui agissent, qui ont des intentions, et non une entité supra-individuelle. Sa focalisation sur les problèmes de coordination, les questions d’anticipation et de représentation, a conduit l’Économie des conventions à délaisser la notion d’« institution », en tant que cadre donné de l’action collective.

Ce document propose de reprendre au sérieux la notion d’« institution » et de la positionner par rapport à la notion de « convention ». La réflexion s’appuie sur des textes qui analysent la logique des faits institutionnels en adoptant une philosophie intentionaliste de l’esprit (Descombes, 1996 ; Searle, 1995). Elle propose de positionner l’Économie des conventions autour de trois axes d’analyse : holisme/individualisme, règle et interprétation, réalisme/antiréalisme.

La quatrième partie approfondit les liens entre « règle » et « action » en présentant les différentes formes de causalité utilisées pour expliquer les actions humaines en sciences sociales, mais aussi, au sein de l’Économie des conventions.

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Une étude de l'usage de la notion de précarité dans l'économie et la sociologie françaises des années 1980 et 1990

#19 - novembre 2002 - Jean-Claude Barbier

Un examen des travaux économiques et sociologiques français des années 1980 et 1990 montre la lente émergence de l'utilisation de la notion de « précarité » de l'emploi. Celle-ci, au demeurant, est apparue dans le champ des politiques familiales en tant que « pauvreté-précarité ». L'usage, avant de s'étendre, a été contesté à l'origine par les économistes analysant les stratégies des firmes pour comprendre les évolutions du marché du travail. Petit à petit, la notion de précarité tout court a eu tendance à se banaliser dans les travaux, et même à s'étendre dans une notion très englobante de précarité de la société toute entière. Cet usage est très particulier aux travaux français et à la société française. La précarité à la française est aussi très liée à la question des « statuts ». Une définition « scientifique » de la précarité est particulièrement difficile, car la notion appartient d'abord au discours politique.

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Existe-t-il un piège à faible emploi et faible formation pour les salariés âgés en France ?

#18 - mai 2002 - Luc Behaghel

Le risque d’un piège à faible emploi et faible formation constitue un argument majeur en faveur des politiques de formation tout au long de la vie. La France serait tombée dans un tel piège dans les années 80 avec le développement des préretraites : ces dernières auraient validé l’idée qu’en raison des cessations d’activité précoce, la formation des salariés âgés ne se justifie pas.

L’idée du piège est modélisée et testée empiriquement. De façon surprenante, le piège ne semble guère avoir fonctionné dans les années 80 : l’accès relatif des salariés âgés à la formation continue ne paraît pas décliner. En outre, l’accès à la formation continue s’est nettement accru à tout âge entre 1985 et 1993. Ces deux résultats sont robustes à la prise en compte de changements de structure affectant les niveaux de diplôme, les catégories socioprofessionnelles, la taille des entreprises ou la composition sectorielle de l’économie.

En conclusion, le piège, si piège il y eut, fut de faible ampleur, largement dominé par d’autres facteurs qui ont poussé à un effort de formation accru. L’un de ces facteurs pourrait être l’accélération de l’obsolescence de la formation initiale, en lien avec le progrès technique. Quant à la faible ampleur du piège, elle peut s’interpréter comme le signe que l’horizon des décisions de formation, relativement court, n’est influencé que de façon marginale par les perspectives de cessation d’activité.

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Négociation de la loi et pratiques du droit : une étude des règles du temps de travail en France (1998-2000)

#17 - avril 2002 - Jérôme Pélisse

En 1998, puis en 2000, le gouvernement français a adopté deux lois visant à réduire la durée du travail à 35 heures par semaine. Le processus législatif, qui avait déjà été précédé en 1996 par une loi visant à promouvoir la réduction collective de la durée du travail, donne lieu dans cet article à deux interrogations. La première porte sur l’originalité de la technique d’intervention de l’État qui repose sur un processus de co-production des normes, au sein duquel la négociation collective joue un rôle très important. C’est alors la loi en train de se faire qui est examinée. La seconde interrogation porte sur la mise en place de la loi, à travers l’exploitation partielle d’une étude empirique de négociations et de mises en œuvre d’accords d’entreprise. Outre une réflexion sur la façon dont les règles s’appliquent, il est avancé que la mise en œuvre des règles juridiques brouille les catégories traditionnelles du droit du travail, comme l’individuel et le collectif, et pose la question du développement de formes d’auto-réglementation de l’entreprise.

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Paradoxe, dysfonctionnement et illégitimité de la convention financière

#16 - avril 2002 - Tristan Boyer

Le rôle des marchés financiers (particulièrement celui des fonds de pension) dans le financement des entreprises n’a cessé de croître depuis les années quatre-vingt. Un courant de pensée très largement dominant a alors fait, à tort selon nous, un lien direct entre les licenciements qui ont marqué ces dernières années et le poids croissant des fonds de pension.

Ce lien repose sur l’existence de la convention financière, que nous définissons comme l’exigence de rendement à court terme des actions que les dirigeants d’entreprise attribuent aux fonds de pension et aux principes de gestion issus de la corporate governance.

La première partie de ce papier concerne la définition de la convention financière, qui repose sur une interprétation de la notion de « convention » chez Keynes. La deuxième partie s’intéresse à la pertinence de la convention financière, en tant que traduction des attentes des marchés financiers, que nous testons à partir d’études d’« événements » relevés en France et aux États-Unis. Ces études montrent que le lien entre les licenciements et le cours de bourse est plutôt négatif, que les licenciements sont le signe de difficultés économiques, sociales et financières, mais n’en sont pas la solution (tant du point de vue économique que de celui des marchés financiers), et enfin que l’idée des licenciements, comme cause mécanique d’une appréciation du cours de bourse, est contredite par la façon dont les analystes financiers évaluent les entreprises et prennent leurs décisions. En conclusion, nous considérons la convention financière comme la traduction erronée des attentes des marchés financiers, ce qui conduit à une coordination dysfonctionnelle de l’entreprise (autant en interne qu’en externe) et à une illégitimité de cette convention.

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Déstabilisation des marchés internes et gestion des âges sur le marché du travail : quelques pistes

#15 - mars 2002 - Jérôme Gautier

Le profil croissant de salaire avec l’âge reposait, dans les marchés internes traditionnels des grandes entreprises, sur l’accumulation de capital humain et un mécanisme incitatif (de « paiement différé »). Cet article développe l’hypothèse selon laquelle aussi bien les jeunes que les salariés âgés bénéficiaient – dans certains cas – de « subventions implicites » découlant de l’écart positif entre leur salaire et leur productivité (cet écart étant négatif pour les salariés d’âge intermédiaire). Certains indices laissent penser que ce système de subventions implicites a eu tendance à être remis en cause au cours des années quatre-vingt, ce qui peut contribuer à expliquer la forte baisse du taux d’emploi aux deux âges extrêmes dans un pays comme la France.

La première partie présente le cadre théorique, qui articule des théories institutionnalistes (théorie des marchés internes de Doeringer et Piore, théorie « sociétale » de Marsden) à des théories néo-classiques (notamment celles de Lazear). La deuxième partie développe des arguments théoriques et empiriques permettant d’étayer l’hypothèse de déstabilisation des marchés internes en France. Enfin, dans la troisième partie, quelques éléments de comparaison avec les États-Unis et le Japon sont évoqués.

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Métissage, innovation et travail : un essai à partir de l'étude d'activités artistiques et culturelles

#14 - mars 2002 - Marie-Christine Bureau, Emma Mbia

L’objet de ce texte est de proposer une discussion critique de la notion de métissage et de la mettre en relation avec certaines propriétés du travail artistique et culturel : exigence d’innovation, inachèvement de la division du travail, relation au public, etc.

La première partie consiste en une approche critique de la notion de métissage, suivie d’une tentative d’élaboration théorique à partir des concepts-clé proposés par Simondon : individuation psychique et collective ; rapports interindividuels et transindividualité.

La deuxième partie est consacrée à une réflexion sur la mobilisation par les collectivités locales du travail artistique au service de l’animation et de la paix urbaines.

La troisième partie se présente comme un programme de travail. Il s’agit de tirer les conséquences du concept de transindividualité pour appréhender, d’une part les modes d’organisation économique des activités, d’autre part les formes de coopération au travail et d’intégration de jeunes salariés dans le secteur culturel.

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Politique de l'emploi et mise au travail sur des "activités utiles à la société"

#13 - mars 2002 - Bernard Simonin

L’argumentation sur l’utilité sociale des activités réalisées par les bénéficiaires des mesures, pour justifier les actions menées au titre de la politique de l’emploi, est contemporaine du développement des aides aux emplois du secteur non marchand. Les années quatre-vingt-dix ont vu une quasi-disparition du recours à cet argument à propos des mesures d’insertion, telles que le « contrat emploi-solidarité » (CES), alors qu’il est resté central pour les programmes non ciblés sur « les publics en difficulté », tels que les « emplois-jeunes ». Ce faisant, les pouvoirs publics ont pris le risque d’engendrer pour les mesures d’insertion une spirale négative, où la stigmatisation a priori des salariés en contrat aidé entraîne la stigmatisation des activités exercées, empêchant ainsi tout effet de reconnaissance sociale et professionnelle pour les personnes.

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